AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Marc X..., demeurant ..., 25150 Bourguignon,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 juin 1999 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), au profit de la société Equipements et composants pour l'industrie automobile (ECIA), société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 octobre 2001, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, M. Finance, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Soury, conseiller référendaire, M. Duplat, avocat général, M. Nabet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., de la SCP Gatineau, avocat de la société ECIA, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., engagé le 27 août 1980 par la société AOP devenue la société Equipements et composants pour l'industrie automobile (ECIA), en qualité d'ajusteur outillage, a, par avenant à son contrat de travail conclu le 4 avril 1984, accepté d'être détaché en volontariat à un poste de fabrication dans le cadre d'un plan social ; que l'avenant prévoyait expressément que cette affectation n'était pas définitive et que le salarié serait réintégré en priorité dans son emploi d'origine ou dans un emploi équivalent "dès qu'une opportunité se présentera", que "cette priorité s'exercera en fonction de l'ancienneté dans le détachement" ; que prétendant avoir été victime durant 15 ans d'une discrimination syndicale, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réintégration dans son ancien emploi avec rappel de salaires et dommages et intérêts, outre l'annulation de la sanction disciplinaire consistant en une mutation de son poste de travail prononcée à son encontre le 8 novembre 1996 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Besançon, 15 juin 1999) de l'avoir débouté de sa demande tendant à ce que l'employeur soit condamné à le réintégrer au sein du service outillage entretien dans son emploi d'ajusteur, avec un salaire correspondant et la qualification P3 coefficient 215, sous astreinte, et à lui verser une somme à titre de rappel de salaire pour la période allant d'avril 1991 à avril 1996, outre une somme en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination durant 15 ans et d'avoir débouté le syndicat CGT de la société ECIA de son intervention volontaire, alors, selon le moyen :
1 / que le juge a l'obligation de viser et d'examiner, fût-ce de manière sommaire, les éléments soumis à son examen par les parties ;
qu'après avoir relevé que l'avenant du 4 avril 1984 prévoyait la réintégration du salarié dans son emploi d'origine ou un emploi équivalent dès qu'une opportunité se présenterait, la priorité s'exerçant en fonction de l'ancienneté dans le détachement, la cour d'appel, qui s'est bornée à constater que les deux attestations produites par le salarié étaient insuffisantes à démontrer que des ouvriers professionnels avaient été embauchés de 1979 à 1992, sans viser ni examiner les listes d'embauche fournies par l'employeur au comité d'entreprise et versées aux débats par le salarié, alors qu'il pouvait résulter de ces listes, rapprochées des attestations précitées, que de nombreuses embauches avaient été effectuées sur des postes d'OP que le salarié aurait pu occuper, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2 / que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'un écrit ; qu'en considérant que l'avenant du 4 avril 1984 ne prévoyait aucune priorité de réintégration dans un poste d'ouvrier professionnel par rapport à l'embauche, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'avenant du 4 avril 1984 qui prévoyait la réintégration du salarié "dès qu'une opportunité se présentera", violant ainsi l'article 1134 du Code civil ;
3 / que l'employeur doit exécuter de bonne foi le contrat de travail ; qu'en l'état de l'avenant du 4 avril 1984 prévoyant une réintégration du salarié "dès qu'une opportunité se présentera" la société ne pouvait de bonne foi embaucher sur des postes susceptibles d'être pourvus par le salarié, sans les lui avoir proposés en priorité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ;
4 / qu'en se bornant à constater qu'aucun des salariés détachés à la fabrication après M. X... n'a été réintégré sur un emploi à l'entretien, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel du salarié, si les salariés mutés après lui ne travaillaient plus à la fabrication, de sorte que la question de savoir s'ils avaient été réintégrés dans un emploi d'ouvrier professionnel ne se posait pas, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
