AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Ambroise Bouvier transports, société anonyme, dont le siège est route nationale 12, Mégaudais, Saint-Pierre-des-Landes, 53500 Ernée,
en cassation d'un jugement rendu le 31 mars 1999 par le conseil de prud'hommes de Laval (section commerce), au profit de M. Raymond X..., demeurant ...,
défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 juillet 2001, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Poisot, conseiller référendaire rapporteur, M. Texier, Mme Lemoine Jeanjean, conseillers, M. Benmakhlouf, premier avocat général, M. Nabet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Poisot, conseiller référendaire, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Ambroise Bouvier transports, les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu qu'à la suite du conflit intervenu en novembre 1996 dans le secteur des transports routiers, aucun accord n'a pu intervenir sur les revendications du personnel concernant les salaires ; que, néanmoins, les organisations patronales UFT et UNOSTRA ont signé, le 3 décembre 1996, une déclaration commune recommandant aux entreprises de verser une indemnité d'un certain montant à l'ensemble des conducteurs routiers de véhicule de plus de 3,5 tonnes, affectés à des activités de transport de marchandises ou de déménagement, selon des modalités précisées dans cette déclaration ; que M. X..., employé en qualité de chauffeur routier par le société Transports Maurice Bouvier, a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement de cette indemnité ;
Attendu que l'employeur fait grief au jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Laval, 31 mars 1999) d'avoir fait droit à la demande du salarié, alors, selon le moyen :
1 ) qu'en date du 3 décembre 1996, I'UFT a émis une recommandation visant le versement d'une indemnité d'un montant de 3 000 francs à l'ensemble des conducteurs routiers de véhicules de plus de 3,5 tonnes et affectés à des activités de transport de marchandises ou de déménagement ; que, dans une lettre à ses adhérents en date du 21 avril 1997, I'UFT a précisé cette recommandation en ces termes : "II convient d'insister sur le fait qu'on ne se trouve pas, ici, dans le contexte général dans lequel des recommandations patronales sont diffusées et au regard duquel il leur est parfois conféré un caractère contraignant... Plus encore, à la suite de la diffusion de la recommandation patronale du 3 décembre 1996 relative à l'indemnité de 3 000 francs".. ce sont les organisations syndicales qui ont proposé un accord conventionnel dans les termes de la recommandation patronale à la signature des organisations professionnelles. Les organisations professionnelles ont refusé de procéder à la signature de cet accord conventionnel semblable, sur le fond et dans sa rédaction, à leur recommandation, marquant ainsi leur volonté de ne pas lui attacher un caractère impératif... Les organisations professionnelles ont démontré sans conteste que, contrairement aux dispositions visant à trouver des solutions d'apaisement dans les entreprises à l'occasion de la fin du conflit, elles n'avaient pas compte tenu de son objet et des situations contrastées dans les entreprises, la volonté de donner un caractère impératif à leur recommandation relative au versement d'une indemnité de 3 000 francs.. Tout au contraire, elles entendaient par là que les entreprises conservent leur totale liberté dans l'appréciation de l'opportunité du versement, ou non. de l'indemnité ... La diversité et la disparité des situations interdisaient une mesure de portée générale et obligatoire. Dans certains cas, l'indemnité pouvait compenser une perte de rémunération et/ou une perte de frais de déplacement, dans d'autres les désagréments rencontrés, pour d'autres enfin elle était sans objet. La recommandation patronale prend, à cet égard, tout son sens en laissant au chef d'entreprise le soin d'apprécier l'opportunité du versement ou du non versement de l'indemnité" ; qu'il s'ensuit que, le caractère obligatoire ou non d'une recommandation patronale dépendant de la volonté de l'organisation patronale qui l'émet, viole l'article 1134 du Code civil, le jugement attaqué qui considère que la recommandation précitée aurait un caractère impératif pour la société des transports Maurice Bouvier et alors,
2 ) que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure Civile, le jugement attaqué qui retient le caractère impératif pour la société des transports Maurice Bouvier de la recommandation patronale UFT du 3 décembre 1996, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions de ladite société invoquant la lettre du 13 décembre 1996 de l'organisation patronale dans laquelle son signataire indiquait "Je ne peux pas me substituer à la décision que chacun d'entre vous est appelé à prendre au regard de cette recommandation" ;
Mais attendu que constitue une recommandation patronale une décision unilatérale d'un groupement ou d'un syndicat d'employeurs qui s'impose à tous ses adhérents ;
Et attendu que le conseil de prud'hommes, qui, analysant la déclaration litigieuse du 3 décembre 1996, a relevé que l'employeur avait reconnu être adhérent des organisations patronales ayant émis cette déclaration, qu'elle était intervenue après l'échec de tout accord entre les partenaires sociaux sur la question des salaires, qu'elle avait été diffusée à l'ensemble des entreprises adhérentes et que les termes utilisés étaient clairs et précis en ce qui concerne le montant de l'indemnité et les modalités détaillées de son versement, a exactement décidé qu'elle avait un caractère obligatoire et constituait une recommandation patronale ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ambroise Bouvier transports aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Ambroise Bouvier transports à payer à M. X... la somme de 2 000 francs ou 304,90 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille un.