AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Diffusion femmes fortes, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 juin 1998 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile et commerciale), au profit :
1 / du Groupement d'intérêt économique (GIE) des commerçants indépendants de Lens, dont le siège est centre commercial Lens 2, 62880 Vendin-le-Vieil,
2 / de M. X..., pris en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan des sociétés Impec soldes, distritex, SDCE, demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
EN PRESENCE DE :
- la société Davclau, dont le siège est ...,
M. X..., ès qualités, défendeur au pourvoi principal a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Badi, conseiller rapporteur, M. Tricot, Mmes Aubert, Vigneron, Tric, Besançon, Lardennois, Pinot, M. Cahart, conseillers, Mme Graff, MM. de Monteynard, Delmotte, conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Badi, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Diffusion femmes fortes, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du GIE des commerçants indépendants de Lens, de la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par M. X..., ès qualités, que sur le pourvoi principal formé par la société Diffusion femmes fortes ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que le tribunal a arrêté le plan de cession des sociétés Impec soldes et Distritex (les débitrices), membres du GIE des Commerçants indépendants de Lens (le GIE) au profit de la société Diffusion femmes fortes (société DFF) substituée à la société Davclau, l'actif cédé comprenant les parts de ce GIE détenues par les débitrices évaluées au franc symbolique et le jugement prévoyant que les actes de cession ne seraient régularisés qu'après obtention de l'agrément du GIE et expiration du délai de substitution prévu à l'article 10.2 des statuts ; que M. X..., administrateur du redressement judiciaire et commissaire à l'exécution du plan des débitrices, a saisi le tribunal d'une demande tendant à l'annulation du procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du GIE du 12 octobre 1995, notamment en ce qu'elle a décidé le rachat des parts litigieuses par le GIE ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société DFF fait grief à l'arrêt d'avoir permis l'exercice, par les membres du GIE, de leur droit statutaire de préemption, à concurrence d'un franc symbolique, sur les parts sociales appartenant à deux de ses membres, les débitrices, au détriment du cessionnaire initialement pressenti, alors, selon le moyen, qu'en soumettant au droit statutaire de préemption des membres du GIE des cessions de parts sociales qui n'étaient ni volontaires ni isolées, pour avoir fait l'objet d'une autorisation du tribunal de commerce, aux termes d'un jugement portant adoption d'un plan de cession des entreprises des débitrices, dont les parts sociales litigieuses constituaient un élément d'actif nécessaire à la poursuite de l'activité, la cour d'appel a violé les articles 81 et 82 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt décide que le GIE a régulièrement exercé son droit de préemption à concurrence de un franc et non pas qu'il était permis aux membres de ce GIE d'exercer leur droit statutaire de préemption ; que le moyen manque en fait ;
Et sur le second moyen du pourvoi incident :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation de la délibération prise le 12 octobre 1995 par l'assemblée générale extraordinaire des membres du GIE, alors, selon le moyen, que le défaut de convocation du commissaire à l'exécution du plan de cession des débitrices dont l'Administration lui a été confiée à l'assemblée générale extraordinaire des membres d'un groupement d'intérêt économique réunie en vue d'agréer ou non le cessionnaire de ces débitrices comme membre de ce groupement, et titulaire, à ce titre, des droits d'exploitation gérés par celui-ci, porte par lui-même atteinte à la mission légale de surveillance dont ce mandataire est investi et au droit d'information qu'il tient de la loi en vue de l'accomplir ; que dès lors, en jugeant que M. X... n'avait aucun intérêt à demander l'annulation d'une assemblée générale extraordinaire au vote de laquelle il n'aurait pu prendre part, même s'il y avait été convoqué, et devant laquelle son conseil avait présenté des observations, bien qu'un tel intérêt résultait des termes mêmes de la loi, la cour d'appel a violé les articles 67 de la loi du 25 janvier 1985 et 94 du décret du 27 décembre 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt relève que M. X... a pu faire valoir ses observations aux membres du GIE par l'intermédiaire de son conseil et qu'en application de l'article 10.2 des statuts, le cédant, autorisé à assister aux délibérations, ne peut participer au vote ; qu'en caractérisant ainsi l'absence d'intérêt de M. X... à l'annulation d'une délibération pour ou contre laquelle il ne pouvait voter, la cour d'appel n'a violé aucun des textes invoqués au moyen ; que celui-ci est sans fondement ;
Mais sur le premier moyen du même pourvoi, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour dire que le GIE a régulièrement exercé son droit de préemption à concurrence de un franc, l'arrêt se borne à déclarer que l'article 10 des statuts du GIE prévoit que la cession des parts par l'un de ses membres est soumise à l'autorisation préalable de l'assemblée générale extraordinaire des membres du groupement et que celui-ci peut substituer à l'acquéreur proposé un autre acquéreur choisi par les membres du groupe lors d'une assemblée générale extraordinaire ; qu'en conséquence les membres du GIE peuvent, par préemption, acquérir des parts pour en faire bénéficier ultérieurement un des membres actuels ou futurs ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la régularité de la procédure d'agrément ou de substitution prévue à l'article 10.2 des statuts en cas de refus d'agrément du cessionnaire proposé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen du pourvoi incident :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juin 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne le GIE des commerçants indépendants de Lens aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille deux.