AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Marie-Josèphe X..., ès qualités de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Lordson, demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 septembre 1998 par la cour d'appel de Bourges (1re chambre civile), au profit :
1 / du receveur principal des Impôts d'Argenton-sur-Creuse, domicilié ..., comptable chargé du recouvrement , agissant sous l'autorité du directeur des services fiscaux de l'Indre et du directeur général des Impôts,
2 / du CGEA d'Orléans, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 octobre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Besançon, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Besançon, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché et Laugier, avocat de Mme X..., ès qualités, de Me Foussard, avocat du receveur principal des Impôts d'Argenton-sur-Creuse, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 15 septembre 1998), que la société Lordson (la société) a été mise en redressement le 29 août 1995, puis en liquidation judiciaires le 19 décembre suivant, Mme X... étant désignée en qualité de liquidateur ; que pour obtenir le paiement d'une créance fiscale née de la poursuite d'activité après le jugement d'ouverture de la procédure collective, le receveur principal des Impôts d'Argenton-sur-Creuse (le receveur) a délivré des avis à tiers détenteur à la banque Hervet, à la Lyonnaise de Banque ainsi qu'aux sociétés Lordson Distribution et Lordson Production, cessionnaires des actifs de la société ; qu'informé par notification au redevable d'avis à tiers détenteur, le liquidateur a saisi le juge de l'exécution d'une contestation de ces actes de poursuites ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré valables et fondés les avis à tiers détenteur délivrés par le receveur au préjudice de la société, de l'avoir débouté de sa demande en mainlevée de ces avis à tiers détenteur et dit que ceux-ci produiront leur plein et entier effet, alors, selon le moyen :
1 / que la saisie pratiquée au moyen d'avis à tiers détenteur ne peut être exercée qu'à l'encontre de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d'impôts ; que le débiteur, dont la mise en liquidation judiciaire a été prononcée, est désormais dessaisi de ses biens, qui ne lui appartiennent plus ; qu'en se fondant dès lors sur la seule mission de représentation du débiteur incombant au mandataire liquidateur afin de décider que les avis à tiers détenteur adressés aux banques et aux repreneurs et notifié à Mme X..., ès-qualités, étaient valables, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 262 du Livre des procédures fiscales et 152 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / que le liquidateur détient, à compter du jugement de liquidation, les sommes figurant à l'actif de la liquidation, non plus en tant que représentant du débiteur, mais en tant qu'organe de la procédure collective ; que, dès lors, l'arrêt, en retenant que du fait de la délivrance des avis à tiers détenteur litigieux à des banques et au repreneur, pris en leurs qualités de dépositaires de fonds, le moyen pris de l'absence (de qualité) de tiers du liquidateur ne présentait plus d'objet, l'arrêt a encore violé les articles L. 262 du Livre des procédures fiscales et 152 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les avis à tiers détenteur avaient été délivrés à la banque Hervet, à la Lyonnaise de Banque ainsi qu'aux cessionnaires des actifs de la société, dépositaires ou débiteurs de fonds appartenant au redevable, et que le liquidateur en avait reçu notification en qualité de représentant de celui-ci, la cour d'appel, qui n'avait pas à statuer sur le moyen inopérant dont fait état la seconde branche, a décidé à bon droit que ces avis à tiers détenteurs étaient valables ; que le moyen est sans fondement ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que le liquidateur fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1 / que les dispositions nouvelles de l'article 40, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, en leur rédaction résultant de la loi du 10 juin 1994, instituent une priorité de paiement des créances nées après le jugement d'ouverture à toutes les autres créances, à l'exception de celles garanties par un privilège spécial du Code du travail, des frais de justice, de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales ; que, dès lors, la cour d'appel, en l'état de ses constatations reprises du jugement entrepris et selon lesquelles les fonds dont disposait le liquidateur étaient insuffisants pour régler le passif privilégié, n'a pu retenir que la priorité de paiement ainsi instituée était inexistante au regard du transfert immédiat au profit de l'administration fiscale des fonds résultant de l'emploi de la procédure d'avis à tiers détenteur ; que l'arrêt a, dès lors, violé les articles 40, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 par fausse application, 86 et 49 de la loi du 9 juillet 1991 ;
2 / que ses conclusions d'appel faisaient valoir que l'ordre de priorité de paiement des créances visées à l'article 40 devait d'autant plus être respecté qu'étaient en concours uniquement des créanciers de l'article 40, confrontés à une insuffisance de fonds, et que telle était la situation de la créance du receveur principal ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, l'arrêt a entaché sa décision d'un défaut de motif, en violation des articles 455 du nouveau Code de procédure civile, 40, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, 86 et 49 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que la notification de l'avis à tiers détenteur avait un effet d'attribution immédiate des fonds détenus pour le compte du contribuable et fait ressortir que seul le receveur avait engagé une procédure d'exécution forcée, la cour d'appel, répondant aux conclusions invoquées, a justement décidé que le créancier qui a exercé le premier son droit de poursuite individuelle est le premier payé, peu important l'ordre de paiement établi par l'article 40, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1994 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X..., ès qualités aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille un.