AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Prisma presse, société en nom collectif, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 11 octobre 1999 par la cour d'appel de Paris (18ème chambre civile, section D), au profit de Mme Elia X..., demeurant ...,
défenderesse à la cassation ;
Mme X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 juillet 2001, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président et rapporteur, Mmes Lemoine-Jeanjean, Quenson, conseillers, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Roux-Cocheril, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Prisma presse, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme X..., engagée par la société Prisma press le 16 avril 1985 et y exerçant en dernier lieu les fonctions de chef de service actualités tourisme du magazine Femme actuelle, a été licenciée pour faute grave le 27 mai 1997 pour avoir utilisé ses fonctions afin de bénéficier à titre personnel, pendant ses congés du mois de mars 1997, d'une croisière organisée par l'un des annonceurs du magazine ; qu'elle a saisi la commission arbitrale des journalistes en vue de faire fixer le montant de l'indemnité de licenciement ainsi que la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par la société :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 11 octobre 1999) d'avoir décidé que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave alors, selon le moyen :
1 ) que la gravité de la faute commise par le salarié, si elle peut résulter de la répétition des faits reprochés, peut également découler d'un fait isolé, compte tenu de son importance ; qu'en déduisant l'absence de faute grave de la constatation selon laquelle le caractère répété de la faute n'est pas démontré, alors que la répétition du comportement n'est pas une condition nécessaire pour caractériser la faute grave, la cour d'appel a violé l'article L. 122-6 du Code du travail ;
2 ) que les faits reprochés au salarié ne doivent pas nécessairement avoir fait l'objet d'avertissements ou d'observations pour être pris en compte afin de caractériser une faute grave ; qu'en tirant argument de l'absence d'élément de nature à établir des observations ou mises en garde adressées à Mme X... au sujet d'un précédent voyage au Vietnam, pour en déduire que le caractère répété de la faute n'est pas démontré, la cour d'appel a encore violé l'article L. 122-6 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant relevé que la salarié avait bénéficié dans les mêmes conditions d'un voyage au Vietnam et que l'employeur, qui en avait eu connaissance, ne démontrait pas avoir fait des observations ou mises en garde, a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que l'agissement de la salariée ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par la salariée ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1 ) qu'il incombe au juge de se prononcer sur les documents, régulièrement versés aux débats et soumis à son examen ;
que, dans ses conclusions d'appel, Mme X... faisait valoir qu'une partie importante des journalistes collaborant pour son service attestaient, alors qu'ils étaient toujours en poste et continuaient de travailler pour la société Prisma presse, que c'était elle qui répartissait directement les reportages entre les différents jounalistes et que c'était encore elle qui se chargeait de l'organisation des voyages par l'intermédiaire des services de presse ; que les premiers juges ne pouvaient retenir comme attestations celles de la rédactrice en chef et de la rédactrice en chef adjointe qui devaient être considérées comme parties au procès et non témoins puisqu'elles avaient conduit l'entretien préalable et participé à la décision de licenciement de Mme X... ; que, dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait écarter la large autonomie dont disposait Mme X... en affirmant qu'il ressortait "des éléments produits" que les voyages à des fins professionnelles donnaient lieu à des demandes écrites visées pour accord par la direction et que les projets d'articles de voyage étaient soumis à une concertation préalable avec la rédactrice en chef ou son adjointe, sans violer les articles 1315 et 1353 du Code civil ;
2 ) que Mme X... versait encore aux débats un certain nombre de reportages publiés qu'elle avait effectués pendant ses congés payés et pendant ses week-ends sans que cela choque à l'époque la société Prisma presse, tels les reportages au Vietnam et au Japon qu'elle avait effectués pendant ses congés payés, qui avaient fait l'objet d'articles publiés dans les numéros 304, 585 et 667 ; que faute d'avoir pris en considération, encore, ces documents versés par l'intéressée aux débats, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant les éléments de preuve soumis à son examen, après avoir relevé que la salariée avait effectué la croisière en se situant hors du cadre professionnel et des règles en vigueur dans l'entreprise, a, usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, décidé que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille un.