AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. José X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 6 avril 1999 par la cour d'appel de Riom (chambre sociale), au profit de la société Transports Gomès, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 décembre 2001, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Poisot, conseiller référendaire rapporteur, M. Texier, conseiller, Mmes Maunand, Nicolétis, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Poisot, conseiller référendaire, les observations de Me Hemery, avocat de la société Transports Gomès, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X... a été engagé le 1er septembre 1990, en qualité de chauffeur routier, par la société Transports Gomès ; que, courant 1996, son employeur lui a demandé de ne plus utiliser son camion pour retourner chez lui après sa semaine de travail et de laisser celui-ci au siège de l'entreprise pendant son congé hebdomadaire ; que, par lettre du 3 mars 1997, l'employeur lui a réitéré cette demande en lui indiquant que ses frais de trajet entre son domicile et le siège de l'entreprise lui seraient remboursés ; qu'estimant que l'employeur avait modifié son contrat de travail et que la rupture du contrat de travail résultant de son refus d'accepter cette modification s'analysait en un licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 31 janvier 1997, pour obtenir le paiement de diverses demandes ; qu'au terme d'un arrêt de travail pour cause de maladie, le salarié n'a pas repris son travail le 11 septembre 1997 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Riom, 6 avril 1999) de l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel a dénaturé les conclusions déposées par M. José X... ainsi que les pièces versées aux débats (notamment un courrier en date du 3 mars 1997 émanant de la société Transports Gomès) en considérant que M. X..., avant comme après la modification, devait effectuer le trajet de son domicile au siège social avant de commencer à travailler ; qu'en réalité, initialement M. X... ne se rendait pas de son domicile (Cournon 63) au siège social (Saint-Etienne 42) avant de commencer son travail puisque, effectuant une ligne régulière et directe en direction du Portugal, il rentrait directement du Portugal à son domicile en fin de semaine et repartait chaque lundi pour se rendre directement chez l'affréteur à Lyon sans passer par le siège social situé à Saint-Etienne ; que le courrier du 3 mars 1997, adressé postérieurement à l'audience de conciliation du 26 février 1997, correspond à une tentative de régularisation de la part de l'employeur qui indique expressément dans ledit courrier "qu'il est dans l'obligation de modifier les conditions de travail et notamment d'imposer à M. X..., le fait que le trajet domicile-siège social se ferait par ses soins" ; que par conséquent, la cour d'appel a dénaturé les documents versés aux débats en affirmant qu'aucune modification n'est intervenue et par conséquent a violé les dispositions de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; que, par ailleurs, la cour d'appel de Riom a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile puisqu'elle n'a pas répondu aux conclusions de M. X... à savoir si le temps de trajet domicile/siège de l'entreprise, non rémunéré, est constitutif d'une modification substantielle du contrat de travail ; que ce moyen est demeuré sans réponse ;
2 / que la cour d'appel ne pouvait par ailleurs considérer que la modification intervenue ne portait que sur le moyen de transport utilisable et qu'aucun préjudice n'existait pour M. X..., puisque la société Transport Gomès s'engageait à indemniser les frais (sur la base d'un ticket de train ou de consommation diesel) et ce, alors même que la modification intervenue avait une incidence directe sur la rémunération de M. X... (puisque les heures consacrées au trajet imposé domicile/siège social de l'entreprise n'étaient nullement rémunérées, seuls les frais de carburant faisaient l'objet d'une rémunération) ; par conséquent, la cour d'appel en considérant qu'il n'y avait aucune incidence sur la rémunération de M. X..., aucun préjudice et donc aucune modification substantielle du contrat de travail, alors même qu'elle souligne que seuls les frais de carburant faisaient l'objet d'une indemnisation sans que les temps de trajet supplémentaires soient rémunérés, a privé son arrêt de base légale au regard des dispositions de l'article L. 122- 4 du Code de travail ; que, par