AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Chauveau, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 septembre 1999 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale), au profit :
1 / de M. Christian Y..., demeurant 14, Landecote Lalande de Fronsac, 33240 Saint-André de Cubzac,
2 / de l'ASSEDIC du Sud-Ouest, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 juillet 2001, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, M. Texier, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Poisot, conseiller référendaire, M. Benmakhlouf, premier avocat général, M. Nabet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de Me Hémery, avocat de la société Chauveau, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Y..., engagé le 1er septembre 1981 en qualité de tôlier par la société Chauveau a été licencié, le 24 septembre 1992, pour faute grave pour "avoir effectué la peinture d'un véhicule client atelier (travail clandestin)" et avoir ainsi, par sa conduite, "mis en cause la bonne marche du service" ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 10 septembre 1999), en confirmant le jugement déféré en toutes ses dispositions, de l'avoir condamné à payer au salarié des sommes à titre de préavis, de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral et de lui avoir ordonné de rembourser à l'ASSEDIC dans les limites de six mois les indemnités de chômage versées au salarié et d'avoir débouté les parties de leurs plus amples demandes, alors, selon le moyen :
1 / que constitue une faute grave le fait pour un salarié, tôlier dans un garage, d'avoir effectué clandestinement, lors de ses congés, des travaux de peinture au profit d'un client de son employeur garagiste et à l'insu de ce dernier, en recopiant servilement des travaux de peinture très individualisés que le garage avait effectués spécialement et antérieurement pour un autre de ses clients habituels, qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, tout en reconnaissant la réalité de ces agissements fautifs, a jugé qu'ils ne constituaient pas une faute grave, au prétexte que le salarié avait 11 ans d'ancienneté et qu'il s'agissait d'un seul fait ponctuel, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé les articles L. 122-9 et suivants du Code du travail ;
2 / que, à tout le moins, ces agissements constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement, qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3, L. 122-14-4 et suivants du Code du travail ;
3 / que, en toute hypothèse, la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que "M. Y... a bien prêté son concours à des travaux exécutés en dehors de l'entreprise alors que celle-ci aurait été à même de les effectuer si M. X... les lui avait commandés", dès lors que l'employeur avait soutenu que, ce faisant, le salarié avait commis un détournement de clientèle puisque M. X... était client de la société, copié servilement des couleurs choisies par un autre client de la société (SARL Manta), manqué à la discipline des salariés auquel il était interdit de faire des travaux pour le compte de tiers et exécuté des travaux nuisant gravement à la santé (peinture au pistolet) en dehors des règles d'hygiène et de sécurité, ce qui était de nature à engager la responsabilité de l'employeur en cas de maladie ou d'accident, et, par-là même, il appartenait à la cour d'appel de rechercher si les faits constatés ne constituaient pas autant des manquements de nature à mettre en cause la bonne marche du service, et à justifier le qualificatif de faute grave, que l'arrêt manque de base légale au regard des articles L. 122-9, L. 122-14-3, L. 122-14-4 et suivants du Code du travail, qu'il incombait à tout le moins à la cour d'appel de répondre aux moyens précis exposés par l'employeur, que l'arrêt entaché d'un défaut de réponse à conclusions viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé qu'il était reproché au salarié d'avoir pendant ses jours de congés payés, aidé un client de l'entreprise à repeindre un camion avec de la peinture préalablement achetée à l'employeur, la cour d'appel a retenu qu'il s'agissait d'un seul fait ponctuel reproché à un salarié ancien dans l'entreprise ; qu'elle a pu décider, sans encourir les griefs du moyen, que le comportement du salarié n'était pas de nature à rendre impossible le maintien de ce dernier dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave, ni une faute suffisamment sérieuse pour justifier le licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Chauveau aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille un.