AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Communauté urbaine du Grand Nancy, venant aux droits du District urbain de Nancy, dont le siège est 22, 24, Viaduc Kennedy, 54000 Nancy,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 février 2000 par la cour d'appel de Nîmes (chambre réunies), au profit :
1 / de M. Robert X..., demeurant ...,
2 / de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de Montpellier, dont le siège est 615, boulevard d'Antigone, Angle avenue Jean Mermoz, 34064 Montpellier cedex 02,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 31 janvier 2002, où étaient présents : M. Gougé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Ollier, conseiller rapporteur, MM. Thavaud, Dupuis, Mme Duvernier, MM. Duffau, Tredez, conseillers, MM. Petit, Paul-Loubière, Mmes Slove, Guihal-Fossier, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ollier, conseiller, les observations de la SCP Monod et Colin, avocat de la Communauté urbaine du Grand Nancy, venant aux droits du District urbain de Nancy, de Me Blanc, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., recruté comme capitaine de sapeurs-pompiers stagiaire par le District urbain de Nancy le 1er septembre 1987, a été licencié une première fois le 25 juillet 1988, puis, après annulation de la décision par la juridiction administrative, une deuxième fois le 23 mars 1989 ; que ce dernier arrêté ayant été annulé par le tribunal administratif le 20 décembre 1991, il a été à nouveau licencié le 24 décembre 1992 ; que son recours a été rejeté par jugement du tribunal administratif du 21 décembre 1993 ; que le 2 avril 1988, il avait été victime d'un accident hors service, à la suite duquel il a été en arrêt de travail jusqu'au 30 octobre 1990, puis en état de rechute depuis le 2 décembre 1991 ; que la caisse primaire d'assurance maladie de son domicile lui ayant indiqué que son état était stabilisé à compter du 1er avril 1995, avec une incapacité de travail au taux de 66 %, il a saisi la juridiction de sécurité sociale afin d'obtenir du District urbain de Nancy le versement d'indemnités journalières pour le mois de mars 1995 et une pension d'invalidité de première catégorie à compter du 1er avril 1995 ;
que, par arrêt du 3 décembre 1998, la cour administrative d'appel a annulé le jugement du tribunal administratif du 21 décembre 1993 ; que l'arrêt attaqué (Nîmes, 14 février 2000), rendu sur renvoi après cassation (3 décembre 1998, pourvoi n° K 97-12.012), a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Communauté urbaine du grand Nancy, venant aux droits du District urbain et dit que M. X... devait bénéficier d'une pension d'invalidité de première catégorie, laquelle doit être liquidée par la Communauté urbaine, à compter du 1er avril 1995 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la Communauté urbaine du grand Nancy fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté l'exception d'incompétence, alors, selon le moyen :
1 / qu'il ne peut être reproché à une partie de soulever une exception d'incompétence après avoir défendu au fond si, lorsque cette partie a formulé sa défense au fond, la compétence de la juridiction n'était pas contestable ; qu'en l'espèce, la Communauté urbaine a, avant toute défense au fond devant la cour d'appel de renvoi saisie le 10 janvier 1999, invoqué l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative, en se prévalant de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 3 décembre 1998 annulant la décision du 17 décembre 1992 (notifiée le 24 décembre) par laquelle il avait été mis fin au stage de M. X..., et ayant pour effet de faire recouvrer à M. X... la qualité d'agent public territorial dont il était privé depuis l'intervention de la décision exécutoire du 17 décembre 1992 ; que la circonstance que le précédent licenciement de M. X..., du 30 mars 1989, ait été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 20 décembre 1991, exécutoire nonobstant appel -que, comme le constate l'arrêt attaqué, l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 juillet 1995 n'a fait que confirmer- ne faisait pas obstacle à l'exécution de la décision indépendante du 17 décembre 1992 ; qu'ainsi, de la date de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale, le 30 mars 1995, à la date du prononcé de l'arrêt cassé du 9 janvier 1997, l'intéressé n'avait plus la qualité d'agent public territorial, et que ce n'est qu'à partir du 3 décembre 1998 qu'en vertu de l'arrêt d'annulation de la cour administrative d'appel revêtu de l'autorité absolue de chose jugée, il a recouvré rétroactivement cette qualité sur laquelle la Communauté urbaine fondait son exception d'incompétence ; que, dès lors, en décidant qu'en l'état des débats au fond ayant eu lieu devant les premiers juges, l'exception soulevée par la Communauté urbaine ne pouvait être accueillie, la cour d'appel a méconnu l'autorité absolue de chose jugée des décisions d'annulation précitées du juge administratif et violé l'article 74 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le régime général de la sécurité sociale n'est pas applicable aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale qui sont affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, ceux-ci étant soumis aux dispositions du décret n° 77-812 du 13 juillet 1977 ; que les litiges relatifs à l'application à des agents publics territoriaux des règles issues des statuts particuliers, distincts du régime général de la sécurité sociale, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; qu'en se bornant à affirmer que le contentieux de la sécurité sociale relève des juridictions judiciaires, sans vérifier la situation de M. X... au regard de son affiliation à la Caisse de retraite des agents des collectivités locales, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le contentieux de la sécurité sociale relève de la compétence des juridictions judiciaires ; que la demande de M. X..., tendant à l'attribution d'une pension d'invalidité, relève de ce contentieux, et que, dès lors, il est sans conséquence qu'au jour de la demande, il ait recouvré la qualité de fonctionnaire stagiaire des collectivités locales ;
qu'ainsi, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que la Communauté urbaine du grand Nancy fait grief à la cour d'appel d'avoir décidé que M. X... devait bénéficier d'une pension d'invalidité de première catégorie à compter du 1er avril 1995, alors, selon le moyen :
1 / que le droit à pension est subordonné à la constatation d'une invalidité réduisant au moins des deux tiers la capacité de travail ou de gain de l'assuré ; qu'en l'espèce, M. X... indiquait lui-même dans ses conclusions avoir perçu du 1er avril 1995 au 28 avril 1996, puis du 1er mai 1997 au 3 mars 1999, des indemnités journalières de sécurité sociale de la part de la Communauté urbaine, ce qui correspondait à une indemnisation pour perte d'emploi et impliquait donc qu'à la date du 1er avril 1995, l'intéressé était apte à reprendre un emploi ; qu'ainsi, en se bornant à évoquer la circonstance qu'au 13 janvier 1995, le médecin-conseil de la caisse primaire d'assurance maladie avait estimé que M. X... présentait une incapacité de travail ou de gain égale ou supérieure à 66 %, sans rechercher si, à la date de sa demande de pension d'invalidité, M. X... présentait toujours une telle invalidité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.341-1 et R.341-2 du Code de la sécurité sociale ;
2 / qu'en se bornant à apprécier si, à la date du 2 décembre 1991, M. X... réunissait les conditions d'ouverture du droit à pension d'invalidité, sans rechercher si, eu égard au fait que l'intéressé avait perçu à partir du 1er avril 1995 une indemnisation pour perte d'emploi, la date du 2 décembre 1991 constituait bien la dernière interruption du travail suivie d'invalidité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.313-5 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, devant les juges du fond, la Communauté urbaine s'est bornée à solliciter le rejet des demandes dirigées contre elle, sans fournir de plus amples explications et sans critiquer les moyens de M. X... ; qu'en ses deux branches, le moyen est nouveau et que, mélangé de droit et de fait, il est, dès lors, irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Communauté urbaine du Grand Nancy aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Communauté urbaine du Grand Nancy à payer à M. X... la somme de 2 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille deux.