AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par le Crédit industriel de l'Ouest (CIO), dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 décembre 1998 par la cour d'appel de Poitiers (Chambre civile, 1re Section), au profit :
1 / de la société Meubles
A...
, société anonyme dont le siège social est ...,
2 / de M. Hubert X..., mandataire judiciaire, pris en qualité d'administrateur du redressement judiciaire de la société Meubles
A...
, demeurant ...,
3 / de M. Jean-Gilles Y..., mandataire judiciaire, pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession dépendant du redressement judiciaire de la société Meubles
A...
, demeurant ...,
4 / de la Banque populaire Centre Atlantique, société coopérative de banque dont le siège social est ..., BP 63? 79002 Niort Cedex,
5 / de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, dont le siège est ...,
défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président et rapporteur, M. Métivet, Mme Garnier, conseillers, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dumas, président, les observations de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat du Crédit industriel de l'Ouest, de Me Vuitton, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 26 février 1993, une "convention cadre" de cession de créances professionnelles était signée entre la société Meubles
A...
, représentée par son dirigeant M. A..., et un "pool bancaire" dont faisait partie le Crédit industriel de l'Ouest, à l'insu de M. Z..., actionnaire majoritaire, aux termes de laquelle la société s'engageait à céder aux banques les créances qu'elle détenait sur sa clientèle en contrepartie d'une ouverture de crédit en compte courant à hauteur de 7 200 000 francs ; que cet acte prévoyait que la garantie de la cession de créances était affectée à l'ensemble des crédits consentis ou susceptibles de lui être consentis par les banques, étant toutefois précisé qu'aucun nouveau prêt n'avait été accordé depuis un précédent accord, souscrit le 13 novembre 1992 entre les mêmes parties et M. Z..., et applicable jusqu'au 31 décembre 1993 ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Meubles
A...
le 23 juin 1993 ; que les banques ont déclaré leurs créances ; que, postérieurement, arguant du fait qu'elles avaient affecté l'excédent de la balance client due au titre de la "convention cadre" au remboursement de prêts antérieurement souscrits et dont les échéances étaient venues à terme postérieurement au jugement déclaratif, la société Meubles
A...
a assigné trois des quatre banques du "pool bancaire" aux fins d'obtenir leur condamnation à lui rembourser les prélèvement ainsi réalisés ; que le tribunal, puis la cour d'appel ont dit que la convention du 26 février 1993 était inopposable aux banques et ont condamné celles-ci à payer à la société Meubles
A...
les sommes réclamées ;
Attendu que pour déclarer inopposable à la société Meubles
A...
la "convention cadre" de cessions de créances professionnelles du 26 février 1993, l'arrêt retient qu'elle revêt un caractère frauduleux résidant dans la volonté des banques de se procurer sans contrepartie des garanties supplémentaires destinées à échapper au concours avec les autres créanciers de l'entreprise en difficulté et de porter atteinte au principe de l'égalité entre créanciers instauré par la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence d'une fraude aux droits de la société Meubles
A...
, signataire de l'acte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille deux.