AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mme Hélène Y..., épouse X..., demeurant ...,
2 / Mme Véronique X..., demeurant ...,
3 / M. Dominique X..., demeurant ...,
4 / M. Bertrand X..., demeurant ... du Rouvray,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 novembre 1996 par la cour d'appel de Versailles (12e et 13e Chambres Réunies), au profit :
1 / de la Société générale, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de la société civile immobilière (SCI) Les Balysis, dont le siège est ..., prise en la personne de sa gérante la société à responsabilité limitée Cocim, dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 février 2002, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Graff, conseiller référendaire rapporteur, MM. Tricot, Badi, Mmes Aubert, Vigneron, Tric, Besançon, Lardennois, Pinot, M. Cahart, conseillers, MM. Richard de la Tour, de Monteynard, Delmotte, Truchot, conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Graff, conseiller référendaire, les observations de la SCP Coutard et Mayer, avocat des consorts X..., de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la Société générale, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 582 et 591 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en vertu de ces textes, la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque ;
que la décision qui accueille la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant ;
que le jugement primitif conserve ses effets entre les parties même sur les chefs annulés ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique 16 mars 1993 pourvoi n° R 91-11.004), que la société X... a été chargée par la société civile immobilière Les Balysis (la SCI) de travaux, la Société générale (la banque) se portant caution de leur bonne exécution à concurrence d'un montant de 130 800 francs ; que la banque a obtenu de M. Pierre X..., aux droits duquel sont venus Mmes Hélène et Véronique X... et MM. Bertrand et Dominique X... (les consorts X...), l'engagement personnel de lui rembourser toutes sommes pouvant lui être dues par la société X... ; qu'après la mise en liquidation des biens de celle-ci, la banque a été condamnée par un arrêt rendu le 3 juillet 1984 par la cour d'appel de Paris à payer à la SCI la somme de 130 800 francs ; que par un arrêt du 5 juin 1987, la cour d'appel de Versailles a condamné les consorts X... à rembourser à la banque cette somme, en vertu du sous-cautionnement contracté par leur auteur ; que les consorts X... ont formé tierce opposition contre l'arrêt du 3 juillet 1984 et demandé que celui du 5 juin 1987 soit rétracté, par voie de conséquence ;
Attendu que pour déclarer la tierce opposition irrecevable faute d'intérêt, l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 591 du nouveau Code de procédure civile que la tierce opposition ne peut avoir aucun effet vis-à-vis des parties et donc entre la banque et la SCI Les Balysis, que la condamnation à payer la somme de 130 800 francs continuera d'exister contre la banque et restera opposable à la société représentée par la caution solidaire, qu'il en découle que la cour d'appel, appelée à statuer sur la demande de la banque contre les consorts X... restera tenue par la condamnation prononcée contre la banque et opposable à la société, qu'il s'en déduit que la tierce opposition contre l'arrêt rendu le 3 juillet 1984 par la cour d'appel de Paris ne pourra avoir aucun effet sur l'arrêt rendu le 5 juin 1987 par la cour d'appel de Versailles qui a condamné définitivement les consorts X..., que ces derniers ne trouvent aucun intérêt dans leur tierce opposition ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la rétractation demandée ne pouvait avoir d'effet qu'à l'égard des consorts X... et que ceux-ci avaient un intérêt à invoquer l'absence d'obligation de la caution sur le fondement de laquelle ils avaient été condamnés, serait-ce par une décision devenue définitive, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la Société générale et la SCI Les Balysis aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille deux.