AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Gérard X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 avril 1999 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), au profit de la société CTRA, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 octobre 2001, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller rapporteur, M. Finance, conseiller, Mme Bourgeot, M. Soury, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, M. Nabet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société CTRA, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X... a été engagé le 1er août 1989 par la société CTRA en qualité de chef de chantier ; que le contrat de travail comportait une clause de mobilité et prévoyait le remboursement des frais de déplacement ; qu'il a été licencié pour faute grave le 30 juin 1997 pour avoir refusé sa nouvelle affectation qui était assortie d'une diminution de l'indemnité de déplacement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement d'indemnités de préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de dommages-intérêts pour privation d'indemnités pour voyages de détentes prévues par la convention collective ;
Sur la recevabilité du pourvoi principal :
Attendu que si le pouvoir spécial joint à la déclaration de pourvoi ne fait pas mention de la date de la décision attaquée, il comporte le nom des parties ainsi que l'indication de la juridiction ayant statué et était annexé à une déclaration de pourvoi précisant la date de la décision attaquée, en sorte qu'aucune équivoque n'était possible ;
Qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société CTRA, le pourvoi est recevable ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :
Attendu que le salarié reproche à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnités pour voyages de détente prévues à l'article 11 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, alors, selon le moyen qu'il n'avait eu de cesse de réclamer ces indemnités ; qu'il n'est pas contesté par l'employeur que les déplacements du domicile principal aux domiciles des différents chantiers s'effectuaient au moyen de la voiture particulière du salarié ; qu'il avait produit un tableau récapitulatif des voyages qu'il déclarait avoir accomplis depuis 1989 ; que contraireent à ce qu'a écrit la cour d'appel, à nul moment la convention collective ne subordonne le paiement de ces indemnités à la production de justificatifs (le seul fait que le mot "remboursement" soit employé à propos des frais éventuels des déplacements du conjoint ne peut rendre obligatoire la production de justificatifs ; qu'il apparaît donc clairement que l'attribution de cette indemnité relève du simple mode déclaratif ; que d'ailleurs M. X... avait souligné dans ses écritures qu'il ne voyait pas quels justificatifs il pourrait fournir compte tenu du mode de transport choisi par lui, qu'en ne se satisfaisant pas des simples déclarations faites par le salarié et en exigeant des justiticatifs la cour d'appel a violé l'article 11 de la convention collective et n'a pas donné de base légale à sa décision de débouter le salarié de sa demande ;
Mais attendu que selon l'article 11 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie relatif aux règles communes à tous les déplacements professionnels, le remboursement des frais de déplacement en voiture doit faire l'objet d'un accord préalable entre les parties prenant en compte les frais entraînés par l'usage du véhicule ; que la cour d'appel, qui a constaté l'absence de tout justificatif quant aux voyages effectués et aux frais engagés, a décidé, à juste titre, que le salarié ne pouvait bénéficier d'une prise en charge de frais pour voyages de détente ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société CTRA reproche à l'arrêt de dire que le salarié n'a pas commis de faute grave en refusant sa nouvelle affectation alors qu'il était tenu par une clause de mobilité et que l'indemnité de déplacement pouvait être modifiée en application du contrat ;
Mais attendu que la cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi principal rend le moyen sans objet et ne pouvant qu'être rejeté ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Vu les articles 1134 du Code civil et L. 122-4 du Code du travail ;
Attendu que pour dire que le salarié avait commis une faute en refusant sa nouvelle affectation et rejeter sa demande d'indemnité de préavis et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que l'employeur était en droit de réduire l'indemnité de déplacement dès lors que le contrat prévoyait le remboursement de frais de déplacement "selon les modalités en vigueur dans la société" et "en fonction du lieu géographique" et que la société justifiait la réduction de l'indemnité par les prix de pension des hôtels au lieu d'affectation ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses constatations que les frais de déplacements avaient été précédemment remboursés par une allocation forfaitaire d'un montant fixe, ce dont il se déduisait que l'indemnité de déplacement avait le caractère d'un complément de salaire et ne pouvait être modifiée sans l'accord du salarié et donc que le salarié n'avait pas commis de faute en refusant une nouvelle affectation assortie d'une diminution unilatérale de cette indemnité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare recevable le pourvoi principal et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant l'indemnité de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 22 avril 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Rejette le pourvoi incident ;
Condamne la société CTRA aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille un.