AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Henriette X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 février 1999 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre sociale), au profit :
1 / du Foyer des jeunes travailleurs, dont le siège est ...,
2 / de l'ASSEDIC de l'Oise, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 novembre 2001, où étaient présents : M. Sargos, président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Waquet, Merlin, le Roux-Cocheril, Brissier, Finance, Mmes Lemoine Jeanjean, Quenson, conseillers, M. Poisot, Mme Maunand, MM. Soury, Besson, Mmes Duval-Arnould, Nicolétis, conseillers référendaires, M. Bruntz, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Tiffreau, avocat de Mme X..., de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat du Foyer des jeunes travailleurs, les conclusions de M. Bruntz, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme X..., engagée le 26 janvier 1986 par l'association Le Foyer des jeunes travailleurs, en qualité d'employée de cuisine, a été victime d'un accident du travail le 21 mai 1992 entraînant un arrêt de travail jusqu'au 29 juin 1992 ; que du 1er février 1994 au 9 juillet 1995 elle a été en arrêt de travail pour maladie ; que le 30 juin 1995 le médecin du travail l'a déclarée apte à reprendre son activité avec des indications particulières sur le poste pouvant être occupé ; que par avis du 12 juillet 1995, confirmé le 28 juillet 1995 le médecin du travail l'a déclarée inapte à son emploi ; que la salariée qui a bénéficié à compter du 18 juillet 1995 d'un arrêt de travail du médecin traitant au titre de la rechute de l'accident du travail du 21 mai 1992, a été licenciée le 22 août 1995 pour impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande en réparation du préjudice résultant de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de reclassement, alors, selon le moyen, que la nullité de la rupture du contrat de travail en période de suspension confère au salarié un droit à réintégration ; que si le salarié, qui n'a pas été déclaré inapte à reprendre son travail, a fait valoir ce droit à réintégration, l'employeur est tenu, si l'ancien poste n'existe plus ou n'est plus vacant, d'offrir un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente ; qu'à défaut le salarié est en droit de prétendre à l'indemnité de licenciement de droit commun et à l'indemnité compensatrice de préavis, outre l'indemnisation du préjudice subi à raison du refus de reclassement dans un poste que le salarié est apte à occuper ; qu'en décidant que "Henriette X... a été licenciée alors qu'elle était en période de suspension du contrat de travail, que seul l'avis du médecin du travail met fin à la suspension, qu'en l'espèce la salariée n'a pas été déclarée inapte à reprendre le travail à l'issue de la rechute, qu'elle ne peut dès lors prétendre à l'indemnité prévue à l'article L. 122-32-5 du Code du travail" alors que son licenciement en période de suspension lui donnait droit à un reclassement, dont la méconnaissance ouvrait droit à une indemnisation autonome de celle allouée en raison du licenciement entaché de nullité la cour d'appel a conjointement violé les articles L. 122-32-2, L. 122-32-4, L. 122-32-5, L. 122-32-7 du Code du travail et 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de la procédure que la salariée n'a pas sollicité devant la cour d'appel une indemnité sanctionnant l'absence de sa réintégration en conséquence de son licenciement nul ; que la cour d'appel qui n'était saisie que d'une demande en indemnité au titre de la violation par l'employeur de l'obligation de reclassement prévue à l'article L. 122-32-5 du Code du travail a exactement décidé que la salariée ne pouvait prétendre au paiement de l'indemnité prévue à l'article L. 122-32-7 du Code du travail sanctionnant une telle obligation lorsque, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-32-2 de ce Code, l'employeur, au cours de la suspension du contrat de travail provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle, prononce la résiliation de ce contrat ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 122-32-2 du Code du travail ;
Attendu que pour limiter à la somme de 6 000 francs l'indemnité allouée à la salariée au titre de son licenciement nul comme ayant été prononcé en violation de l'article L. 122-32-2 susvisé, la cour d'appel a relevé que la salariée était âgée de 54 ans lors de son licenciement, qu'elle était salariée du Foyer des jeunes travailleurs depuis neuf ans, que son salaire s'élevait à 6 025 francs, qu'elle a subi un préjudice résultant de la perte de son activité professionnelle dans un contexte économique difficile ;
Attendu, cependant, que le salarié, victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration, a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 19 de la convention collective nationale des foyers de jeunes travailleurs ;
Attendu que, selon le texte susvisé applicable en cas de maladie, inaptitude, rupture du contrat, en cas d'absence d'un salarié pour maladie d'une durée continue d'un an, et lorsque les nécessités du service imposeront son remplacement, l'employeur pourra rompre son contrat de travail dans ce cas la procédure de licenciement devra être respectée et le salarié pourra prétendre à l'indemnité de licenciement conventionnelle dans les conditions prévues à l'article 8 de la présente convention, le personnel licencié dans ces conditions conserve pendant un an une priorité pour tout embauchage éventuel dans un emploi de sa compétence ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en réparation du préjudice résultant de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de priorité de réembauchage, l'arrêt retient que la salariée n'a pas été licenciée pour absence pour maladie d'une durée continue depuis plus d'un an ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en présence d'un licenciement nul pour avoir été prononcé en violation de l'article L. 122-32-2 du Code du travail, pendant une absence pour maladie due à un acccident du travail au motif inopérant de l'impossiblité du reclassement de la salariée, la salariée était en droit de prétendre à la priorité de réembauchage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en celles de ses dispositions fixant l'indemnisation revenant à la salariée au titre du licenciement nul, et ayant débouté la salariée de sa demande au titre de la priorité de réembauchage, l'arrêt rendu le 25 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille deux.