AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société X..., société anonyme venant aux droits de la société anonyme établissements Y... et Z..., dont le siège est ... Fontenay-sous-Bois,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 juin 1999 par la cour d'appel de Paris (18e chambre civile, section A), au profit :
1 / de M. Pierre Z..., demeurant ...,
2 / de M. Odilon Y..., demeurant ... Charles de Gaulle, 94130 Nogent-sur-Marne,
3 / de Mme Thérèse Z..., épouse Y..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 juillet 2001, où étaient présents : M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Lanquetin, Bailly, conseillers, M. Frouin, conseiller référendaire, M. Kehrig, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Chagny, conseiller, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société X..., de la SCP Gatineau, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 juin 1999), que M. Z... est entré en 1961 au service de la société Y... et Z..., dont il est devenu ensuite associé et dont il a été nommé administrateur et directeur général en 1983, puis président du conseil d'administration en 1986 ; qu'en 1992, le capital de la société a été cédé aux consorts X... ; que M. Z... a démissionné de son mandat social le 1er avril 1992 ; que, prétendant avoir été salarié jusqu'au 30 juin 1992, il a saisi la juridiction prud'homale pour avoir paiement de diverses sommes à titre de salaire et d'indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société X..., qui vient aux droits de la société Desart et Z..., fait grief à l'arrêt, d'une part, de l'avoir condamnée à verser à M. Z... un rappel de salaire au titre des trois mois ayant suivi sa démission de son mandat social, ainsi que des indemnités de préavis, de congés payés sur préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, d'autre part, de l'avoir déboutée de son appel en garantie dirigé à l'encontre des anciens administrateurs de la société, alors, selon les moyens :
1 / que la cessation des fonctions techniques subordonnées emporte non la suspension du contrat de travail mais son absorption par le mandat social et sa cessation pure et simple ; que la cour d'appel, qui a constaté que la nomination de l'intéressé en qualité de président avait emporté cessation de sa prestation technique dans un lien de subordination, mais qui a retenu que cette nomination impliquait la suspension du contrat de travail, a violé l'article L. 121-1 du Code du travail ;
2 / que la cour d'appel, qui infirme à tort un jugement d'incompétence, ne statue pas valablement sur le fond de la demande concernée ; que la cour d'appel a infirmé à tort le jugement qui déclarait le conseil de prud'hommes incompétent puisque la demande visait le paiement de rémunérations dues en vertu d'une promesse d'achat d'actions et non d'un contrat de travail ; qu'en statuant au fond sur cette demande, la cour d'appel a violé l'article 79 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L. 511-1 du Code du travail ;
3 / que l'infirmation du jugement du chef de la compétence ne pouvait non plus se justifier par la chose jugée par le précédent arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 novembre 1994, rendu sur contredit dans la même affaire, puisque cette décision ne disait le conseil de prud'hommes compétent que sur les demandes salariales de M. Z... et ne préjugeait pas du caractère salarial de la demande concernant les rémunérations des mois d'avril à juin 1992 ; qu'en se fondant inexactement sur ce précédent arrêt pour statuer au fond sur la demande, la cour d'appel a violé l'article 79 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 86 du même Code ;
Mais attendu, premièrement, que lorsqu'un salarié, devenu mandataire social, a cessé d'être uni à la société par un lien de subordination, son contrat de travail est, sauf convention contraire, suspendu pendant le temps d'exercice du mandat social ; que la cour d'appel, devant laquelle il n'était ni démontré ni même prétendu que l'intéressé avait renoncé à son contrat de travail pendant le temps de son mandat social, a pu décider que la relation de travail avait été suspendue jusqu'à la démission du mandat social ;
Attendu, deuxièmement, que, contrairement aux affirmations de la seconde branche du second moyen, la cour d'appel ne s'est pas fondée sur son arrêt du 2 novembre 1994 pour statuer sur la demande de salaire de i'intéressé mais sur les éléments de fait et de preuve produits par les parties ;
Et attendu, troisièmement, que la cour d'appel, qui était saisie d'une demande de paiement d'un rappel de salaire et qui a relevé qu'en vertu des accords passés par les parties au moment de la cession du capital de la société aux consorts
X...
ces derniers s'étaient engagés à maintenir à l'intéressé sa rémunération pendant trois mois à compter de la cessation du mandat social, en a exactement déduit que des salaires étaient dus à M. Z... pour les mois d'avril, mai et juin 1992 ;
D'où il suit que la seconde branche du second moyen manque en fait et que le premier moyen et la première branche du second moyen ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société X... à verser à M. Z... la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille un.