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05/03/2002 | FRANCE | N°00-40467;00-40670

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mars 2002, 00-40467 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° M 00-40.467 formé par la société Soussana, société anonyme dont le siège social est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 7 décembre 1999 par la cour d'appel de Paris (21e Chambre, Section C) , au profit M. Philippe X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° H 00-40.670 formé par M. Philippe X..., en cassation du même arrêt rendu entre les mêmes parties ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 janvier 2002, où étaient présents : M. Sargos, p

résident, M. Boubli, conseiller rapporteur, MM. Ransac, Bouret, Lanquetin, Coeuret, B...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° M 00-40.467 formé par la société Soussana, société anonyme dont le siège social est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 7 décembre 1999 par la cour d'appel de Paris (21e Chambre, Section C) , au profit M. Philippe X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° H 00-40.670 formé par M. Philippe X..., en cassation du même arrêt rendu entre les mêmes parties ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 janvier 2002, où étaient présents : M. Sargos, président, M. Boubli, conseiller rapporteur, MM. Ransac, Bouret, Lanquetin, Coeuret, Bailly, Chauviré, Gillet, conseillers, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, MM. Richard de la Tour, Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. Benmakhlouf, premier avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Boubli, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Soussana, de la SCP Gatineau, avocat de M. X..., les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n M 00-40.467 et H 00-40.670 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui était salarié de la société Soussana et qui était investi d'un mandat de conseiller prud'homme, a été mis à la retraite par son employeur par lettre du 26 mars 1991 fixant le terme de son contrat de travail au 30 juin 1991 ; que cette rupture des relations contractuelles est intervenue sans autorisation administrative préalable ; que le salarié, qui n'a pas demandé sa réintégration, a sollicité diverses indemnités ;

Sur le moyen unique du pourvoi de la société Soussana et les premier et deuxième moyens du pourvoi de M. X... :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé comme il l'a fait le montant de l'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, alors, selon le moyen de la société :

1 / que l'arrêt attaqué énonce qu'il y a lieu d'allouer à M. X..., à titre d'indemnité pour pertes de ressources, la somme de 658 796 francs sur la base des salaires mensuels bruts d'un montant non contesté de 41 603 francs qu'il aurait dû percevoir du 1er juillet 1991 jusqu'au terme de sa période de protection, soit le 9 juin 1993, nonobstant la poursuite du mandat de conseiller prud'homme de l'intéressé postérieurement au 9 juin 1993 ; que, d'autre part, le jugement confirmé a alloué à M. X... la même somme de 658 796 francs aux motifs que si M. X... avait travaillé jusqu'à 65 ans, il aurait perçu tous les mois son salaire de 41 603 francs et que la société sera donc condamnée à lui régler la différence entre ce qu'il aurait dû toucher et ce qu'il touche régulièrement depuis son départ effectif de la société, c'est-à-dire depuis le 1er juillet 1991, jusqu'au 21 novembre 1994 ; qu'en retenant ainsi successivement, pour allouer la même somme que le jugement confirmé, que l'indemnité pour perte de ressources était due pour l a période du 1er juillet 1991 jusqu'au 9 juin 1993, et qu'elle devait être calculée sur la période du 1er juillet 1991 au 21 novembre 1994, la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'il ressort de l'exposé par l'arrêt des prétentions des parties et des conclusions de M. X... devant la Cour que M. X... réclamait le paiement de 658 796 francs à titre d'indemnité pour pertes de ressources entre le 30 juin 1991, date de la rupture de son contrat de travail, et le 21 novembre 1994, date anniversaire de ses 65 ans ; qu'il ressort de l'exposé par l'arrêt des prétentions des parties et des conclusions de la société Soussana devant la Cour que celle-ci contestait cette somme, au motif notamment que M. X... ne pouvait prétendre à une telle indemnisation que jusqu'à la fin de sa période de protection se terminant le 9 juin 1993 ; qu'en reconnaissant, comme le soutenait la société Soussana, que M. X... n'avait droit à indemnisation que pour la période s'achevant au terme de sa période de protection, soit le 9 juin 1993, tout en allouant à M. X... la totalité de la somme qu'il réclamait pour la période se terminant au jour anniversaire de ses 65 ans, soit le 21 novembre 1994, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige tel qu'il résultait des conclusions écrites des parties et prétentions des parties exposées à l'audience et a ainsi violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, selon les moyens du salarié :

