AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X...
Y..., demeurant Rue 313, n° 34, Hay Moukaouama, 60300 Kerbane (Maroc),
en cassation d'une décision rendue le 16 juillet 1999 par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Dijon, au profit de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ain, dont le siège est Place de la Grenouillère, 01000 Bourg-en-Bresse,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 janvier 2002, où étaient présents : M. Gougé, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Slove, conseiller référendaire rapporteur, M. Dupuis, conseiller, M. Paul-Loubière, conseiller référendaire, M. Benmakhlouf, premier avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Slove, conseiller référendaire, les observations de Me Jacoupy, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un Tribunal indépendant et impartial ;
Attendu que le tribunal du contentieux de l'incapacité, statuant sur renvoi après cassation (arrêt du 12 mars 1998, n° 1499 D), a rejeté le recours formé par M. Y... contre une décision de la caisse primaire d'assurance maladie maintenant à 0 %, à la date de la demande de révision pour aggravation, le 3 août 1994, le taux d' incapacité permanente partielle résultant de l'accident du travail dont il avait été victime le 19 septembre 1969 ;
Attendu qu'il résulte de la décision attaquée que ce Tribunal était présidé par un représentant du directeur régional des affaires sanitaires et sociales ; que ce fonctionnaire, soumis à une autorité hiérarchique, a, du fait de ses fonctions administratives, des liens avec la caisse primaire, partie au litige ; qu'en vertu des dispositions de l'article R.143-4 du Code de la sécurité sociale, il désigne le médecin expert appartenant à cette juridiction ; qu'en application de l'article R.143-11 du même Code, sa voix est prépondérante en cas de partage ; que ces éléments étaient de nature à faire naître, dans l'esprit du justiciable, des doutes légitimes sur l'indépendance et l'impartialité du Tribunal ;
D'où il suit que la cause n'a pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui a ainsi été violée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, la décision rendue le 16 juillet 1999, entre les parties, par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite décision et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lyon ;
Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain aux dépens ;
Vu les articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille deux.