5 / que le salarié avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que, parmi les salariés détachés après lui, nombre d'entre eux avaient été mutés sur un emploi d'ouvrier professionnel ou équivalent (MM. Z..., B..., Valentin et Chognard) tandis que M. Y... était parti de l'entreprise et que M. A..., muté à la fabrication le 1er septembre 1987, ne faisait pas partie du plan social ; que le salarié avait, en outre, soutenu dans ses mêmes écritures, que la liste de salariés détachés après lui, telle que produite par l'employeur, ne fournissait aucune précision sur la situation professionnelle de ces salariés, et mentionnait à tort le nom de M. A... ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve fournis par les parties, la cour d'appel a constaté, d'une part, que les salariés réaffectés au service entretien avaient été mutés en production à une date antérieure à la date de mutation du salarié et qu'aucun des salariés mutés en production après lui n'avait été réintégré à ce jour à l'entretien et, d'autre part, que la preuve de l'embauche d'ouvriers professionnels de 1979 à 1992 n'était pas rapportée ; qu'elle a retenu que le salarié ne rapportait pas davantage la preuve du non-respect par l'employeur de l'avenant du 4 avril 1984 et exactement décidé en l'absence de disparité de traitement que l'existence d'une discrimination ne pouvait dès lors pas être présumée ; qu'elle a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à ce que la cour d'appel annule la sanction disciplinaire de mutation en date du 8 novembre 1996 et condamne l'employeur à le rétablir dans ses droits au CIRCCA à la date du 18 novembre 1996 et à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour sanction injustifiée, alors, selon le moyen :
1 / que la lettre de sanction fixe les termes du litige ; qu'un employeur ne peut invoquer, pour justifier une sanction, un fait distinct de celui ayant motivé l'exercice de son pouvoir disciplinaire ; que ne constitue pas une faute le fait par un salarié de se rendre au local syndical en dehors de ses heures de travail ; qu'après avoir relevé que la lettre de sanction reprochait à M. X... de s'être rendu sur le lieu de travail en dehors des horaires de travail, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme l'y invitaient les conclusions du salarié, si celui-ci ne s'était pas rendu ai local syndical et non sur les lieux de travail, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-40 et L. 122-41, alinéa 1, du Code du travail et de l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
2 / que le salarié avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la lettre de sanction, qui fixe les termes du litige, lui reprochait d'être venu en dehors des heures de travail sur les lieux de travail, alors qu'il s'était rendu au local syndical, ce qui ne pouvait lui être reproché, d'autant qu'il résultait des attestations de salariés versées aux débats qu'il se rendait de manière habituelle au local syndical en dehors des heures de travail sans que l'employeur y ait puisé jusqu'ici un quelconque motif de sanction ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que les juges doivent viser et analyser, fût-ce de manière sommaire, les éléments sur lesquels ils ont fondé leur décision ; qu'en ne précisant pas les éléments de preuve sur lesquels elle s'est fondée pour affirmer que le salarié s'était rendu sur les lieux de travail en dehors de ses horaires de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / qu'en retenant, par motifs adoptés, que le salarié s'était, de manière fautive, rendu au local syndical en dehors de ses horaires de travail, quand la lettre de sanction n'énonçait pas un tel grief, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige fixés par la lettre de sanction, a violé, par refus d'application, l'article L. 122-41, alinéa 1, du Code du travail ;
5 / qu'en retenant comme fautif, par motifs adoptés, le fait pas un salarié de s'être rendu au local syndical en dehors des heures de travail, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
6 / que la cour d'appel, ayant relevé, par motifs adoptés, qu'il ressort des attestations établies par quatre salariés que M. X... se rendait habituellement au local syndical vers 20 h 15 ou 20 h 25, c'est à dire en dehors des heures de travail, devait en déduire que le fait de se rendre au local syndical en dehors des heures de travail n'était pas considéré comme fautif par l'employeur et qu'en conséquence, un tel fait ne pouvait fonder une sanction disciplinaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 122-40 du Code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le salarié ne contestait pas la matérialité des faits qui lui étaient reprochés à l'appui de la sanction prise par l'employeur, la cour d'appel a retenu, par adoption des motifs des premiers juges, que le salarié n'établissait pas, contrairement à ses affirmations, s'être trouvé pour les journées litigieuses dans le local syndical ; qu'elle a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes M. X... et de la société ECIA ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille un.