AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Poitiers, 9 septembre 1997), que, par arrêt du 6 septembre 1990, devenu irrévocable, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Poitiers a condamné M. X..., président et directeur général de la société ATMC, en liquidation judiciaire, pour abus de biens sociaux et a déclaré Mme Y... et M. Z..., respectivement représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de cette société, irrecevables en leur demande en paiement de l'insuffisance d'actif ;
que les mandataires de justice ont engagé une action devant le tribunal de commerce tendant notamment à voir condamner M. X... au paiement des dettes sociales ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des énonciations de l'arrêt du 6 septembre 1990, devenu irrévocable, que M. Z... et Mme Y..., ès qualités, ont été déclarés irrecevables en leurs demandes en comblement de passif dirigées contre M. X... aux motifs que "rien n'établit que les infractions commises par Guy X... ont été la cause directe du dépôt de bilan ;
qu'en effet, rien ne prouve qu'ATMC connaissait des difficultés avant l'ouverture de l'information ;
que, d'ailleurs, aucun des créanciers de la société ne s'est porté partie civile" ;
que la cour d'appel, qui estime que l'arrêt du 6 septembre 1990 a rejeté la demande de M. Z... et de Mme Y... parce qu'en réalité ils auraient utilisé, à tort, la procédure de partie civile de droit commun, dénature cet arrêt et viole l'article 1134 du Code civil ;
2 / que l'autorité de la chose jugée s'attache aux points qui ont été effectivement tranchés par le juge répressif, ce qui implique que le juge civil ne peut déclarer que tel fait existe si la juridiction pénale a affirmé le contraire ;
qu'en l'espèce, l'arrêt du 6 septembre 1990, devenu irrévocable, avait affirmé l'absence de lien de causalité entre les délits commis par M. X... et l'insuffisance d'actif de la société ATMC ;
que la cour d'appel, qui estime établi ce lien de causalité entre les délits commis par M. X... et l'insuffisance d'actif de la société ATMC et qui condamne ce dernier à combler l'intégralité du passif de ladite société, méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée à la décision pénale du 6 septembre 1990 et viole l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif d'une personne morale en procédure collective, les dettes peuvent être mises à la charge du dirigeant en application de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 et fait ressortir que cette action, destinée à obtenir la réparation du préjudice causé aux créanciers de l'entreprise, engagée par le liquidateur devant le tribunal de commerce, avait un objet différent de l'action civile en réparation du préjudice résultant des infractions d'abus de biens sociaux, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les détournements de fonds pour lesquels M. X... avait été condamné avaient aggravé le passif social ;
qu'ayant ainsi caractérisé la faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société, la cour d'appel, qui n'a pas encouru les griefs du moyen, a accueilli à bon droit la demande des mandataires de justice ;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille un.