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13/11/2001 | FRANCE | N°99-45389

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 novembre 2001, 99-45389


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° F 99-45.389 formé par M. Tanguy X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt avant-dire droit rendu le 4 janvier 1999 et d'un arrêt au fond rendu le 6 septembre 1999 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), dans l'instance l'opposant à la société COGEMA, société anonyme, dont le siège est ...,

defenderesse à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° R 99-45.398 formé par la société COGEMA, société anonyme, dont le siège est

...,

en cassation du même arrêt en date du 6 septembre 1999, rendu entre les mêmes parties ;

...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° F 99-45.389 formé par M. Tanguy X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt avant-dire droit rendu le 4 janvier 1999 et d'un arrêt au fond rendu le 6 septembre 1999 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), dans l'instance l'opposant à la société COGEMA, société anonyme, dont le siège est ...,

defenderesse à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° R 99-45.398 formé par la société COGEMA, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation du même arrêt en date du 6 septembre 1999, rendu entre les mêmes parties ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 octobre 2001, où étaient présents : M. Sargos, président, M. Waquet, conseiller doyen rapporteur, MM. Ransac, Chagny, Bouret, Lanquetin, Coeuret, Bailly, Chauviré, conseillers, M. Frouin, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, M. Richard de la Tour, Mme Andrich, MM. Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Waquet, conseiller doyen, les observations de Me Cossa, avocat de la société COGEMA, de la SCP Gatineau, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 99-45.389 et R. 99-45.398 ;

Attendu que M. X... a été mis à la retraite par son employeur, la société COGEMA, le 1er juillet 1990, à l'âge de 63 ans ;

qu'invoquant sa qualité de délégué syndical et de conseiller prud'homme, il a saisi la juridiction prud'homale et a soutenu que la mesure s'analysait en un licenciement nul ;

Sur le premier moyen du pourvoi de M. X... et le moyen unique du pourvoi de la COGEMA, réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 septembre 1999) d'avoir alloué au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des indemnités de rupture en déboutant M. X... de ses demandes au titre d'une perte sur indemnité de retraite, alors, selon les moyens :

1 / que les juges sont tenus de préciser les éléments sur lesquels ils ont fondé leur décision et d'analyser les pièces produites par les parties ; qu'en l'espèce, M. X... demandait réparation du préjudice subi notamment pour les sommes de 530 791 francs au titre d'une perte sur retraite et 30 330 francs au titre d'une perte sur indemnité de retraite ; qu'il versait à ce titre les justificatifs établissant que sa mise à retraite irrégulière requalifiée par les juges en licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'avait privé d'une retraite à taux plein ; qu'en se contentant d'affirmer que la cour d'appel a les éléments pour fixer à la somme de 250 000 francs le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sans nullement analyser les pièces produites par M. X..., ni préciser les éléments sur lesquels elle s'était fondée, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'un salarié protégé reconnu victime d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse doit être rétabli dans tous ses droits sans aucune exception tels qu'il en aurait bénéficié si son contrat de travail s'était normalement poursuivi jusqu'à l'extinction normale de la période de protection ; qu'en l'espèce, M. X... né le 4 janvier 1927 n'a eu 65 ans que le 4 janvier 1992, et ne réunissait au 1er juillet 1990 que 122 trimestres, si bien que sa mise à la retraite au 1er juillet 1990 ne lui a pas permis d'obtenir une pension de vieillesse à taux plein ; qu'il résulte des termes de l'arrêt que M. X..., salarié protégé jusqu'au 31 décembre 1992 au titre de ses mandats, a été reconnu victime d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, il était bien fondé à demander à être rétabli dans ses droits tels qu'il en aurait bénéficié si son contrat de travail s'était poursuivi jusqu'au 31 décembre 1992, date d'expiration de la période de protection et à bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, puisqu'il aurait eu 65 ans le 4 janvier 1992 ; que, pour le débouter de ses demandes de dommages et intérêts pour perte sur l'indemnité de départ à la retraite et sur le montant des retraites, la cour d'appel a retenu que les sommes accordées au titre du licenciement étaient exclusives de la réparation des pertes subies par l'absence de départ à la retraite à 65 ans ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a manifestement violé l'article L. 122-14-13, alinéa 3, du Code du travail ;

3 / que, dans ses conclusions d'appel, la société COGEMA, avait fait valoir que M. X... ne pouvait légitimement tenter de maîtriser le droit que l'employeur tenait de l'article L. 122-14-13 du Code de la sécurité sociale de décider sa mise en retraite, en refusant la validation de ses périodes de présence sous les drapeaux pendant la guerre d'Algérie ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / que le juge ne peut allouer à un salarié protégé licencié sans autorisation administrative une réparation complémentaire à la rémunération que celui-ci aurait perçue pendant la période de protection, qu'à la condition d'avoir examiné le comportement de l'intéressé pour rechercher s'il a commis une faute et si celle-ci est de nature à le priver des indemnités de préavis et de licenciement ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que M. X... avait formé un recours contre la décision d'attribution d'une retraite à taux plein eu égard à la validation de ses services militaires, la cour d'appel a considéré que ce salarié avait pu légitimement contester cette décision, même si cela ne servait pas les intérêts de la société COGEMA, ; qu'en décidant, malgré ces constatations qui établissaient un comportement fautif de ce salarié, de lui allouer les indemnités susvisées, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, ensemble les articles L. 122-6, L. 122-14-3, L. 122-14-4 et L. 122-14-13 du Code du travail ;

