AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société MAM, société anonyme, dont le siège est ...Armée Leclerc, 78190 Trappes,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 septembre 1999 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, 1re section), au profit :
1 / de M. Bernard Y..., demeurant ... et actuellement chez Mlle X..., ...,
2 / de la société Franfinance bail, anciennement dénommée Auxibail, dont le siège est Tour Générale, 5, place de la Pyramide, 92088 Paris-La Défense,
défendeurs à la cassation ;
La société Franfinance bail, défenderesse au pourvoi principal a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 15 janvier 2002, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Garnier, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Garnier, conseiller, les observations de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de la société MAM, de la SCP Vincent et Ohl, avocat de la société Franfinance bail, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant tant sur le pourvoi provoqué formé par la société Franfinance bail, que sur le pourvoi principal relevé par la société MAM :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 septembre 1999), que, par contrats de crédit-bail, la société Auxiliaire de crédit-bail, actuellement dénommée Franfinance bail (le bailleur) a donné en location à M. Y... deux camions fournis par la société MAM ;
que, le 30 janvier 1990, M. Y... a poursuivi judiciairement cette société en résolution des contrats de vente ; que, le 12 mars 1992, le bailleur a assigné M. Y... en résiliation des contrats de crédit-bail et en paiement des sommes contractuellement dues ; que la cour d'appel, après avoir prononcé la résolution des contrats de vente pour vices cachés, a constaté la résiliation des contrats de crédit-bail, a condamné M. Y... à payer au bailleur la somme de 518 885,09 francs, la société MAM à garantir M. Y... du montant de cette condamnation à hauteur de 408 192,09 francs, et a ordonné au bailleur, en tant que de besoin, de restituer en deniers et quittances à M. Y... le montant en trop perçu de la condamnation prononcée par le tribunal ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, formé par la société MAM :
Attendu que la société MAM reproche à l'arrêt d'avoir rejeté son exception d'irrecevabilité des conclusions déposées par M. Y... le jour de l'ordonnance de clôture, alors, selon le moyen, qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ; qu'en se bornant à constater que les conclusions et pièces avaient été déposées le jour où l'ordonnance de clôture a été rendue sans rechercher si elles avaient été déposées antérieurement à cette ordonnance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 783 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société MAM n'établissait ni même alléguait que le dépôt par M. Y... de conclusions et pièces le jour de l'ordonnance de clôture avait été effectué après le prononcé de celle-ci, la cour d'appel qui a constaté que celui-ci, qui n'avait fait que satisfaire aux sommations notifiées par la société MAM, s'était borné à une demande de donner acte, à la confirmation de ses conclusions antérieures et à communiquer des éléments ne concernant pas le fond du droit mais la liquidation de la créance éventuelle de la société MAM, laquelle avait précédemment conclu sur ce point, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société MAM fait grief à l'arrêt de sa condamnation à garantir M. Y... à hauteur d'une certaine somme, alors, selon le moyen :
1 / que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir dans sa décision que les explications qu'il a recueillies au terme d'une procédure contradictoire ; qu'en déclarant que l'action de M. Y... était de nature quasi-délictuelle cependant que la nature de cette action n'avait pas été invoquée par les parties qui n'avaient pas été appelées à s'en expliquer, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que, dans un contrat de crédit-bail, le mandat consenti au crédit-preneur par le crédit-bailleur pour l'exercice des recours contre le fournisseur a pour contrepartie la renonciation du preneur au bénéfice de la garantie du bailleur, qu'il est dès lors soumis aux mêmes conditions de déchéance que l'aurait été le droit de mettre en jeu cette garantie et qu'il ne devient pas caduc par l'effet de la résiliation du bail ; qu'en décidant que l'action de M. Y... était de nature quasi-délictuelle dès lors que les mandats d'ester pour le compte du bailleur, découlant des contrats de crédit-bail, n'avaient pas survécus à la résiliation de ces derniers au 30 mars 1990, la cour d'appel a violé les articles 2003, 1134 et 1184 du Code civil ;
3 / que la société MAM faisait valoir dans ses écritures d'appel que la résolution de la vente entraînant la remise des choses en l'état où elles se trouvaient avant les conclusions du contrat, elle devait se voir restituer les deux camions, que le conseiller de la mise en état avait ordonné à M. Y... de justifier du lieu où étaient remisés ces camions sous peine d'astreinte et elle sollicitait à défaut de restitution des véhicules des dommages-intérêts équivalant au montant du prix des deux camions ;
qu'en délaissant totalement ces conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que s'étant borné, sans introduire dans le débat de nouveaux éléments de fait, à expliciter le fondement juridique de l'action entreprise à titre personnel par M. Y... contre la société MAM, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe de la contradiction en n'invitant pas les parties à s'expliquer sur l'exactitude de la qualification donnée à ce fondement et a pu déduire de ses constatations que l'action personnelle en garantie formée par M. Y... contre la société MAM, était de nature quasi-délictuelle, dès lors qu'aucun contrat ne les liait ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, en fixant à une somme qu'elle a souverainement appréciée la valeur des véhicules, a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé en ses autres branches ;
Sur le pourvoi provoqué relevé par la société Franfinance bail :
Sur la recevabilité de ce pourvoi contestée par M. Y... :
Attendu qu'aux termes des articles 614, 549 et suivants et 1010 du nouveau Code de procédure civile, le pourvoi incident, même provoqué, doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être fait sous forme de mémoire, contenant les mêmes indications que le mémoire en demande et être remis au secrétariat-greffe de la Cour de Cassation avant expiration du délai prévu pour la remise du mémoire en réponse ;
que ce pourvoi qui a été déposé et signifié le 29 septembre 2000 soit avant expiration du délai de trois mois suivant la signification du mémoire en demande est recevable ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Franfinance bail fait grief à l'arrêt de lui avoir ordonné de restituer en tant que de besoin en deniers ou quittances, à M. Y..., le montant en trop perçu de la condamnation principale avec intérêts moratoires prononcée par le jugement assorti de l'exécution provisoire, alors, selon le moyen :
1 / que dans ses conclusions du 21 janvier 1997, c'est seulement pour le cas où, faisant droit à son appel, les juges du second degré décideraient que les clauses des contrats de crédit-bail régissant la résiliation étaient inapplicables que M. Y... sollicitait la condamnation du bailleur à restituer l'intégralité des sommes perçues en exécution du jugement entrepris ; de sorte qu'en ordonnant la restitution par le bailleur d'une partie de ces sommes bien qu'elle eût confirmé le principe de la condamnation de M. Y... à son égard et porté cette condamnation à un montant supérieur à celui retenu par les premiers juges, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en ordonnant pareille restitution comme si la société MAM avait été substituée à M. Y... dans l'exécution de la condamnation prononcée au profit du bailleur, bien qu'elle eût simplement condamné la société MAM à garantir M. Y..., seul obligé à l'égard du bailleur, de la condamnation mise à sa charge, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 334 et 335 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, dès lors, que la cour d'appel, sans méconnaître l'objet du litige, a prononcé à l'encontre de M. Y... une condamnation supérieure à celle prononcée par les premiers juges, le bailleur est sans intérêt à contester ce chef de condamnation prononcé en tant que de besoin en deniers ou quittance ; que le moyen, non fondé en sa première branche, est inopérant en sa seconde branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal que provoqué ;
Condamne la société MAM et la société Franfinance bail aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Y... et de la société Franfinance bail ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille deux.