AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Fiat auto France, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 2 novembre 1998 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), au profit :
1 / de la SCP Silvestri-Baujet, société civile professionnelle, ès qualités de mandataire liquidateur de la SNC Patrick Y..., société en nom collectif, dont le siège est ...,
2 / de la SCP Silvestri-Baujet, société civile professionnelle, ès qualités de mandataire liquidateur de M. Jean-Paul Z...,
3 / de la SCP Silvestri-Baujet, société civile professionnelle, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Milano auto,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Besançon, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Besançon, conseiller, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société Fiat auto France, de Me Ricard, avocat de la SCP Silvestri-Baujet, ès qualités, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 novembre 1998), que la société Fiat auto France (société Fiat Auto) était liée par un contrat de concession exclusive à la société Milano Auto (société Milano), mise en redressement puis liquidation judiciaires ; que suivant "procuration" du 16 février 1993, le président et directeur général de la société Fiat Auto a donné pouvoir à la société Fiat France (société Fiat) et à Mme Pascale X... à l'effet de déclarer les créances de la société Fiat auto ; que la déclaration de créance faite au nom de cette société a été signée par Mme X... "directeur juridique, cadre salarié de la société Fiat France" ; que la cour d'appel a rejeté la créance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Fiat auto fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que la déclaration de créances au passif du redressement judiciaire du débiteur peut être effectuée par un tiers muni d'un pouvoir spécial ; qu'il peut être justifié de l'existence de ce pouvoir, à la date de la déclaration, jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance, puisque seul le juge peut en apprécier la régularité ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui après avoir constaté que tant la société Fiat que Mme X... disposaient d'un pouvoir spécial de la société Fiat auto pour déclarer les créances de cette société au moment où la déclaration des créances au passif de la société Milano a été effectuée, a écarté cette déclaration, motif pris que le pouvoir spécial n'avait pas été joint à la déclaration ou produit dans le délai légal de déclaration, a violé les articles 416 et 853 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 50 de la loi du 25 janvier 1985 et 175 du décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le mandat donnant pouvoir spécial de déclarer la créance de la société Fiat auto n'accompagnait pas la déclaration et n'avait pas été produit dans le délai de celle-ci, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Fiat auto fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que la déclaration de créances peut être effectuée par un préposé de la personne morale titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte ; qu'il peut en être justifié jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance par la production de documents établissant la délégation ; que la cour d'appel, qui après avoir constaté que Mme X... avait reçu pouvoir de déclarer les créances de la société Fiat auto, antérieurement à la déclaration des créances au passif de la société Milano, a rejeté la déclaration effectuée par Mme X... sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette dernière, par ailleurs salariée de la société Fiat, ne se voyait pas confier occasionnellement des missions par la société Fiat auto dans le cadre desquelles elle passait directement sous l'autorité et la subordination de cette société, ce dont il résultait qu'elle en était alors préposée, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 853 du nouveau Code de procédure civile, 50 de la loi du 25 janvier 1985 et 175 du décret du 27 décembre 1985 ;
2 / qu'en toute hypothèse, le lien de préposition peut se déduire de l'intérêt d'une personne à utiliser les services d'une autre personne pour les besoins de son entreprise ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Fiat auto n'utilisait pas les services de Mme X..., salariée et directeur juridique de la société Fiat, pour les besoins juridiques de son activité, ce dont il résultait que Mme X... était la préposée de la société Fiat auto, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 853 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 50 de la loi du 25 janvier 1985 et 175 du décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu qu'en retenant souverainement que Mme X... n'était pas la préposée de la société Fiat auto, au sens où elle n'était pas sous l'autorité ou la subordination de cette société même si elle avait reçu mandat de cette dernière et qu'il n'était pas justifié d'une mise à disposition du personnel de la société Fiat à la société Fiat auto, la cour d'appel a effectué les recherches prétendument omises ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fiat auto France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Fiat auto France à payer à la SCP Silvestri-Baujet, ès qualités, la somme de 1 800 euros ;
La condamne en outre à une amende civile de 1 500 euros envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille deux.