Sur le moyen unique :
Attendu que le 25 avril 1996, les syndicats CFDT, CFTC, CGT et FO ont déposé auprès de la socité Brink's France un préavis de grève " de deux heures en fin de service, le matin à partir de 11 heures, et le soir, à partir de 16 heures, chaque jour... " ; que la direction de la société a décidé que les salariés, qui ne prendraient pas l'engagement d'effectuer leur entier service, ne pourraient " partir en ligne " ; que les syndicats ont alors saisi le Tribunal pour faire juger que le mouvement initié le 25 avril 1996 constituait l'exercice normal du droit de grève et qu'au contraire, les mesures de rétorsion étaient illégales ;
Attendu que la société Brink's France fait grief à l'arrêt confimatif attaqué (Paris, 26 mai 1999) d'avoir fait droit à cette demande, alors, selon le moyen :
1° que la grève est caractérisée par un arrêt de travail concerté, c'est-à-dire une cessation franche du travail décidée collectivement, en vue d'appuyer des revendications professionnelles ; qu'ainsi les formes d'actions consistant à ralentir les cadences ou à accomplir partiellement les taches ne relèvent pas de l'exercice normal du droit de grève ; que dès lors, en déclarant que la cessation du travail deux heures par jour en fin de service, qui se traduisait par des débrayages répétés, constituait un arrêt de travail licite, sans rechercher si ce mode d'action, par ses modalités consistant pour les salariés, sans information préalable de l'employeur, à prendre leurs fonctions et à assurer partiellement leurs tournées, exécutant ainsi de manière défectueuse leurs tâches, n'excluait pas la qualification de grève, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 521-1 du Code du travail ;
2° qu'en s'abstenant de rechercher, comme le faisait valoir la société Brink's France, si le mouvement n'avait pas dégénéré en abus, par la désorganisation totale de la société, qui ne pouvait gérer ses lignes et prévenir ses clients de l'absence de ramassage ou de dépôt, dès lors que " la cessation du travail de deux heures en fin de service le matin à partir de 11 heures et le soir à partir de 16 heures " n'était pas respectée par les salariés qui, en dehors de l'arrêt prématuré de l'activité, réalisaient de manière défectueuse leurs tournées en augmentant leur temps de chargement et de trajet de telle sorte qu'ils desservaient très peu de clients, qu'ils choisissaient délibérément parmi les moins importants afin de pénaliser plus gravement l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 521-1 du Code du travail ;
3° qu'en déclarant que les salariés n'avaient pas réalisé de manière défectueuse leurs prestations révélant ainsi leur volonté de nuire à leur employeur, sans répondre aux conclusions de la société Brink's France, selon lesquelles délibérément les convoyeurs allongeaient leur temps de trajet et desservaient les clients les moins importants, évitant soigneusement ceux signalés comme prioritaires par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4° qu'en prévoyant qu'" une cessation du travail de deux heures par jour en fin de service le matin à partir de 11 heures et le soir à partir de 16 heures " conduisait à une réduction de moitié des tournées de sorte qu'en réalisant six à sept dessertes sur les quatorze à vingt habituelles, les salariés grévistes avaient respecté le préavis, la cour d'appel a dénaturé les feuilles de route versées aux débats desquelles il résultait que les salariés, qui devaient à tout le moins desservir la moitié des clients, avaient desservi à peine 1/3 des points de ramassage, comportement qui établissait d'une part l'exécution volontairement défectueuse du travail et l'intention de nuire à l'employeur et, d'autre part, le non-respect des modalités de l'action, et ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;
5° qu'en déclarant que l'employeur aurait dû mettre en place des tournées réduites pour les salariés grévistes, sans répondre aux conclusions de la société Brink's France, selon lesquelles la mise en place de tournées courtes s'était avérée vaine dès lors que les équipages les amputaient également, en optant de la même manière pour les clients non prioritaires, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
6° qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir mis en place des tournées courtes sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société n'était pas dans l'impossibilité d'y recourir faute de connaître à l'avance les équipages grévistes, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 521-1 du Code du travail ;
7° que la perte de clientèle révèle la désorganisation de l'entreprise qui caractérise l'abus du droit de grève ; que dès lors, en constatant que la société Brink's France avait perdu de nombreux et importants clients et en écartant néanmoins la désorganisation de l'entreprise, révélatrice de l'abus, en raison du caractère limité de la perte " au regard des enjeux professionnels défendus ", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé l'article L. 521-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que les juges du fond, qui ont estimé, en appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve discutés devant eux, hors toute dénaturation, qu'il n'était pas établi que, pendant le travail effectué, les tâches étaient exécutées de manière défectueuse, ont ainsi répondu aux conclusions et ont exactement décidé qu'en cessant collectivement le travail à une heure déterminée à l'avance pour appuyer des revendications professionnelles, les salariés n'avaient fait qu'exercer le droit de grève ;
Attendu, ensuite, que procédant aux recherches nécessaires, les juges du fond ont constaté que la perturbation du service dont se plaignait l'employeur n'était que la conséquence normale de la limitation de la durée du travail du fait de la grève, et qu'aucune désorganisation de l'entreprise ne s'était manifestée, la société ayant eu la possibilité de réduire les tournées et d'informer sa clientèle des reports de convoyage des fonds ; qu'ils ont pu, dès lors, décider qu'aucun abus du droit de grève n'avait été commis ;
D'où il suit que le moyen, qui n'est fondé en aucune de ses branches, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.