AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Stéphano X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 14 mai 1998 par la cour d'appel d'Amiens (4e Chambre commerciale), au profit de la société civile professionnelle (SCP) Leblanc-Léhéricy-Herbaut, dont le siège est ..., prise en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société CMRS,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 juillet 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Aubert, conseiller rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Aubert, conseiller, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. X..., les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 14 mai 1998) de l'avoir condamné à payer les dettes de la société CMRS en liquidation judiciaire à concurrence de la somme de 500 000 francs, alors, selon le moyen :
1 / qu'après avoir constaté que la personne morale avait satisfait à toutes ses obligations comptables annuelles à la clôture du dernier exercice social complet, le 30 septembre 1992, la cour d'appel a reproché à son gérant d'avoir omis de procéder à l'enregistrement sur le livre-journal des opérations comptables entre cette date et le dépôt de bilan intervenu le 31 mars 1993 ; qu'en considérant que cette défaillance caractérisait, à elle seule, la faute de gestion de nature à permettre la condamnation de ce dirigeant au paiement des dettes sociales
la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 :
2 / que, dans ses conclusions d'appel, l'ancien gérant de l'entreprise de maçonnerie-carrelage en liquidation judiciaire, avait soutenu qu'il avait conservé toutes les pièces comptables permettant de vérifier les opérations jour par jour entre la date de clôture du dernier exercice social et la date du dépôt de bilan et fourni celles-ci au liquidateur ; qu'il avait offert en preuve, le rapport remis aux organes de la procédure ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, avant de considérer que le dirigeant s'était abstenu de tenir "toute comptabilité" pendant ladite période, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que, dans ses conclusions d'appel, M. X... avait également fait valoir que nonobstant l'absence d'enregistrement des opérations au jour le jour, entre la clôture du dernier exercice comptable et la date de déclaration de la cessation des paiements, il avait procédé aux déclarations fiscales et sociaies qui s'imposaient à la personne morale ; qu'il avait offert en preuve, le rapport remis aux organes de la procédure ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, avant de considérer que le dirigeant s'était abstenu de tenir "toute comptabilité" pendant ladite période, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu quappréciant souverainement les éléments de fait et de preuve et répondant par-là même aux conclusions invoquées, la cour d'appel a considéré que la comptabilité de l'entreprise n'a pas été tenue pendant les sept mois qui ont précédé la cessation d'activité et que cette faute a eu un effet sur l'insuffisance d'actif en privant l'entreprise d'un outil de gestion qui aurait permis à son dirigeant de connaître l'absence de rentabilité de l'entreprise et la nécessité de procéder à la déclaration de la cessation des paiements afin d'éviter une poursuite d'activité préjudiciable aux créanciers ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions du 4 février 1998, M. X... avait fait valoir que des créances de la société restaient à recouvrer et que la garantie hypothécaire donnée au Crédit foncier de France sur un bien appartenant à son père, à l'occasion d'un prêt de 300 000 francs accordé par cet établissement de crédit, permettrait d'apurer une partie de l'insuffisance d'actif de 990 873,33 francs alléguée par le liquidateur ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions avant de porter de 150 000 francs à 500 000 francs, le montant de la condamnation, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a répondu, en l'écartant au moyen tiré de la possibilité de recouvrer des créances de la société et qui n'était pas tenue de répondre au moyen inopérant tiré de l'effet d'une garantie donnée par le père de M. X..., laquelle était sans influence sur la détermination du montant de l'insuffisance d'actif, n'a fait qu'user du pouvoir qu'elle tient de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 devenu L. 624-3 du Code de commerce en statuant comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille un.