AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf janvier deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Ferdinand,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 22 novembre 2000, qui, pour infraction au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et a ordonné, sous astreinte, la démolition des constructions irrégulièrement édifiées ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel, rejetant le moyen pris de la prescription de l'action publique, a déclaré Ferdinand X... coupable d'avoir à Seyssinet-Pariset, courant 1995, 1996 et 1997, exécuté des travaux sur une construction existante ayant pour effet d'en changer la destination, d'en modifier l'aspect extérieur et d'en modifier le volume sans avoir obtenu au préalable un permis de construire et des travaux en méconnaissance du plan d'occupation des sols de la commune et l'a condamné à 20 000 francs d'amende, ordonnant la remise en état des lieux sous astreinte de 500 francs par jour ;
"aux motifs que la prescription de l'action publique en matière de changement d'affectation illégale d'une construction ne commence à courir que lorsque les travaux matérialisant ce changement sont achevés, que ce changement doit s'apprécier globalement pour un même immeuble dès lors que la réglementation et, notamment, le classement dans une zone déterminée par le plan d'occupation des sols, s'applique globalement à l'immeuble en son entier et non à tel ou tel élément particulier de celui-ci et que les travaux de transformation n'ont pas connu de pause significative ;
qu'il résulte donc bien de la combinaison de ces deux principes que l'achèvement des travaux faisant courir le délai de prescription doit s'entendre de l'achèvement de la totalité des travaux portant sur l'immeuble et matérialisant le changement d'affectation complet de celui-ci ; que la prescription n'est donc pas acquise dès lors qu'une partie de ces travaux n'était pas achevée ainsi que cela résulte des constatations du 29 mai 1997 ;
"alors, d'une part, qu'en matière d'urbanisme, la prescription commence à courir après achèvement des travaux de construction et que chaque nouvelle tranche de travaux, aussi bien au regard des travaux réalisés sans permis de construire que de ceux réalisant un changement d'affectation, constitue une infraction distincte faisant courir un délai de prescription distinct ; qu'il s'ensuit qu'au cas de pluralité de constructions, il court autant de prescriptions qu'il y a de constructions et d'affectations du sol distinctes ; qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal du 29 mai 1997 que les constructions consistant dans l'aménagement de studios ont été réalisées en plusieurs étapes, certaines étant achevées et d'autres en cours de réalisation, et que la prescription devait alors s'apprécier de manière distincte pour chacune des tranches ainsi réalisées et dont certaines avaient été achevées depuis plus de trois ans à la date de la citation du prévenu ; qu'ainsi, en condamnant Ferdinand X... à procéder à la démolition de l'ensemble des aménagements réalisés au rez-de-chaussée des bâtiments à usage de bureau, la cour d'appel, qui n'a pas relevé que les différents aménagements auraient procédé d'une entreprise unique, a méconnu les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que la prescription n'est pas divisible, qu'une prescription unique ne court de l'achèvement des travaux, et non de chaque élément achevé, que lorsque la construction constitue un ensemble immobilier indivisible et procède d'un même permis de construire ; qu'en l'espèce, il est constant que les différentes constructions édifiées à plusieurs années d'intervalles, sans permis de construire, correspondaient à des aménagements totalement distincts réalisés par nouvelles tranches - de locaux à usage lucratif pour les uns, de bureaux pour les autres - et ne constituaient nullement un élément indivisible d'un ensemble ; que la cour d'appel s'est mise en contradiction avec les éléments du dossier en affirmant que la prescription n'est pas acquise dès lors qu'une partie de ces travaux n'était pas achevée ainsi que cela résulte des constatations du 29 mai 1997 ; qu'ainsi la condamnation prononcée et la démolition ordonnée sont illégales" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que la cour d'appel, rejetant le moyen pris de la prescription de l'action publique, a déclaré Ferdinand X... coupable d'avoir à Seyssinet-Pariset, courant 1995, 1996 et 1997, exécuté des travaux sur une construction existante ayant pour effet d'en changer la destination, d'en modifier l'aspect extérieur et d'en modifier le volume sans avoir obtenu au préalable un permis de construire et des travaux en méconnaissance du plan d'occupation des sols de la commune et l'a condamné à 20 000 francs d'amende, ordonnant la remise en état des lieux sous astreinte de 500 francs par jour ;
