AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Matériel pour l'arboriculture fruitière (MAF), dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 mars 1999 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre civile, 1re section), au profit de la société Caustier France, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 février 2002, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Garnier, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Garnier, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat de la société MAF, de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société Caustier France, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 mars 1999), que la société Matériel pour l'arboriculture fruitière (société MAF), titulaire du brevet d'invention déposé le 26 octobre 1989, délivré le 10 juillet 1992 et enregistré sous le n° 89 14O69, ayant pour objet un "dispositif pour vider par immersion des caisses contenant des objets flottants tels que notamment des fruits", a, après saisie-contrefaçon, assigné en contrefaçon des revendications 1 à 4 de son brevet, la société Caustier qui a reconventionnellement conclu à la nullité de ces revendications ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société MAF fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon de brevet, alors, selon le moyen :
1 / que l'existence d'une combinaison des moyens figurant dans la revendication n'est pas une condition de brevetabilité ; qu'en énonçant que le dispositif protégé par le brevet réalisait non une combinaison mais une juxtaposition de moyens connus, cette juxtaposition n'étant pas brevetable, la cour d'appel a violé l'article L. 611-10 du Code de la propriété intellectuelle ;
2 / que la combinaison s'entend de l'association de moyens qui, sans cesser d'exercer chacun sa fonction propre, coopèrent à l'obtention d'un résultat commun différent de la simple addition des résultats respectivement obtenus par chaque élément ; que pour considérer que le dispositif protégé par le brevet réalisait une simple juxtaposition de moyens et non une combinaison, la cour d'appel a retenu de façon inopérante que chacun des éléments du dispositif conservait sa fonction spécifique et, au prix d'une seule affirmation, qu'aucune coopération n'était assurée entre ces éléments en vue d'un résultat commun, sans aucune réfutation de ses conclusions et des motifs du jugement, selon lesquels l'association des deux éléments procurait un résultat d'ensemble consistant dans le traitement complet des caisses de fruits, de leur prise en charge pleines à leur restitution vide ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 611-10 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que sans exiger l'existence d'une combinaison comme condition préalable de la brevetabilité, la cour d'appel, répondant aux prétentions des parties, a, en se référant exactement aux critères distinguant la combinaison de la simple juxtaposition de moyens, retenu par une appréciation souveraine, l'inexistence d'une combinaison, et ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société MAF fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les revendications ne peuvent être isolées des descriptions qui servent à les interpréter et sur lesquelles elles sont fondées ; qu'en ne s'attachant qu'aux seules revendications pour apprécier la nouveauté du brevet, en omettant de prendre en considération les descriptions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 612-6 et L. 613-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, dès lors qu'aux termes de l'article L. 613-2 du Code de la propriété intellectuelle, l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par la teneur des revendications, la description et les dessins ne servant qu'à interpréter celles-ci, la cour d'appel, en retenant que le procédé de la société Newtec intégrait tous les éléments de la revendication 1 du brevet MAF pour obtenir un résultat identique, ce dont il résultait que cette revendication était dépourvue de nouveauté, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société MAF fait enfin le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que pour être destructrice de nouveauté, l'antériorité doit présenter les éléments de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même résultat technique ; qu'en se bornant à énoncer que le procédé Newtec, qu'elle a retenu à titre d'antériorité, reproduisait les éléments du système de manipulation caractérisant selon elle la revendication 1 du brevet pour obtenir un résultat identique, sans constater que la forme, l'agencement et le fonctionnement des éléments du système étaient identiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, qu'ayant relevé que le procédé Newtec intégrait tous les éléments du système de manipulation caractérisés par la revendication 1 du brevet MAF, pour obtenir un résultat identique, ce dont il résultait que l'invention revendiquée se retrouvait dans l'état de la technique telle qu'elle était, dans la même forme, le même agencement et dans la même fonction, la cour d'appel en estimant que la revendication litigieuse était dépourvue de nouveauté, a légalement justifié sa décision ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société MAF aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société MAF à payer à la société Caustier France la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille deux.