AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1/ M. Gilles X... et M. Pierre Y..., mandataires de justice, domiciliés..., 06250 Mougins, agissant en qualité d'administrateurs provisoires de l'étude de M. C. Maxime Z..., habilités comme tels à exercer le mandat de justice décerné à M. Z...,
2/ M. Philippe A..., demeurant ..., 06130 Grasse,
3/ M. C. Maxime Z..., mandataire de justice, domicilié..., 06250 Mougins, agissant en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société à responsabilité limitée Aux Ouvriers réunis,
en cassation d'un arrêt rendu le 21 janvier 1999 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre civile), au profit du Crédit commercial de France (CCF), société anonyme, dont le siège est 103, avenue des Champs-Elysées, 75419 Paris Cedex 08, ayant aussi établissement 2, La Croisette, 06400 Cannes,
défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 juillet 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Collomp, conseiller rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de MM. X... et Y..., ès qualités, de M. A... et de M. Z..., ès qualités, de la SCP Vier et Barthélemy, avocat du Crédit commercial de France (CCF), les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 janvier 1999), que la société Les Ouvriers réunis, qui exploitait un fonds de commerce de concession automobile, avait ouvert auprès du Crédit commercial de France un compte courant dont le solde était constamment débiteur depuis 1987 ; qu'estimant que le montant de l'autorisation verbale de découvert bénéficiant à sa cliente était limité à 150 000 francs, le Crédit commercial de France a rejeté, à compter du 6 février 1990, des effets pour défaut de provision et notamment trois chèques, représentant au total une somme d'environ 80 000 francs, que la société Les Ouvriers réunis avait émis au profit de la société concédante, laquelle, excipant de cet incident et d'un autre manquement contractuel de la société concessionnaire, a résilié, le 19 février 1990, le contrat de concession qu'elle venait de renouveler ; que la société Les Ouvriers réunis a été déclarée en redressement puis en liquidation judiciaires le 20 mars 1990 ; que les organes de la procédure collective ont engagé une action en responsabilité contre l'établissement de crédit en lui reprochant d'avoir rompu abusivement son crédit ;
Attendu que le liquidateur judiciaire fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le moyen :
1/ que le banquier ayant provision a l'obligation de payer les chèques qui lui sont présentés ; que l'ouverture de crédit constitue une provision valable ; qu'il s'ensuit que l'arrêt, qui constate lui-même que le rejet par la banque de tous les chèques présentés au paiement était abusif car résultant d'une réduction brutale de l'ouverture de crédit consentie ne pouvait dénier la responsabilité de la banque dans le défaut de paiement des trois chèques litigieux, susceptibles par leur montant d'être couverts par la provision, sans constater qu'effectivement la banque aurait été fondée à les rejeter ; qu'il a ainsi entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 65 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;
2/ que l'arrêt attaqué rappelle lui-même qu'à la date du rejet des chèques (8 février 1990), la société " avait obtenu la veille le renouvellement de son contrat de concession par la société General Motors " ; qu'il ne pouvait, dès lors, dénier tout lien de causalité entre le rejet des chèques et la résiliation du contrat de concession intervenu le 19 février 1990, consécutivement au rejet des chèques par la banque ;
qu'ainsi l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
3/ que l'arrêt rappelle encore que la lettre de résiliation du contrat de concession faisait expressément état du non-paiement des chèques en cause ; qu'il ne pouvait, en conséquence, au prétexte que cette lettre n'établissait aucune hiérarchie entre les deux causes invoquées, dénier toute responsabilité de la banque dans la résiliation du contrat de concession ; qu'ainsi, l'arrêt n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et ainsi entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir décidé, dans un motif qui n'est pas critiqué par le pourvoi, que le montant du découvert verbal accordé à la société Les Ouvriers réunis s'était établi, non pas à la somme de 150 000 francs comme prétendu par le Crédit commercial de France, mais à celle de 250 000 francs et en avoir déduit que ce dernier avait commis une faute en rejetant, sans préavis, à partir du 6 février 1990, les effets dont la provision était constituée dans cette limite, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a relevé que les trois chèques litigieux n'étaient pas identifiés avec précision et qu'il était impossible de déterminer avec certitude s'ils faisaient partie de ceux qui avaient été rejetés à tort ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résultait que le liquidateur de la société Les Ouvriers réunis n'avait pas démontré, ainsi qu'il en avait la charge, que l'état du compte de son administrée aurait permis le paiement des chèques litigieux à la date de leur présentation, sans dépassement du découvert autorisé tel que déterminé par l'arrêt, et que leur rejet avait constitué une rupture de la convention verbale de crédit bénéficiant à celle-ci et non pas un refus justifié d'augmenter les facilités dont elle avait bénéficié jusqu'alors, la cour d'appel, en estimant que la faute imputée au Crédit commercial de France relativement au rejet de ces trois effets n'était pas établie, a tiré les conséquences légales de ses constatations ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel ayant retenu que la faute alléguée n'était pas démontrée, sa décision se trouve justifiée par ce seul motif, abstraction faite du motif erroné, mais surabondant, relatif au lien de causalité dont font état les deuxième et troisième branches du moyen ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ès qualités, M. X... et M. Y... agissant en qualité d'administrateurs provisoires de M. Z..., agissant lui-même en tant que liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Aux Ouvriers réunis, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du Crédit commercial de France (CCF) ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille un.