"aux motifs qu'il résulte des propres conclusions pour Ferdinand X... devant la Cour que les premiers revenus locatifs provenant des parties des locaux transformées ont été perçus en 1995, en sorte que de toute façon une éventuelle prescription partielle aurait été interrompue par le procès-verbal du 29 mai 1997 ;
"alors, d'une part, que la cour d'appel a non seulement dénaturé les écritures du concluant qui faisait valoir que les locaux étaient loués, pour certains depuis 1991, pour d'autres depuis 1993 et produisait les justificatifs à l'appui de ses dires ; mais, au surplus, elle s'est prononcée par des motifs totalement inopérants en retenant comme critère la perception des revenus locatifs, alors que seul doit être retenu pour déterminer le point de départ de la prescription de l'action publique le moment où l'immeuble est en état d'être affecté à l'usage auquel il est destiné ;
"alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas répondu à l'argumentation péremptoire développée par le concluant dans ses conclusions faisant valoir que le tribunal, pour rejeter l'exception de prescription, a retenu l'aménagement de certains travaux du mois de décembre 1997 au mois de décembre 1998, période qui n'était pas concernée par la prévention" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, ensemble violation du principe in dubio pro reo ;
"en ce que la cour d'appel, rejetant le moyen pris de la prescription de l'action publique, déclaré Ferdinand X... coupable d'avoir à Seyssinet-Pariset, courant 1995, 1996 et 1997, exécuté des travaux sur une construction existante ayant pour effet d'en changer la destination, d'en modifier l'aspect extérieur et d'en modifier le volume sans avoir obtenu au préalable un permis de construire et de travaux en méconnaissance du plan d'occupation des sols de la commune et l'a condamné à 20 000 francs d'amende, ordonnant la remise en état des lieux sous astreinte de 500 francs par jour ;
"aux motifs qu'en matière de prescription, la charge de la preuve incombe à celui qui l'invoque ; que les quittances de loyers et autres documents produits ne permettent pas d'apprécier avec certitude à quels éléments de l'immeuble ils se rapportent, et il n'est produit aucun document d'entreprise permettant de vérifier quels travaux ont été achevés et à quelles dates ;
"alors, d'une part, qu'il appartient au juge d'établir que la prescription de l'action publique n'est pas acquise au prévenu ;
"alors, d'autre part, que le doute devant profiter au prévenu, la cour d'appel ne pouvait, en retenant que les quittances de loyers et autres documents produits ne permettent pas d'apprécier avec certitude à quels éléments de l'immeuble ils se rapportent, statuer par des motifs dubitatifs pour prononcer la condamnation pénale de Ferdinand X... sans réfuter de façon catégorique les éléments de doute relevés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Ferdinand X... a, selon des constatations faites les 29 mai et 24 novembre 1997 par un agent municipal, et le 15 janvier 1999 par la gendarmerie, entrepris, sans avoir obtenu de permis de construire, et poursuivi, au mépris de plusieurs mises en demeure, des travaux ayant pour objet de créer en vue de leur location une dizaine de logements individuels dans un immeuble à usage de garage et d'atelier, comprenant un logement de fonction de 109 m , qu'il possède sur une parcelle située dans une zone affectée par le plan d'occupation des sols de la commune de Seyssinet-Pariset à l'emploi et aux activités, où les seules constructions à usage d'habitation autorisées sont les logements pour les personnes dont la présence permanente est nécessaire pour assurer la direction ou la surveillance des établissements ;
Qu'il est poursuivi pour avoir, courant 1995, 1996 et 1997, d'une part, exécuté, sur une construction existante, sans avoir obtenu au préalable un permis de construire, des travaux ayant pour effet d'en changer la destination et d'en modifier l'aspect extérieur, d'autre part, exécuté des travaux et utilisé les sols en violation des dispositions du plan d'occupation des sols de la commune ;
Attendu que, pour écarter la prescription invoquée par le prévenu et déclarer Ferdinand X... coupable des infractions reprochées, les juges retiennent que l'ensemble des travaux, entrepris sur le même immeuble, n'était pas achevé le 29 mai 1997, date du premier procès-verbal, et s'est poursuivi jusqu'au mois de décembre 1998, date à laquelle des logements qui venaient d'être terminés ont été proposés à la location ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation du prévenu et pouvait tirer de constatations postérieures à la période visée à la prévention la preuve que les faits commis pendant celle-ci n'étaient pas prescrits, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Roman conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;