AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société La Cave des Seigneurs, société à responsabilité limlitée, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 16 octobre 1998 par la cour d'appel de Paris (4e chambre civile, section B), au profit de la commune de Saint-Tropez, dont le siège est mairie de Saint-Tropez, ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Garnier, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Garnier, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société La Cave des Seigneurs, de Me Y..., reprises par Me X..., administrateur provisoire, avocat de la commune de Saint-Tropez, les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 16 octobre 1998), que la commune de Saint-Tropez (la commune) , titulaire de la marque "Saint-Tropez" déposée le 2 mars 1992 pour désigner différents produits et services et notamment des boissons alcoolisées, vins de pays, vins d'appellation d'origine en provenance de la presqu'île de Saint-Tropez, a poursuivi judiciairement la société la Cave des Seigneurs (la société) qui commercialisait du vin sous la dénomination "la Cave des Seigneurs de Saint-Tropez" dans des bouteilles dont l'étiquette reproduisait le nom et des monuments de la ville ;
Attendu que la société la Cave des Seigneurs fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait commis des actes de contrefaçon de la marque dont la commune est titulaire et de lui avoir fait interdiction de faire figurer cette marque sur le conditionnement des produits qu'elle embouteille et commercialise, alors, selon le moyen :
1 ) que ne peuvent être adoptées comme marque, faute de caractère distinctif, les dénominations servant à désigner la provenance géographique du produit ; que ne peuvent non plus être adoptées les dénominations de nature à tromper le public sur la provenance géographique du produit ; qu'il en résulte que la marque Saint-Tropez ne pouvait être valablement adoptée pour désigner ni des vins en provenance de cette région, faute de caractère distinctif, ni des vins d'une autre provenance, en raison de la tromperie induite ; qu'en la condamnant pour atteinte à cette marque sans valeur à l'égard des vins , la cour d'appel a violé les articles L. 711-2 et L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
2 ) que l'article 2-1-c du règlement du Conseil des Communautés européennes impose, pour les vins de table, l'indication sur les bouteilles de la "raison sociale de l'embouteilleur ainsi que de la commune et de l'Etat membre où celui-ci a son siège principal ; que l'article 11-1-d dudit réglement contient les mêmes prescriptions à l'égard des vins produits dans une région déterminée, de même que l'article 20-1-d en ce qui concerne les autres vins ; que, dès lors qu'il n'est pas contesté que la société a son siège social sur le territoire de la commune de Saint-Tropez, la cour d'appel ne pouvait lui faire interdiction de faire figurer ce nom sur le conditionnement des vins qu'elle expédie sans violer lesdits articles du règlement n° 2392/89 du Conseil des Communautés européennes ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte pas des conclusions que la société ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions contenues à la première branche du moyen, que dès lors celui-ci , mélangé de droit et de fait, est nouveau ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé par motifs propres et adoptés, que la société ne s'était pas bornée, en conformité avec la réglementation européenne, à mentionner sur les étiquettes des bouteilles qu'elle commercialisait l'adresse de son siège, mais avait entre la collerette et l'étiquette apposées sur chaque bouteille, mentionné plus de cinq fois le terme Saint-Tropez sur un fond reproduisant de façon stylisée un clocher, un phare, le bord de l'eau et en arrière-plan les montagnes, la cour d'appel, qui a déduit de ces constatations l'existence d'actes de contrefaçon, a pu statuer comme elle a fait ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en la seconde ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Cave des Seigneurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société la Cave des Seigneurs ; la condamne à payer à la commune de Saint-Tropez la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille deux.