AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept février deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller THIN, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me JACOUPY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 30 mars 2001, qui, dans l'information suivie contre Jean-Pierre Y... du chef d'abus de confiance, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du Code pénal, 437 et 463 de la loi du 24 juillet 1966, devenus L. 242-6 et L. 246-2 du Code de commerce, 575, alinéas 2, 6, et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a dit n'y avoir lieu à suivre contre Jean-Pierre Y... des chefs d'abus de confiance et d'abus de biens sociaux ;
" aux motifs propres qu'il était reproché à Jean-Pierre Y... de s'être attribué des primes de fin d'année ; que l'information avait démontré, par les bulletins de salaire de Jean-Pierre Y..., par l'audition d'Edmond X... et par l'audition de M. Z..., que Jean-Pierre Y... ne s'était pas octroyé seul une prime de fin d'année, comme il était soutenu, mais que celle-ci lui avait été attribuée depuis 1988 par son employeur, cette prime étant proportionnelle aux résultats de l'entreprise et arrêtée par le président-directeur général ; que, dès lors, le grief fait à Jean-pierre Y... d'abus de confiance de ce chef n'était pas fondé ; qu'il était encore reproché à Jean-Pierre Y... d'avoir utilisé les moyens de l'entreprise pour la gestion d'une société SCERF, devenue SERF ; qu'Edmond X..., ancien président-directeur général de la société X... et également ancien gérant de la société SCERF, avait exposé que la comptabilité de cette dernière se faisait avec son accord au siège de la société X... et était assurée par Jean-Pierre Y..., salarié de la société X... ; que, par conséquent, aucun reproche ne pouvait être fait à ce sujet à Jean-Pierre Y... qui agissait avec l'accord du président-directeur général de la société X... ; que, par la suite, lorsque Jean-Pierre Y... était devenu gérant de la société SERF en 1994, il avait continué à assurer cette comptabilité en même temps que son travail à la société X... ; que M. Z..., directeur chez X... jusqu'en 1996, avait souligné que Jean-Pierre Y... qui travaillait beaucoup et qui était un homme droit avait sûrement plus agi par habitude que par volonté de nuire ; qu'en effet, la société SERF avait toujours eu des liens avec la société X... et s'inscrivait dans l'histoire de celle-ci ; que, ce faisant, Jean-Pierre Y... n'avait détourné ni fonds, ni valeurs, ni un bien quelconque qui lui avait été remis et qu'il avait accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage
déterminé au préjudice de la société X... ; que, par ailleurs, Jean-Pierre Y... n'était pas gérant de la société X..., de sorte qu'aucun abus de biens sociaux ne pouvait lui être reproché ;
" aux motifs adoptés qu'eu égard aux fonctions que Jean-Pierre Y... exerçait dans la société X... et à l'absence d'élément intentionnel, le délit d'abus de bien social ne peut être retenu à son encontre ;
" 1) alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt que si, du temps d'Edmond X..., ancien président-directeur général de la société X... et ancien gérant de la société SCERF, la comptabilité de cette dernière était déjà tenue par la première, ce service comptable rendu faisait toujours l'objet d'une " facturation " (arrêt, page 4, alinéa 7) ; qu'en se bornant à relever, pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef d'abus de confiance, qu'après le départ d'Edmond X..., le prévenu, devenu gérant de la société SCERF, devenue SERF, avait continué par habitude à faire gérer la comptabilité de cette dernière par la société X..., sans rechercher si cette tenue de comptabilité avait continué à faire l'objet d'une facturation, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
" 2) alors que sont susceptibles d'être poursuivis pour abus de biens sociaux, dans les sociétés anonymes, les président, administrateurs, directeurs généraux et directeurs généraux adjoints, ainsi que tout dirigeant de fait ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la qualification d'abus de biens sociaux, que le prévenu n'était pas gérant de la société X... et qu'eu égard à ses fonctions ce délit ne pouvait être retenu, sans préciser les fonctions exactes exercées par le prévenu au sein de la société X... et sans rechercher, en particulier, s'il n'était pas, à l'époque des faits reprochés, administrateur, directeur général, directeur général adjoint ou dirigeant de fait de la société X..., quand, par ailleurs, elle constatait qu'il avait lui-même reconnu être le " second " du président-directeur général de cette société (arrêt, page 3, alinéa 10), la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
" 3) alors qu'en se bornant à affirmer que l'élément intentionnel du délit d'abus de biens sociaux faisait défaut, sans rechercher si le prévenu savait que les services comptables rendues par la société X... à la société SERF ne faisaient l'objet d'aucune facturation et avait ainsi forcément conscience d'utiliser les moyens de la société X... à des fins personnelles et contraires à l'intérêt social de cette dernière, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
Que le demandeur se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Pibouleau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Thin conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;