ailleurs, la cour d'appel de Riom ne pouvait tirer de telles conclusions sans se contredire ; que la cour d'appel a donc violé, en outre, l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que la cour d'appel ne pouvait considérer que la durée du temps de travail n'était pas allongée en constatant néanmoins que M. X... devait se rendre de son domicile au siège social ; qu'en effet, constituent un temps de travail effectif, des temps de trajet domicile/travail, lorsque le salarié est tenu de se rendre au siège social à la demande de l'employeur pour charger du matériel avant d'être transporté ou pour assurer la conduite du véhicule utilisé pour le transport du matériel (cassation sociale du 8 janvier 1985) ; la cour d'appel a donc privé son arrêt de base légale au regard des dispositions des articles L. 122 -4 et L. 212 -4 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le salarié avait l'obligation en début de semaine de se rendre au siège de l'entreprise en vue de commencer son travail et qu'il devait, en fin de semaine, revenir à l'entreprise avant de regagner son domicile ; qu'elle a pu, dès lors, décider que l'employeur n'avait pas modifié le contrat de travail en mettant fin à une tolérance en vertu de laquelle le salarié effectuait le trajet entre son domicile et l'entreprise avec son camion ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième et le troisième moyens réunis :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail, alors, selon les moyens :
1 / que la démission suppose une volonté manifeste et non équivoque de démissionner ; que la cour d'appel ne se fonde sur aucun élément, ni aucun document écrit faisant état de la volonté expresse de M. X... de démissionner ; que, par conséquent, la cour d'appel n'a pas caractérisé en fait la démission du salarié et a privé son arrêt de base légale au regard des dispositions des articles L. 122-4 et L. 122-5 du Code du travail ;
2 / que la cour d'appel considère M. X... comme ayant démissionné sans vérifier, ni démontrer la volonté non équivoque du salarié de démissionner ; par conséquent, la cour d'appel aurait dû rendre imputable la rupture du contrat de travail à la société Transport Gomès et constater l'absence de toute procédure de licenciement et notamment l'absence de toute possibilité pour le salarié de s'expliquer dans le cadre de l'entretien préalable au licenciement et de s'y faire assister ; que, par conséquent, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des dispositions des articles L. 122-14-4 et L.122-14-5 du Code du travail ;
Mais attendu que si le fait pour le salarié de ne plus exécuter sa prestation de travail ne peut suffire, à lui seul, à caractériser une volonté non équivoque de démissionner, la cour d'appel qui a jugé que la preuve d'une modification du contrat n'était pas rapportée et qui n'a pas constaté d'initiative de l'employeur pour rompre celui-ci, a exactement décidé que le salarié, dont le contrat n'avait pas été rompu, ne pouvait prétendre aux indemnités de rupture ; que, par ce motif substitué, la décision est légalement justifiée ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires alors, selon le moyen, que la cour d'appel de Riom, de toute évidence, a procédé à une dénaturation des documents versés au débat, à savoir les bulletins de salaire, puisque seuls les frais de route faisaient l'objet d'une forfaitisation et non les heures supplémentaires ; qu'il y aura donc lieu de casser l'arrêt rendu par la cour d'appel de Riom pour dénaturation d'un écrit, à savoir les bulletins de salaire, par ailleurs, la cour d'appel de Riom a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et ce, pour défaut de motif ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis par les parties, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que le chronotachygraphe ait été mis en position repos pendant les heures de déchargement, comme le prétendait le salarié et que l'examen des disques chronotachygraphes avait révélé que cet appareil avait fait l'objet d'erreurs de manipulation de la part du salarié ;
qu'en l'état de ces énonciations et abstraction faite des motifs surabondants critiqués au moyen, la cour d'appel, a légalement justifié sa décision de ne pas faire à droit à la demande du salarié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, prononcé et signé par M. Texier, conseiller le plus ancien, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile en l'audience publique du douze février deux mille deux.