AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Banque de l'Economie - Crédit mutuel, dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 février 1998 par la cour d'appel de Colmar (1re Chambre civile, Section A), au profit de la société Honda France, dont le siège social est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 juillet 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Graff, conseiller référendaire rapporteur, M. Tricot, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Graff, conseiller référendaire, les observations de Me Capron, avocat de la Banque de l'économie - Crédit mutuel, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la société Honda France, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 17 février 1998), que la Banque fédérative du Crédit mutuel, aux droits de laquelle vient la Banque de l'économie - Crédit mutuel (la banque), s'est portée caution envers la société Honda France (le concédant) des engagements de la société Alliance automobile (le concessionnaire) à concurrence d'un montant de 1 000 000 francs ; que le concessionnaire ayant été mis en redressement judiciaire, le concédant a assigné la caution en paiement ;
que celle-ci a résisté en soutenant avoir été déchargée de son engagement par la restitution qui lui avait été faite de l'original de l'acte de cautionnement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la banque reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Honda la somme de 589 405,29 francs, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 1992, alors, selon le moyen :
1 / que le cautionnement s'éteint par la remise que le créancier fait à la caution de son obligation ; que la preuve de cette remise résulte, entre autres moyens, de la restitution, par le créancier, de l'instrument qui relate le cautionnement à la caution ; qu'en relevant que c'est la société concessionnaire, débiteur principal, et non pas le concédant, créancier, qui a restitué à la banque l'instrument qui relate le cautionnement de celle-ci, sans s'expliquer sur le titre juridique en vertu duquel le concessionnaire -dont elle constate que c'est lui qui a obtenu de la banque qu'elle souscrivît un cautionnement en faveur du concédant- se trouvait détenteur de l'acte qui relate ce cautionnement, et dans quelle qualité, dès lors, il l'a restitué à la banque, la cour d'appel a violé les articles 1234, 1282 et 2034 du Code civil ;
2 / que la révocation, par la caution, du cautionnement à durée indéterminée constitue une cause d'extinction du cautionnement distincte de la remise que le créancier fait à la caution de son obligation ;
qu'en énonçant, pour justifier sa décision sur les conséquences de la restitution de l'acte de cautionnement à la banque, que cette banque ne s'est pas conformée aux formalités contractuelles auxquelles la révocation du cautionnement par la caution se trouvait subordonnée, la cour d'appel a violé les articles 1234 et 2034 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a exactement énoncé que le cautionnement est un engagement pris par la caution à l'égard du créancier, le débiteur garanti n'étant pas partie à ce contrat, et que la restitution de l'original de l'acte par le débiteur ne saurait valoir libération de la caution ;
Attendu, d'autre part, que les motifs critiqués par la seconde branche répondent aux conclusions de la banque invoquant non pas la remise de l'obligation mais l'existence d'une sipulation pour autrui au profit du concédant, laquelle peut être librement révoquée par le stipulant avant que le bénéficiaire ne l'ait acceptée ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, est mal fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la banque fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en responsabilité civile qu'elle formait contre le concédant, alors, selon le moyen :
1 / que la partie qui créé l'apparence d'un contrat répond, à l'endroit des victimes de cette apparence, de tous les dommages dont elle a été la cause ; que la cour d'appel constate que le concédant n'a jamais été en possession de l'original de l'acte de cautionnement que la banque avait souscrit à son profit et que cet original est demeuré en possession du débiteur principal, le concessionnaire ; qu'en s'abstenant de dire si le concédant a, quand il s'est comporté de cette façon, commis une faute, et si cette faute, parce qu'elle a conduit la banque à croire que le concessionnaire pouvait, par la restitution de l'original de l'acte de cautionnement, lui remettre sa dette, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
2 / que la révocation, par la caution, du cautionnement à durée indéterminée constitue une cause d'extinction du cautionnement distincte de la remise que le créancier fait à la caution de son obligation ;
qu'en énonçant, pour établir qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la faute imputée au concédant et le préjudice subi par la banque, que cette banque, qui soutenait que sa dette lui avait été remise, ne s'est pas conformée aux formalités contractuelles auxquelles la révocation du cautionnement par la caution se trouvait subordonnée, la cour d'appel a violé les articles 1234 et 2034 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que si une imprudence légère peut être imputée à la société Honda France de n'avoir pas exigé l'original de l'acte, celle-ci n'est pas à l'origine du préjudice allégué, que le préjudice subi par la banque résulte uniquement et exclusivement de ce qu'elle a dénoncé son engagement sans en informer le créancier et s'est privé de la contre-garantie constituée par la société Alliance automobile en autorisant le débiteur à reprendre possession des fonds bloqués ; que par ces seuls motifs, d'où il résulte que la faute alléguée n'était pas établie ni le lien de causalité, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que sa décision rendait inopérante, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que les motifs critiqués par la seconde branche répondent aux conclusions de la banque invoquant non pas la responsabilité civile du concédant, mais l'existence d'une stipulation pour autrui ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, est mal fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Banque de l'économie - Crédit mutuel aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à la société Honda France la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille un.