AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. René X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 septembre 1999 par la cour d'appel d'Amiens (5ème chambre sociale), au profit de la société SCEA Dupont Legrand, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 octobre 2001, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Andrich, conseiller référendaire rapporteur, MM. Bouret, Coeuret, conseillers, M. Bruntz, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X..., de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société SCEA Dupont Legrand, les conclusions de M. Bruntz, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que selon l'arrêt attaqué (Amiens, 30 septembre 1999), M. X... a été engagé en qualité de chef de culture par la société SCEA Dupont-Legrand, le 4 septembre 1981 ; qu'une modification de son contrat de travail qu'il a refusée le 27 février 1996, lui ayant été proposée le 30 janvier 1996, il a été licencié pour motif économique le 25 mars 1996 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse , alors, selon le moyen :
1 / que l'imprécision des motifs économiques invoqués dans la lettre de licenciement équivaut à une absence de motif ; que pour justifier la proposition de modification du contrat de travail, l'employeur de M. X... s'est borné à faire état de "la baisse de rentabilité de l'exploitation consécutive aux nouvelles contraintes économiques en agriculture" ; qu'en estimant néanmoins, malgré l'imprécision manifeste des termes de la lettre de rupture notifiée à M. X..., que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
2 / que lorsque le licenciement d'un salarié procède d'une réorganisation, celle-ci doit être décidée afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que la cour d'appel pour estimer que le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse a seulement retenu que la société n'avait pas commis d'abus de droit en engageant une procédure de restauration de sa rentabilité ; qu'en statuant de la sorte, sans pour autant rechercher si la réorganisation était en l'espèce nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;
3 / qu'une réorganisation ne constitue une cause économique de licenciement que si elle a pour but de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'il ressort tant des termes de la lettre de licenciement que des
constatations de la cour d'appel, que la proposition de modification du contrat de travail soumise au salarié avait été décidée par la société afin d'accroître sa rentabilité et réduire ses coûts salariaux ; qu'en estimant toutefois que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse , la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du Code du travail ;
4 / que le licenciement d'un salarié pour motif économique n'est justifié que si la réorganisation poursuivie implique la suppression ou la modification du poste du salarié et les juges du fond doivent constater l'influence de la réorganisation sur le poste du salarié ; qu'en s'abstenant totalement de cette vérification alors que le salarié contestait que la réorganisation de l'entreprise eût dû avoir une influence sur son poste de travail, la cour d'appel a encore violé l'article L. 321-1 du Code du travail ;
Mais attendu d'abord, que la cour d'appel qui a constaté que la lettre de licenciement rappelant la proposition de modification du contrat de travail du salarié, faisait état de la nécessité de transformer son emploi dans le cadre de la restructuration dictée par une baisse de rentabilité de l'exploitation agricole consécutive aux nouvelles contraintes économiques en agriculture, a pu décider qu'elle répondait aux exigences légales de motivation ;
Attendu ensuite que, se livrant aux recherches prétendument omises, la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a relevé que l'employeur dont les résultats déficitaires étaient établis, avait complété la recherche d'équilibre de l'exploitation agricole par d'autres mesures d'économie telles la vente de matériel, la modification et l'introduction de nouvelles cultures et la suppression du recours à la main d'oeuvre extérieure et qui a constaté que la transformation de l'emploi de M. X... dont certaines responsabilités ont été transférées à son employeur, s'inscrivait dans le cadre d'une réorganisation qui, répondant à une véritable nécessité économique, était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille un.