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29/11/2001 | FRANCE | N°00-11308

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 novembre 2001, 00-11308


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la Régie du syndicat intercommunal d'électricité de la région de Civray (régie du SIERC), dont le siège est 86400 Savigne,

2 / la Régie du syndicat intercommunal d'électricité de la Vienne (régie du SIEDV), dont le siège est ...,

3 / la Régie du syndicat intercommunal d'électricité de Mauprevoir (régie du SIM), dont le siège est 86460 Mauprevoir,

en cassation d'un arrêt rendu le 7 décembre 1999 par la cour d'appe

l de Poitiers (chambre sociale), au profit :

1 / de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurit...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la Régie du syndicat intercommunal d'électricité de la région de Civray (régie du SIERC), dont le siège est 86400 Savigne,

2 / la Régie du syndicat intercommunal d'électricité de la Vienne (régie du SIEDV), dont le siège est ...,

3 / la Régie du syndicat intercommunal d'électricité de Mauprevoir (régie du SIM), dont le siège est 86460 Mauprevoir,

en cassation d'un arrêt rendu le 7 décembre 1999 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), au profit :

1 / de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Vienne, dont le siège est ...,

2 / de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) de Poitiers, dont le siège est ...,

3 / de M. le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, domicilié ...,

4 / de Mme le ministre de l'Emploi et de la Solidarité, domiciliée ...,

5 / de l'agent judiciaire du Trésor Public, domicilié ...,

défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 octobre 2001, où étaient présents : M. Sargos, président, M. Duffau, conseiller rapporteur, MM. Gougé, Ollier, Thavaud, Dupuis, Mme Duvernier, M. Trédez, conseillers, M. Petit, Mme Slove, conseillers référendaires, M. Bruntz, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Duffau, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la régie du SIERC, de la régie du SIEDV et de la régie du SIM, de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de l'agent judiciaire du Trésor Public, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Vienne, les conclusions de M. Bruntz, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations dues par la régie du Syndicat intercommunal d'électricité de la Vienne (régie du SIEDV), la régie du Syndicat intercommunal d'électricité de la région de Civray (régie du SIERC), et la régie du syndicat intercommunal d'électricité de Mauprevoir (régie du SIM), l'avantage en nature constitué par le tarif préférentiel accordé aux agents statutaires de ces régies pour leur consommation d'électricité ; que la cour d'appel (Poitiers, 7 décembre 1999), qui a joint les appels formés par les trois régies, a rejeté leur recours ;

Sur les deux premiers moyens réunis, le premier pris en ses trois branches :

Attendu que les trois régies font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir ainsi statué alors, selon le premier moyen :

1 / que la décision ministérielle du 13 novembre 1981 n'est en aucun cas une "circulaire", et ne se confond en aucun cas avec la circulaire de la direction du personnel d'électricité et du gaz de France du 16 septembre 1981, mais constitue un acte administratif unilatéral et réglementaire ; en sorte qu'en analysant dans cette décision une "circulaire", l'arrêt attaqué en a dénaturé le sens et la portée, en violation de l'article 1134 du Code civil ; qu'au surplus, cette décision ministérielle du 13 novembre 1981, constituant un acte administratif réglementaire et non une "circulaire", la cour d'appel, en y voyant une "circulaire", en a fait une fausse application de la nature juridique en violation de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires fait interdiction au juge judiciaire, en présence de deux actes administratifs réglementaires de même valeur, à savoir un arrêté ministériel réglementaire et une décision ministérielle réglementaire, de se faire juge de l'illégalité de l'un d'entre eux aux motifs qu'il est "en contradiction" avec l'autre, et qu'il "ne saurait avoir un quelconque caractère normatif au regard des textes de droit positif" ; en sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 10 et 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ; qu'au surplus, il importe tout à fait peu de prétendre qu'un acte ne serait qu'une "circulaire" pour en déduire qu'elle ne saurait "avoir un quelconque caractère normatif", dès lors que la réponse à la question de savoir si un acte émanant d'une autorité administrative et dénommé circulaire présente un caractère normatif ne dépend aucunement de la présentation de cet acte comme étant une "circulaire", mais dépend exclusivement du point de savoir si cet acte, quel qu'en soit le nom, prescrit ou non le respect d'une règle de droit distincte et nouvelle, par rapport aux lois et règlements applicables ; en sorte qu'en considérant que l'acte du 13 novembre 1981 "ne saurait avoir un quelconque caractère normatif", sans rechercher si, précisément, il n'énonçait pas une règle de droit différente et nouvelle par rapport au premier alinéa de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et à l'arrêté ministériel du 9 janvier 1975, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que de deux actes réglementaires de même valeur dans la hiérarchie des normes et dont l'un a un champ d'application plus circonscrit que l'autre tout en étant plus récent, seul est applicable l'acte le plus récent ; qu'en l'espèce, la décision réglementaire du ministre de l'industrie du 13 novembre 1981 était plus récente que l'arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale du 9 janvier 1975 et, ayant un champ d'application plus circonscrit, cette décision était seule applicable, à l'exclusion, dans ce champ d'application, de l'article 5 de l'arrêté du 9 janvier 1975 ; en sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a méconnu les champs d'application respectifs de l'arrêté ministériel du 9 janvier 1975 et de la décision ministérielle du 13 janvier 1981, a violé ces textes ;

