AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Bourgeois, société anonyme, aux droits de laquelle se trouve la société SC Bourgeois, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 octobre 1999 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), au profit de M. Gilles X...
Z..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 octobre 2001, où étaient présents : M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. Bruntz, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société SC Bourgeois, les conclusions de M. Bruntz, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Golliet Z..., engagé le 11 septembre 1992 par la société Bourgeois aux droits de laquelle se trouve la société SC Bourgeois, a été licencié le 13 février 1996 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société SC Bourgeois fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 26 octobre 1997) d'avoir dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir en conséquence condamnée à verser au salarié une somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que s'il est interdit à l'employeur de pratiquer une discrimination au sens de l'article L. 122-45 du Code du travail, il lui est permis, dans l'intérêt de l'entreprise et dans l'exercice de son pouvoir d'individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés qui ont participé à une même faute ; qu'en l'espèce, pour estimer qu'un doute subsistait sur la réalité et le sérieux du motif de licenciement, tiré de ce que l'intéressé ne respectait pas les temps de montage, en dépit de mises en garde réitérées, la cour d'appel a relevé que si ce grief avait été reproché à plusieurs salariés dont M. Golliet Z..., seul ce dernier - qui s'était abstenu d'assister à l'entretien préalable - avait finalement été licencié, pour en déduire que l'intéressé aurait en réalité été victime d'une discrimination ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 122-45 du Code du travail ; alors que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige, délimités par les prétentions respectives des parties ; quen l'espèce, il sévince des conclusions d'appel du salarié que si celui-ci a contesté avoir commis des fautes justifiant la rupture, il a en revanche admis ne pas respecter les temps de montage imposés par l'employeur, ce qui caractérisait précisément le grief énoncé dans la lettre de rupture ; qu'ainsi, en se déterminant par la circonstance que les tableaux récapitulatifs contestés par le salarié ne permettaient pas de justifier du non-respect, par l'intéressé, des temps de montage, pour en déduire quun doute subsistait sur la réalité et le sérieux
du motif invoqué à l'appui du licenciement de M. Golliet Z..., la cour d'appel a méconnu les limites du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'absence du salarié à l'entretien préalable ne constitue pas une cause de licenciement ; qu'ayant constaté que le motif véritable du licenciement du salarié était son absence à l'entretien préalable, la cour d'appel a décidé à bon droit que le licenciement était dépourvu de cause ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société SC Bourgeois reproche encore à l'arrêt d'avoir condamné l'employeur à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu'il est acquis au débat que le salarié a tout d'abord été embauché par la société Bourgeois, en qualité de monteur niveau 1, échelon 2, du 11 septembre 1972 au 10 janvier 1982 puis, lorsque cette société a cessé son activité, par la société coopérative Bourgeois ; qu'il résulte d'ailleurs des écritures d'appel du salarié que cette dernière a établi un certificat de travail au profit du salarié pour la seule période du 23 novembre 1981 au 14 avril 1996, ce qui démontre que pour la période antérieure, correspondant à l'emploi occupé au sein de la société Bourgeois, M. Y... avait, lors de la cessation d'activité, été rempli de ses droits en ce qui concerne les indemnités de rupture qui lui étaient dues ; qu'en l'espèce, pour allouer au salarié une somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que cette somme tenait compte de la "grande ancienneté" de l'intéressé ;
qu'en l'état de ces seules énonciations, d'où il ne résulte pas que la cour d'appel ait pris en considération le fait que le salarié avait été rempli de ses droits pour la période antérieure à la reprise de l'activité de la société Bourgeois par la société coopérative Bourgeois, et qu'ainsi M. Y... ne pouvait en réalité se prévaloir d'une ancienneté supérieure à 15 ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que n'étant pas discuté par le moyen que c'est le même contrat de travail qui s'est poursuivi lors de la reprise par la société coopérative Bourgeois de l'activité de la société Bourgeois, c'est à bon droit que la cour d'appel a pris en compte l'ancienneté du salarié depuis son embauche par la société Bourgeois pour apprécier le préjudice ayant résulté pour lui de la perte de son emploi ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SC Bourgeois aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille un.