AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Crit Sécurité, dont le siège est 22, cours des Roches, 77186 Noisiel,
en cassation d'un arrêt rendu le 11 juin 1999 par la cour d'appel de Paris (18e chambre civile section E), au profit de M. Moussa X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 octobre 2001, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Bouret, Coeuret, conseillers, M. Richard de la Tour, Mme Andrich, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boubli, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société Crit Sécurité, de Me Brouchot, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 1999) que M. X... a été engagé par la société Sécurité et Maintenance en 1991 ;
que son contrat de travail a été transféré à la société Vigilia, au sein de laquelle il a été désigné en qualité de délégué syndical le 6 mai 1994 ;
qu'à la suite du redressement judiciaire de la société Vigilia, un jugement du tribunal de commerce du 28 juillet 1994 a arrêté le plan emportant cession des activités des sociétés du groupe dont elle faisait partie à la société CRIT holding intervenant pour le compte de sociétés à constituer, le plan prévoyant notamment la poursuite de 740 contrats de travail ; que l'administrateur judiciaire de la société Vigilia a essuyé un refus d'autorisation du licenciement de M. X... lequel s'est trouvé sans activité et a obtenu sa réintégration dans l'effectif de la société à responsabilité limitée Vigilia société nouvelle créée par la société CRIT qui l'a licencié pour faute grave le 10 juillet 1995 en invoquent un refus d'affectation ; que le juge des référés a ordonné la réintégration de l'intéressé qui a fait l'objet d'une nouvelle procédure de licenciement ayant donné lieu à un nouveau refus de l'inspecteur du travail du 24 mai 1996 ; qu'à la suite de diverses procédures, la société Vigilia société nouvelle a été condamnée à diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société CRIT Sécurité aux droits de la société à responsabilité limitée Vigilia, fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté la nullité du licenciement du 10 juillet 1995 en l'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail et d'avoir condamné la société à responsabilité limitée Vigilia société nouvelle au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et d'heures de délégation du 1er novembre 1994 au 31 décembre 1996, alors, selon le moyen, que selon l'article L 412-16 du Code du travail, le mandat du délégué syndical subsiste en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur telle que mentionnée au deuxième alinéa de l'article L 122-12 du code précité, et lorsque l'entreprise qui a fait l'objet de la modification conserve son autonomie juridique, si bien qu'en déduisant le maintien du mandat syndical de M. X... de la seule application en l'espèce de l'article L 122-12 précité, sans constater par des motifs propres et circonstanciés, le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité s'était poursuivie, lors du rachat de la société Vigilia société anonyme par la société CRIT société anonyme "pour le compte d'une société à créer au capital de laquelle elle interviendra", puis de la création ultérieure de la société Vigilia société nouvelle, et de la dispersion de l'ensemble du personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L 412-6 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que le mandat du délégué syndical subsiste en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur dès l'instant que l'entité économique conserve son autonomie ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel qui a relevé que les contrats de travail ont été transférés dans le cadre de l'entité économique dont l'activité s'est poursuivie conformément aux dispositions de l'article L 122-12 alinéa 2 du Code du travail et dont l'application n'était pas contestée, a par là-même constaté que l'entité transférée avait conservé son autonomie lors du passage du salarié au service de la société Vigilia société nouvelle ;
Attendu dès lors que la cour d'appel qui a exactement retenu que le mandat de M. X... devait se poursuivre par l'effet de l'article L 412-16 du Code du travail, et qu'il s'était effectivement poursuivi sous la direction nouvelle qui l'avait convoqué à une réunion préélectorale, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Vigilia Société nouvelle à payer à M. X... la somme de 10 000 francs à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen, que l'exercice d'une voie de recours ne dégénère en faute susceptible d'entraîner des dommages et intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou d'erreur équipollente au dol, si bien qu'en statuant de la sorte sans relever à l'égard de la société CRIT Sécurité une faute dans l'exercice de ses droits en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 32-1 et 559 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que la société avait multiplié les procédures dans lesquelles elle avait toujours succombé, dans le seul but de se soustraire à ses obligations à l'égard d'un salarié protégé a caractérisé le caractère abusif de la procédure dont elle était saisie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crit Sécurité aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille un.