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23/01/2002 | FRANCE | N°99-45597

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 janvier 2002, 99-45597


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Sapeic Dataforms, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 22 septembre 1999 par la cour d'appel de Montpellier (chambre sociale), au profit de M. Jean-Louis E..., demeurant ...,

défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 27 novembre 2001, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référe

ndaire rapporteur, M. Ransac, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, M. Leblanc, conseillers référe...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Sapeic Dataforms, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 22 septembre 1999 par la cour d'appel de Montpellier (chambre sociale), au profit de M. Jean-Louis E..., demeurant ...,

défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 27 novembre 2001, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapporteur, M. Ransac, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, M. Leblanc, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Lebée, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Sapeic Dataforms, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que M. E..., engagé le 20 décembre 1976 par la société Sapeic Dataforms en qualité de conducteur de machines rotatives, a été licencié pour faute grave le 15 juillet 1996, après avoir reçu, les 19 juillet 1995 et 10 octobre 1995, deux avertissements ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier 22 septembre 1999) d'avoir été rendu après un délibéré auquel assistait le greffier, alors que, selon le moyen, il appartient aux juges devant lesquels l'affaire a été débattue d'en délibérer et que les délibérations sont secrètes ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué indique sous la rubrique "composition de la Cour : lors des débats et du délibéré" la mention "Greffier : Mme Chantal Coulon" ; qu'il ressort donc de ces énonciations que le greffier a assisté au délibéré des magistrats ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les articles 447, 448 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt que le greffier ait assisté au délibéré ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1 / que le juge prud'homal a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; que, dans la lettre de licenciement, la société Sapeic Dataforms ne s'était pas contentée de reprocher à M. E..., à titre de faute grave, le refus persistant du salarié de préparer des boîtes opposé à M. Z... le 11 juillet 1996 et accompagné d'invectives à son égard ; que l'employeur avait également reproché au salarié le refus opposé à M. Y... depuis trois semaines d'effectuer des travaux simples alors même que sa fonction, la taille de l'entreprise et la variété des productions impliquait une nécessaire polyvalence ; qu'en négligeant d'examiner ce grief et en omettant de rechercher si celui-ci ne constituait pas une faute grave justifiant à lui seul le licenciement de M. E... sans indemnité ou, à tout le moins, une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L 122-14-3 et L 122-6 du Code du travail ;

2 / que constitue une faute grave le refus d'obéir aux instructions de son supérieur hiérarchique ; qu'il résultait uniquement des termes clairs et précis des attestations de M. D... et de M. A... qui avaient été versées aux débats que, le 28 janvier 1997, M. D... qui travaillait sur une rotative pour une fabrication simple "bobine/bobine une couleur" avait effectué, sans difficultés particulières, une double tâche en contrôlant également une fabrication précédente et l'emballage et que M. A... qui disposait d'un moment de libre était allé aider M. D... ; qu'il ne résultait donc aucunement de ces attestations la preuve que cette double tâche ne pouvait être demandée à une seule personne mais nécessitait la présence de deux salariés et que l'argument de la société Sapeic Dataforms selon lequel lorsque la rotative fonctionne en production "bobine/bobine une couleur" le conducteur peut alléger sa surveillance et effectuer une autre tâche était démentie par lesdites attestations ; qu'en affirmant le contraire et en déduisant que M. E..., conducteur d'une rotative, avait pu légitimement refusé l'ordre qui lui avait été donné par son supérieur hiérarchique d'effectuer une double tâche semblable à celle qui avait été demandée à M. D..., la cour d'appel a dénaturé les attestations précitées de MM. D... et A... et violé l'article 1134 du Code civil ;

3 / que la clarté d'un écrit ne peut s'apprécier qu'à la lecture de l'ensemble de cet écrit ; qu'il ressortait des termes clairs et précis de l'attestation de M. Z... non seulement que ce dernier avait, le 11 juillet 1996, à 12 heures 30, demandé aux conducteurs de la machine de MM. X... et E... d'effectuer des travaux de conditionnement et que M. E..., qui s'était alors emporté, avait refusé, tout comme M. X..., d'effectuer cette double tâche, mais également que M. Z... avait renouvelé ses instructions à M. E... vers 17 heures 30, lequel avait persisté dans son refus ; qu'en affirmant qu'il ressortait de l'attestation de M. Z... que l'ordre d'effectuer les travaux de conditionnement tout en continuant à suivre la production de la machine rotative avait été donné à deux salariés et non à M. E..., seul, et en en déduisant que cette double tâche ne pouvait être demandée qu'à deux salariés après avoir omis de prendre en considération les énonciations de l'attestation de M. Z... selon lesquelles il avait renouvelé ses instructions à M. E..., seul à la fin de l'après-midi du 11 juillet 1996, et s'était heurté au refus réitéré du salarié de sorte qu'il en résultait nécessairement à la fois que l'employeur n'avait pas uniquement demandé à deux salariés d'effectuer cette double tâche et que l'attitude de ce dernier, caractérisant son insubordination, était gravement fautive, la cour d'appel a dénaturé par omission l'attestation de M. Z... et violé derechef l'article 1134 du Code civil ;