Et alors, selon le deuxième moyen, que dans leurs conclusions introductives d'appel, comme dans leurs conclusions récapitulatives, les régies faisaient valoir que la décision ministérielle du 13 novembre 1981 était parfaitement applicable, nonobstant l'article 5 de l'arrêté du 9 janvier 1975, et que cette décision du 13 novembre 1981 est l'un des aspects de l'organisation spéciale de sécurité sociale des exploitations de production, de transport et de distribution d'énergie électrique et de gaz, dont l'existence est prévue au 8 de l'article R. 711-1 du Code de la sécurité sociale qui trouve lui-même son fondement dans l'article L. 711-1 du même Code ; qu'en omettant de répondre à ce moyen qui n'était nullement inopérant, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé à bon droit qu'en vertu de l'article 5 de l'arrêté ministériel du 9 janvier 1975, l'estimation des avantages en nature, autres que la nourriture et le logement, est faite d'après leur valeur réelle, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a exactement décidé que le document daté du 13 novembre 1981, émanant du ministère de l'industrie, récapitulant des circulaires et des notes et dépourvu de valeur normative, n'était pas créateur de droit et ne saurait restreindre ceux que tirent de l'arrêté ministériel du 9 janvier 1975 les organismes de recouvrement ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur le troisième moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen,

1 / que les conclusions d'appel ne se bornaient pas à faire valoir que la régie du SIERC avait déjà fait l'objet de la part de l'URSSAF d'un contrôle sur la période 1992-1994, à l'issue de laquelle, en toute connaissance de cause, l'URSSAF n'avait émis aucune réserve sur la pratique en cause, mais faisaient valoir, s'agissant tout autant de la régie du SIEDV, et celle du SIM, que :

"à compter de 1981, et avant les redressements objets du présent litige, les régies ont fait l'objet de plusieurs contrôles de la part des services de l'URSSAF : - pour la régie du SIEDV : contrôle de la période de janvier 1981 à décembre 1985 (notification en janvier 1986), contrôle de la période de janvier 1987 à septembre 1989 (notification en novembre 1989), contrôle de la période de janvier 1991 à novembre 1993 (notification en novembre 1993). - pour la régie du SIM : contrôle de la période 1991 à 1993 (notification en février 1994). - pour la régie du SIERC : contrôle de la période 1992 à 1994 (notification du 15 février 1995). A l'occasion de ces contrôles, l'URSSAF a eu en sa possession l'ensemble des données comptables permettant de déterminer la valeur des avantages en nature "électricité" et le mode de calcul retenu, étant au surplus évident que, dans le cas précis des régies d'électricité, cet avantage en nature est un des postes qui est vérifié en premier. Or, l'URSSAF n'a, lors de ces différents contrôles, jamais remis en cause la pratique des régies qui, dans son principe et ses modalités d'application, n'a pas varié depuis 1981, la valorisation des avantages en nature "électricité" étant constante, sur le fondement des instructions ministérielles obligatoires. Alors même que ce

poste est important en volume et en valeur, l'URSSAF, qui disposait de tous les éléments lui permettant éventuellement de procéder à un redressement (ou a minima de faire des observations) a pris la décision de ne pas redresser en toute connaissance de cause. Il est évident d'ailleurs que lors de ces précédents contrôles, l'URSSAF a eu connaissance des règles impératives s'appliquant aux régies et que de leur examen a découlé la décision de ne pas procéder aux redressements. Dans de telles hypothèses, la Cour de Cassation considère que le cotisant est bien fondé à se prévaloir d'une décision implicite de l'organisme, qui lui interdit de procéder à tout redressement rétroactif et ne lui permet de faire des observations que pour l'avenir" ; qu'en statuant par les motifs critiqués au moyen, qui ne concernent que la régie du SIERC, et en ignorant ainsi la situation des deux autres régies appelantes, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions dont elle était saisie, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que fait obstacle à un redressement rétroactif la circonstance que, s'agissant de trois régimes locaux de distribution d'électricité appliquant identiquement depuis 1981 une même décision ministérielle et ayant fait l'objet de la part de l'URSSAF de cinq contrôles portant sur les périodes 1981-1985, 1987-1989, 1991-1993 et 1992-1994, l'URSSAF, à chacune de ces occasions et en toute connaissance de cause, n'a formulé aucune observation sur le mode d'évaluation de l'avantage en nature "électricité" dont bénéficient les salariés de ces régies, aucune décision de l'URSSAF en sens opposé n'ayant entre-temps été notifiée à aucune desdites régies ; que dès lors, en statuant par les motifs critiqués au moyen, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'après avoir ordonné la jonction des trois procédures, la cour d'appel a répondu aux arguments présentés par la régie du SIERC ; qu'elle a, par là même, répondu aux autres régies ;

Et attendu que la preuve d'une décision antérieure de l'organisme de recouvrement incombe à celui qui l'invoque et que la seule référence à une pratique antérieure de l'employeur ne suffit pas à caractériser l'existence d'une décision implicite admettant en connaissance de cause la pratique litigieuse ; qu'ayant constaté que les précédents contrôles avaient porté sur le seuil d'exonération de la cotisation d'allocations familiales pour les salariés embauchés sous contrat à durée déterminée, l'arrêt retient qu'aucun élément ne démontre que la pratique suivie par l'employeur ait été tacitement admise en connaissance de cause ; qu'ayant ainsi écarté, comme inopérantes, les circonstances alléguées par la seconde branche du moyen et estimé que la preuve incombant à l'employeur n'était pas rapportée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les régies du SIERC, du SIEDV et du SIM aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'URSSAF de la Vienne ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille un.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-11308
Date de la décision : 29/11/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

ELECTRICITE - Electricité de France - Personnel - Cotisations sociales - Assiette - Déduction de l'avantage en nature constitué par un tarif préférentiel de la consommation d'électricité.


Références :

Arrêté ministériel du 09 janvier 1975 art. 5
Code de la sécurité sociale L242-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), 07 décembre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 nov. 2001, pourvoi n°00-11308


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SARGOS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:00.11308
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