1 / qu'en cas de méconnaissance du statut protecteur du salarié mis à la retraite, l'employeur doit être condamné à verser à titre de sanction une indemnité égale à la rémunération qu'aurait perçue le salarié depuis la date de son éviction irrégulière jusqu'à celle de l'expiration de la période de protection ; qu'en l'espèce, l'arrêt a limité l'évaluation de cette sanction au montant de la perte de ressources effective ment subie par M. X... au titre de la période précitée (c'est-à-dire au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir, déduction faite des sommes versées par les organismes de retraite pendant la même période) ; qu'en limitant ainsi la sanction financière de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur du salarié, tout en constatant par ailleurs que cette nullité ouvrait droit au versement de la rémunération perdue, l'arrêt a violé l'article L. 514-2 du Code du travail ;

2 / que la condamnation de l'employeur au versement de la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à l'expiration de la période de protection constitue la sanction de la violation par l'employeur du statut protecteur d'ordre public ; qu'ainsi il incombe aux juges du fond tenus de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables de substituer le cas échéant cette indemnité forfaitaire à la demande de réparation du préjudice formée par le salarié ; qu'en décidant néanmoins au vu de la demande de réparation du préjudice, de limiter la condamnation de l'employeur au seul versement de la perte de ressources effect ivement subie, l'arrêt n'a pas tiré de la nullité de la mise à la retraite les conséquences qui s'imposaient et a violé ce faisant les articles 12 du nouveau Code de procédure civile et L. 514-2 du Code du travail ; que la protection légale est due au salarié jusqu'à la fin de l'exercice par ce dernier des fonctions au titre desquelles il bénéficie de cette protection ; qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir dans ses conclusi ons d'appel (p. 5) qu'il a exercé des fonctions de conseiller prud'homme auprès du conseil de prud'hommes de Longjumeau depuis le 9 septembre 1987 et sans discontinuité jusqu'au 12 octobre 1999 (jour de l'audience) ; qu'il résulte en effet de l'attestation délivrée par le greffier en chef du conseil de prud'hommes de Longjumeau -produite devant les juges du fond- que le mandat de M. X... élu le 19 décembre 1987 en qualité de conseiller prud'homme, a été successivement renouvelé les 9 décembre 1992 et 10 décembre 1997 ; qu'en arrêtant néanmoins au 9 juin 1993 la fin de la période de protection sans s'expliquer sur la date ainsi retenue eu égard au caractère ininterrompu de l'exercice de son mandat de conseiller prud'homme par le salarié protégé, l'arrêt n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 514-2 du Code du travail ;

Mais attendu que le conseiller prud'homme dont le contrat est rompu sans autorisation administrative a droit, s'il ne demande pas sa réintégration, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité au moins égale à la somme qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection du seul mandat en cours lors de la rupture, peu important sa réélection ultérieure, et ce, dans la limite de la protection des représentants du personnel qui comporte une période de six mois après l'expiration des fonctions ;

Attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la période de protection en cours s'achevait le 9 juin 1993 et qui a alloué au salarié le montant de la rémunération qu'il aurait perçue au cours de celle-ci, a légalement justifié sa décision ; que les moyens du salarié ne sont pas fondés et que celui de la société, en ce qu'il fait état d'une erreur de calcul, ne peut être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi de M. X... :

Vu les articles L. 514-2, L. 122-14-13 et L. 122-14-4 du Code du travail ;

Attendu que le salarié protégé auquel est assimilé le conseiller prud'homme, qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu, a le droit d'obtenir, d'une part, le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection dans la limite de la durée de la protection accordée aux représentants du personnel et, d'autre part, non seulement les indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; que la m ise à la retraite non précédée d'une autorisation de l'inspecteur du Travail constitue une rupture illicite du contrat de travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes tendant à la réparation du préjudice non réparé par l'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur, la cour d'appel relève qu'il ne justifie pas d'un préjudice supplémentaire ;

Qu'en statuant ainsi, elle a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la cour d'appel a débouté M. X... de la demande tendant à la réparation de son préjudice complémentaire, l'arrêt rendu le 7 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-40467;00-40670
Date de la décision : 05/03/2002
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

PRUD'HOMMES - Conseil de prud'hommes - Conseiller - Protection - Licenciement sans autorisation - Indemnisation due.


Références :

Code du travail L514-2, L122-14-13 et L122-14-4

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (21e Chambre, Section C), 07 décembre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mar. 2002, pourvoi n°00-40467;00-40670


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SARGOS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:00.40467
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