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05/03/2002 | FRANCE | N°98-17497

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 mars 2002, 98-17497


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Pierre Y..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 4 mai 1998 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile), au profit de M. Roger X..., demeurant ..., pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Y..., société à responsabilité limitée,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au

présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisati...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Pierre Y..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 4 mai 1998 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile), au profit de M. Roger X..., demeurant ..., pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Y..., société à responsabilité limitée,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 janvier 2002, où étaient présents : M. Tricot, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Pinot, conseiller rapporteur, M. Badi, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Pinot, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de M. Y..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la sarl Y... (la société) ayant été mise redressement judiciaire le 22 septembre 1993 puis en liquidation judiciaire, le liquidateur a demandé, sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de M. Y..., dirigeant de la société ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt d'avoir jugé qu'il avait, sous couvert de la personne morale masquant ses agissements, fait des actes de commerce dans un intérêt personnel alors, selon le moyen :

1 / que la société ne peut être considérée comme fictive dès lors qu'il est démontré que les associés ont bien effectué les apports prévus dans les statuts, qu'ils ont partagé les bénéfices et les pertes qu'il y a bien affectio societatis entre eux, qu'en la présente espèce, l'exposant faisait valoir dans ses écritures d'appel qu'il résultait de l'historique même de la sarl Y... que l'on ne saurait lui reprocher d'avoir créé une structure juridique dans le seul but de servir ses intérêts personnels, que la cour d'appel ne pouvait en conséquence déduire de la fictivité de la société du seul fait de sa prise en location-gérance du fonds artisanal de l'exposant et du paiement des loyers des contrats de leasing conclus par l'exposant dans le cadre de son activité professionnelle avant la création de la société sans auparavant rechercher, comme elle y était expressément invitée par les écritures de l'exposant, si l'historique de la société Y... ne démontrait pas que les associés avaient réellement entendu mettre en commun des biens ou leur industrie dans les conditions prévues à l'article 1832 du Code civil, que, faute d'avoir procédé à cette

recherche, la cour d'appel a violé les articles 1832 du Code civil et 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que M. Y... faisait valoir dans ses écritures d'appel qu'il n'avait pu faire l'apport en nature de son fonds artisanal à la société car un tel apport aurait conduit à une répartition trop déséquilibrée du capital, les autres associés n'ayant pas les liquidités nécessaires pour faire des apports aussi importants, et qu'il l'avait donc donné en location-gérance à la société afin de lui permettre de disposer d'un matériel d'exploitation et d'une clientèle sans les acheter, un tel achat étant de nature à contraindre la société nouvellement créée à s'endetter, qu'il faisait également valoir que le prix de la redevance, fixé à 10.000 francs, hors taxes par mois en 1988, avait été calculé en tenant compte de la rentabilité dégagée par son affaire individuelle, de la valeur des matériels mis à la disposition de la société et de la valeur locative des locaux dans lesquels était exploité le fonds, que la cour d'appel se devait donc de rechercher si la prise du fonds en location-gérance par la sarl Y... n'était pas la meilleure solution pour cette dernière à l'époque de sa création et si le prix de la redevance n'était pas justifié par des éléments objectifs, que faute d'avoir procédé à cette recherche, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que M. Y... soulignait également dans ses écritures d'appel que son salaire de 16 000 francs bruts mensuels, soit 13 656 francs nets dont 1 000 francs d'indemnité de gérance, n'était pas excessif et n'avait d'ailleurs pas été modifié par les organes de la procédure pendant la période d'observation, qu'il avait décidé avec les autres associés lors d'une délibération du 26 décembre 1992 de ne pas percevoir le solde du 13 ème mois auquel ils pouvaient prétendre afin de tenir compte des difficultés de l'entreprise, et que sa rémunération avait été définitivement amputée du 13 ème mois par délibération du 7 janvier 1993, qu'il faisait également remarquer qu'il avait apporté des fonds provenant de ses économies afin de soutenir la trésorerie de l'entreprise, qu'il n'avait pas produit sa créance en compte courant comprenant des loyers et des rémunérations impayés, qu'il avait abandonné son fonds artisanal à la société ainsi que les loyers de location-gérance pendant la période d'observation et qu'il avait réglé de ses deniers propres bon nombre de factures pour le compte de la sarl, ce qui prouvait bien qu'il n'avait pas agi que dans son intérêt personnel, qu'en ne se basant que sur le montant mensuel de la redevance de location-gérance, et sur le salaire brut mensuel de l'exposant pour dire que celui-ci n'avait jamais agi que dans son intérêt personnel sans rechercher comme elle y était invitée si ce dernier ne démontrait pas avoir consenti d'importants sacrifices financiers pour tenter de sauver l'entreprise, la cour d'appel a, une fois encore, violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / que s'agissant des contrats de crédit-bail, M. Y... rappelait dans ses écritures d'appel que le tribunal avait justement estimé qu'il établissait avoir demandé aux organismes de crédit-bail de transférer ces contrats au nom de la sarl Y..., et qu'il était démontré que ces organismes avaient reconnu avoir accepté le transfert mais n'avoir pu effectuer le changement de titulaire des factures pour des raisons techniques et internes à leurs services, et que la carte grise du véhicule Master Renault immatriculé 1534 S T 74 était restée établie au nom de Diac équipement après qu'il en ait lui-même réglé la valeur résiduelle lors de la levée de l'option en raison des difficultés de trésorerie rencontrées par la société puisque ce véhicule appartenait justement à la société, qu'en énonçant, sans répondre à cette argumentation, qu'il importait peu que la transmission des contrats de crédit-bail ait été demandée en vain, dès lors que l'entreprise n'avait pu obtenir la contrepartie de ses paiements en faisant l'acquisition des véhicules qui avaient finalement été cédés à l'exposant, la cour d'appel a une fois de plus violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la création de la personne morale avait eu pour objet de permettre à M. Y..., qui était resté propriétaire du fonds donné en location-gérance à la société, d'en poursuivre l'exploitation gravement déficitaire dès la fin de l'année 1992 sans supporter les risques et les charges de cette exploitation et que la société avait financé les véhicules professionnels ayant fait l'objet de contrats de crédit- bail, souscrits par M. Y... à l'époque de son activité personnelle, sans contrepartie puisque ces véhicules lui ont été finalement cédés, la cour d'appel, qui, répondant, en les écartant, aux conclusions prétendument omises, en a déduit que M. Y... avait, sous couvert de la personne morale masquant ses agissements, fait des actes de commerce dans son intérêt personnel, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 1er, alinéa 2, et 182 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 620-1 et L. 624-5 du Code de commerce, dans leur rédaction applicable à la cause ;

Attendu que l'arrêt a prononcé d'emblée la liquidation judiciaire de M. Y... ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la procédure collective du dirigeant est soumise à la loi applicable à la procédure collective de la société telle qu'elle était en vigueur au moment où elle a été ouverte, la cour d'appel qui ne pouvait prononcer, sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, la liquidation judiciaire de ce dirigeant sans période d'observation, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 mai 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. X... ès qualités aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en l'audience publique du cinq mars deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 98-17497
Date de la décision : 05/03/2002
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Personne morale - Dirigeants sociaux - Liquidation judiciaire personnelle - Conditions - Actes commis dans un intérêt personnel.


Références :

Code de commerce L620-1 et L624-5
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 1er, al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry (chambre civile), 04 mai 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 mar. 2002, pourvoi n°98-17497


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:98.17497
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