4 / que dans ses écritures d'appel (p. 10, 2), la société Sapeic avait fait valoir que les travaux de production d'une rotative en une couleur ne sont pas fréquents et qu'il n'était donc pas étonnant que, pendant plusieurs mois, les conducteurs de rotative n'aient pas eu à réaliser de travaux annexes ; qu'en retenant, pour considérer que M. E... avait à juste titre refusé l'ordre qui lui avait été donné d'effectuer une tâche autre que celle pour laquelle il avait été embauché, qu'il résultait des attestations de MM. A..., C... et B... qu'aucun autre conducteur de rotative n'avait, hormis MM. D... et A... et depuis le 28 janvier 1997, effectué une double tâche nécessitant deux salariés et que celle-ci n'avait jamais été réalisée par un seul salarié, sans même rechercher si la nature de la production confiée aux conducteurs de rotative leur aurait permis d'effectuer cette double tâche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-14-3 et L 122-6 du Code du travail ;

5 / qu'il n'appartient pas au salarié, qui doit exécuter les ordres de son employeur, de se faire juge de la légitimité de ces ordres ;

qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel (p. 8), la société Sapeic avait soutenu que même si les instructions de M. Z..., directeur de production, avaient conduit, ce qui n'était pas le cas, à effectuer mal les deux tâches que celui-ci avait demandées à M. E... d'accomplir ou l'une d'entre elles, leur légitimité n'avait guère à être contestée par M. E... ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que M. E... avait à juste titre refusé l'ordre qui lui avait été donné d'effectuer une tâche autre que celle pour laquelle il avait été embauché dès lors qu'il risquait de compromettre l'exécution de ces deux tâches ou de l'une d'entre elles, la cour d'appel a violé les articles L 122-14-3 et L 122-6 du Code du travail ;

6 / que constituent une faute grave l'emportement persistant du salarié et les invectives réitérées de ce dernier à l'encontre de son employeur malgré les avertissements dont ce dernier a fait l'objet ; qu'en l'espèce, il ressort de ces constatations mêmes des juges du fond que, le 10 octobre 1995, M. E... avait fait l'objet d'un avertissement en raison des propos insolents et provocateurs qu'il avait tenus à l'adresse de son employeur ; qu'en décidant, malgré l'avertissement qui avait été délivré à M. E... pour des agissements similaires montrant que l'employeur avait cessé de tolérer l'attitude outrancière de ce dernier et en dépit de l'ancienneté du salarié, que les invectives et l'emportement reprochés à M. E... à l'encontre de son supérieur hiérarchique, en présence du personnel de l'entreprise, ayant accompagné son refus, à deux reprises, d'exécuter une tâche qui lui était demandée, ne constituaient pas une faute grave, quand bien même aurait-il existé un mauvais climat dans l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L 122-6 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, après avoir analysé les pièces et documents discutés devant elle, a relevé que le salarié, conducteur de machine rotative, et dont le caractère polyvalent n'est pas démontré par l'employeur, a, à juste titre refusé l'ordre qui lui était donné d'effectuer une tâche autre que celle pour laquelle il avait été embauché, ce qui aurait risqué de compromettre l'exécution de ces deux tâches ou de l'une d'entre elles, cette double activité nécessitant deux salariés et n'ayant jamais été réalisée par un seul ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a ajouté que les circonstances dans lesquelles les propos ont été tenus, le contexte de l'emportement, la provocation de l'employeur, l'ancienneté du salarié, ses qualités professionnelles, son franc-parler connu et accepté enlèvent tout caractère fautif auxdits propos ;

D'où il suit qu'elle a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sapeic Dataforms aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Sapeic Dataforms à payer à M. E... la somme de 750 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et signé par M. Ransac, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 452 du nouveau Code de procédure civile o en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille deux.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 99-45597
Date de la décision : 23/01/2002
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier (chambre sociale), 22 septembre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jan. 2002, pourvoi n°99-45597


Composition du Tribunal
Président : Président : M. RANSAC conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:99.45597
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