AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Le Malouin, dont le siège est Route nationale 75, 38630 Veyrins,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 février 1999 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), au profit de la Société industrielle de gestion du bassin de Radoub (SIGBR), dont le siège est Bassin de Radoub, 97200 Fort-de-France,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Vigneron, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Vigneron, conseiller, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la société Le Malouin, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Société industrielle de gestion du bassin de Radoub, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les trois moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 26 février 1999), que la société Le Malouin, prétendant que son bateau "Le Phoebus" avait été endommagé alors qu'il se trouvait sous la garde de la Société industrielle de gestion du bassin de radoub (SIGBR), a assigné cette société en réparation de son préjudice ; que le tribunal a accueilli partiellement cette demande . que la société Le Malouin a fait appel du jugement . que la SIGBR a relevé appel incident ;
Attendu que la société Le Malouin reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen :
1 ) qu'il résulte des dispositions de l'article 109 du Code de commerce qu'en matière commerciale la preuve du mandat est libre et peut donc être rapportée par tous moyens ; qu'en se déterminant néanmoins au motif qu'aucun écrit n'a été produit pour établir tant l'existence que le contenu du mandat allégué, la cour d'appel a violé l'article 109 du Code de commerce ;
2 ) qu'il résulte de l'article 1984 du Code civil que le mandat est le contrat par lequel une personne appelée mandant donné à une autre appelée mandataire le pouvoir que celle-ci accepte d'accomplir en son nom et pour son compte un ou plusieurs actes juridiques et qu'en conséquence, le mandataire n'agit pas en son nom personnel, mais au nom du mandant ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt à la fois que la SIGBR avait "établi une facture récapitulative sous la raison sociale de l'intimée, la société Le Malouin et que le dédouanement de la pompe avait été effectué par le responsable de la SIGBR ; qu'en s'abstenant de rechercher si lesdites opérations effectuées par la SIGBR au nom de la société Le Malouin ne caractérisaient pas l'existence d'une représentation de la société Le Malouin par la SIGBR et, partant, d'un mandat, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1984 du Code civil ;
3 ) qu'en se bornant à examiner successivement l'éventualité d'un contrat de mandat et l'éventualité d'un contrat de dépôt sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions récapitulatives de la société Le Malouin, s'il n'y avait pas dans les conventions intervenues entre les parties coexistence d'un contrat de mandat et d'un contrat de dépôt, la cour d'appel a encore privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
4 ) que s'il résulte de l'article 1921 du Code civil que le contrat de dépôt n'est formé que si les parties ont eu la volonté l'une de remettre, l'autre de recevoir la chose au titre d'un dépôt, cette volonté, quelle que soit la partie dont elle émane, peut être expresse ou tacite ;
qu'en s'abstenant totalement de rechercher si la circonstance constante que la SIGBR avait accepté d'entreposer le bateau Phoebus dans ses installations aux fins de travaux de carénage et avait effectué lesdites travaux n'apportait pas à elle seule la preuve du consentement implicite et donc tacite de la SIGBR au dépôt du bateau dans ses installations, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1921 du Code civil ;
5 ) qu'il résulte de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile que dès lors qu'elle décidait d'infirmer la décision des premiers juges à cet égard, il appartenait à la cour d'appel d'en réfuter les motifs déterminants pris en premier lieu de ce qu'"il est démontré que la société Le Malouin a confié le 17 avril 1989 le bateau Phoebus à la SIGBR aux fins de travaux de carénage et que pour effectuer les travaux concernés, le bateau a été confié à la SIGBR à titre de dépôt, pris en deuxième lieu de ce que si la SIGBR avait estimé que ce pourquoi elle a été missionnée par la société Le Malouin était accompli, il lui appartenait de restituer le bateau du propriétaire et pris en dernier lieu de ce que la facture du 17 mai 1989 par laquelle la SIGBR a imputé à la société Le Malouin un coût au titre du stationnement à quai du navire corrobore le dépôt mais également le fait que la société Le Malouin a pu croire son navire stationné régulièrement et que la SGBR a donc commis une faute en déplaçant le navire à compter du 25 avril 1989 ; qu'en s'abstenant totalement de le faire, la cour d'appel a violé l'article455 du nouveau Code de procédure civile ;
6 ) qu'il résulte de l'article 1134 du Code civil que dans certains contrats qui ne sont pas des contrats de dépôts, l'une des parties, compte tenu de la nature de son activité, est soumise à une obligation qui s'apparente à celle d'un dépositaire de garder et de restituer la chose ;
qu'en s'abstenant de rechercher, si compte tenu de la nature de l'activité de carénage et de réparation de la SIGBR dans ses propres installations, cette dernière n'était pas tenue de l'obligation qui s'apparente à celle d'un dépositaire de garder et de restituer le bateau confié, pour carénage et réparation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
7 ) qu'il résulte de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile que le juge doit restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénonmination que les parties en auraient proposée ; qu'en rejetant la qualification de contrat de mandat et de dépôt proposée la société Le Malouin et en déboutant purement et simplement celle-ci de ses demandes sans rechercher si les conventions intervenues entre les parties -dont l'existence était expressément reconnue par la SIGBR- n'étaient pas susceptibles d'une autre qualification de nature à entraîner la responsabilité de la SIGBR dans les dommages survenus au bateau de la société Le Malouin, la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que loin de se fonder uniquement sur l'absence d'écrit, l'arrêt, après avoir relevé que la société Le Malouin était entrée directement en contact avec M. X... pour le convoyage du bateau Le Phoebus jusqu'au bassin de radoub et pour les réparations à effectuer, retient qu'une facture récapitulative, sous la raison sociale de la SIGBR, ne peut avoir la portée que lui prête la société Le Malouin alors que le règlement intérieur de la SIGBR permet un tel mode de présentation des factures afin de permettre la perception d'une redevance pour le compte du concessionnaire des installations ; qu'il retient encore que la circonstance que le bateau ait été laissé à proximité des installations de la SIGBR, sur le quai ouest, quand bien même une facturation aurait été établie pour cette occupation, ne permet pas de considérer que la SIGBR aurait accepté de se rendre dépositaire du bateau et qu'il n'est pas établi que le dédouanement de la pompe du bateau par le responsable de cette société avait été effectué en exécution d'instructions reçues de l'armateur ; qu'il retient que la société Le Malouin n'a pas rapporté la preuve des contrats de mandat et de dépôt dont elle se prévalait ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations d'où il résulte que la SIGBR s'était bornée à mettre ses installations à la disposition de la société Le Malouin en vue de la réparation du bateau et n'avait donc pas la garde de celui-ci, la cour d'appel, qui a effectué les recherches prétendument omises et qui a répondu aux motifs du jugement dont la société Le Malouin sollicitait la confirmation en ce qu'il avait dit que la SIGBR était le dépositaire du bateau, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Malouin aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à la Société industrielle de gestion du bassin de radoub la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille deux.