AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept février deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de Me CHOUCROY et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Adnan,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 15 janvier 2001, qui, pour contrebande et importation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a condamné à des sommes tenant lieu de confiscation et au paiement de la TVA éludée ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 38, 412, 414, 426 et 417 du Code des douanes, 7 et 9, 466, 459 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Adnan X... coupable d'importation en contrebande de 16 tableaux et d'importation sans déclaration de marchandises prohibées par fausse déclaration portant sur 21 tableaux et l'a condamné à payer à l'administration des Douanes, pour l'importation en contrebande la somme de 8 560 000 francs pour tenir lieu de confiscation et le montant de la TVA éludée soit 447 648 francs et pour l'importation par fausses déclarations de 21 tableaux, la somme de 352 000 francs pour tenir lieu de confiscation ;
" aux motifs que les faits sont établis et reconnus par le prévenu dans leur matérialité ; qu'Adnan X... a procédé en mai ou juin 1986 à l'importation en France à l'aide de son avion privé qui s'est posé à l'aéroport de Nice, de 16 tableaux en provenance des Etats-Unis, via l'Espagne, et que ces tableaux ont été acheminés sur son yacht " Le Nabila " ancré au port d'Antibes sans faire l'objet d'un passage au bureau des douanes de l'aéroport ; que constitue un acte de contrebande, l'importation sans déclaration lorsque les marchandises doivent passer par un bureau des douanes, qu'en l'espèce Adnan X... a atterri à une heure matinale en omettant sciemment de déclarer les tableaux ; que dès lors, le délit d'importation en contrebande est caractérisé dans tous ses éléments ; qu'il est établi et reconnu par le prévenu que les déclarations de mise à la consommation des 21 tableaux sont fausses quant à la provenance et au destinataire réel ; que de nombreuses autres irrégularités relevées par le prévenu lui-même dans ses écritures ne sauraient le soustraire à l'application de l'article 426-3 du Code des douanes et que le délit réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées prévu par ce texte est caractérisé en tous ses éléments ;
" alors que, d'une part, comme le prévenu le soutenait dans ses conclusions, les délits douaniers de contrebande ou d'importation sans déclaration n'ont de caractère délictueux que lorsqu'ils portent sur des marchandises prohibées ou fortement taxées au sens du Code des douanes, ce qui n'est pas le cas de tableaux dont l'importation n'est soumise à aucune formalité particulière ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Adnan X... parce qu'il aurait importé 16 tableaux en provenance des USA en se posant à bord de son avion privé sur l'aéroport de Nice avant de les acheminer sur son yacht privé, la Cour ne caractérise aucune infraction à l'encontre de ce prévenu, une importation par avion ne pouvant constituer un fait de contrebande au sens de l'article 417 du Code des douanes, qui ne vise que l'importation ou l'exportation réalisée en dehors des bureaux des douanes quand elle est réalisée dans un aéroport qui, comme celui de Nice, comporte évidemment un bureau des douanes ;
" alors que, d'autre part, les juges du fond n'ont pas caractérisé le délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées dont ils ont cru pouvoir déclarer Adnan X... coupable en raison de l'importation des 21 tableaux faisant l'objet des poursuites, l'article 426-3 du Code des douanes auquel ils ont cru pouvoir se référer à tort n'étant applicable en cas de fausse déclaration, que lorsque celle-ci a été commise à l'aide de factures, certificats ou tous autres documents faux, inexacts, incomplets ou non applicables " ;
Sur le moyen, pris en sa première branche ;
Attendu que, pour condamner Adnan X... au paiement de la somme de 8 560 000 francs pour tenir lieu de confiscation de 16 tableaux de maître importés en contrebande, ainsi qu'au versement de la TVA éludée, la cour d'appel relève que le prévenu a atterri à l'aéroport de Nice, avec son avion privé, à une heure matinale, et qu'il a acheminé les tableaux, qui se trouvaient dans l'avion, à bord de son yacht ancré dans le port d'Antibes, sans passer par le bureau de douane de l'aéroport ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que, si les tableaux de maître n'ont pas le caractère de marchandises prohibées ou fortement taxées, les faits constituent néanmoins l'infraction prévue à l'article 412 du Code des douanes et que la peine prononcée entre dans les prévisions de ce texte ;
Sur le moyen, pris en sa seconde branche ;
Attendu que, pour déclarer Adnan X... coupable d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, la cour d'appel relève, par motifs propres et adoptés, que ce dernier a souscrit, auprès des bureaux des douanes d'Antibes et de Nice, des titres de transit T1 pour 21 tableaux, puis deux déclarations C5 en date du 5 mars 1987, qui les ont fait passer sous le régime de la mise à la consommation comme originaires de Suisse et provenant de " divers pays " ; qu'il est établi et reconnu par Adnan X... lui-même que les mentions portées sur ces documents sont fausses en ce qui concerne la provenance et le destinataire réel des marchandises ;
Que les juges ajoutent que la désignation du destinataire a été effectuée à partir de factures fausses, incomplètes ou inapplicables ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que, selon l'article 426-3 du Code des douanes, sont réputées importations sans déclaration de marchandises prohibées les fausses déclarations, notamment dans l'origine des marchandises ou dans la désignation du destinataire réel, lorsque ces infractions ont été commises à l'aide de factures, certificats ou tous autres documents faux, inexacts, incomplets ou non applicables, même lorsqu'aucun droit n'a été éludé, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pibouleau conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Samuel conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;