5 / que, lors de la décision d'attribution de la pension de retraite contre laquelle M. X... avait formé un recours et, a fortiori, lors de la mise en retraite, les périodes pendant lesquelles celui-ci avait été présent sous les drapeaux par suite d'une mobilisation ou comme volontaire en temps de guerre, étaient validées gratuitement et retenues en vue de l'ouverture du droit à pension ; qu'en considérant, au contraire, pour statuer comme elle l'a fait, que la validation de cette période d'activité militaire n'était pas, alors, de plein droit, la cour d'appel a violé les articles L. 351-3-4 et R. 351-12-6 du Code de la sécurité sociale ;

6 / que la simple immatriculation à la sécurité sociale avant l'accomplissement du service militaire suffit à justifier la prise en compte de la période militaire subséquente ; qu'ayant constaté que M. X... avait, après son service militaire, effectué diverses périodes de services militaires durant la guerre d'Algérie, la cour d'appel devait, ainsi qu'elle y était invitée, rechercher si celui-ci avait la qualité d'assuré social avant son appel sous les drapeaux, pour avoir exercé des activités salariées au sein de la Banque de Paris et des Pays-Bas de sorte que les services militaires étaient validables de plein droit ; qu'en considérant, sans procéder à cette recherche, que lesdites périodes ne présentaient pas un tel caractère, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 351-3-4 et R. 351-12-6 du Code de la sécurité sociale ;

7 / qu'avant de décider la mise en retraite d'un salarié dans le cadre de l'article L. 122-14-13 du Code de la sécurité sociale, il appartient à l'employeur d'apprécier si ce salarié remplit les conditions de retraite à taux plein, cela au vu des informations dont il peut disposer lui-même et, le cas échéant, en fonction des informations données à ce salarié sur le relevé fourni en application de l'article L. 161-17 du Code de la sécurité sociale ; que, dès lors, en déniant à la société COGEMA, la faculté d'apprécier le caractère assimilable des périodes de services militaires qui figuraient sur le curriculum vitae remis par M. X..., lors de son embauche, avant de décider la mise en retraite de celui-ci, la cour d'appel a violé le premier des deux textes susvisés ;

Mais attendu, d'abord, que la mise à la retraite d'un salarié protégé doit être autorisée par l'inspecteur du travail, et qu'à défaut, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul ;

Attendu, ensuite, qu'outre la sanction de la méconnaissance du statut protecteur, le salarié protégé, qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu, a le droit d'obtenir, non seulement les indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;

Et attendu que la cour d'appel, après avoir indemnisé le salarié pour la violation du statut protecteur, lui a alloué, alors qu'il ne demandait pas sa réintégration, des dommages-intérêts, dont il n'est pas allégué que le montant ne satisfait pas aux exigences minimales de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs des moyens, légalement justifié sa décision ; que les moyens sont mal fondés ;

Et sur le deuxième moyen de cassation du pourvoi de M. X... :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir pas tenu compte d'une double violation du statut protecteur de M. X..., et partant, d'avoir limité à 575 225 francs le montant de la demande accordée au titre de la violation du statut protecteur, alors, selon le moyen :

1 / que c'est à titre de sanction de sa méconnaissance du statut protecteur que l'employeur est condamné à payer au salarié protégé qu'il a licencié sans autorisation, une indemnité égale à la rémunération que ce dernier aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection ; qu'une telle somme accordée à titre de sanction de la méconnaissance du statut protecteur doit être accordée autant de fois qu'il y a eu violation de ce statut ; qu'en l'espèce, M. X... était doublement protégé au titre de son mandat syndical et de son mandat prud'homal si bien que l'employeur aurait dû requérir une autorisation de mise à la retraite à ce double titre, mais qu'il s'en est doublement abstenu ; qu'en ne condamnant néanmoins la COGEMA, à ne régler qu'une seule fois l'indemnité au titre de sanction de sa méconnaissance du statut protecteur, quand cette condamnation aurait dû être doublée, la cour d'appel a violé les articles L. 412-18 et L. 514-2, alinéa 2, du Code du travail ;

2 / que les juges ne peuvent sous couvert d'interprétation dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, au titre de la violation de son statut protecteur, M. X... demandait également la condamnation de la société COGEMA, au paiement de 90 825 francs représentant 3 mois de salaires supplémentaires pour tenir compte des pertes d'avancement, de primes diverses, prime de fin d'année, participation d'intéressement, et divers avantages de répartition du comité d'entreprise dont il aurait bénéficié s'il avait travaillé jusqu'à l'expiration de son statut protecteur ; que la cour d'appel a néanmoins cru pouvoir affirmer que M. X... ne demandait que la somme de 575 225 francs au titre du non-respect de sa période de protection ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a manifestement dénaturé les conclusions de M. X..., violant ainsi les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la sanction de la méconnaissance du statut protecteur, même lorsque cette violation est multiple, doit être au moins égale au montant des salaires dont le salarié a été privé depuis la date de son éviction jusqu'à la fin de la période de protection ;

Attendu, ensuite, que, sans dénaturer les conclusions, la cour d'appel a alloué au salarié le montant des salaires perdus qu'il demandait à titre de sanction de la méconnaissance du statut protecteur ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société COGEMA et de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille un.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 99-45389
Date de la décision : 13/11/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), 1999-01-04. cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), 1999-09-06


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 nov. 2001, pourvoi n°99-45389


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SARGOS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:99.45389
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