AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Maison Balland Brugneaux, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 1er juin 1999 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale), au profit :
1 / de M. Pascal X..., demeurant ...,
2 / de l'ASSEDIC du Sud-Ouest, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 juin 2001, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Frouin, conseiller référendaire rapporteur, MM. Chagny, Lanquetin, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Frouin, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la Maison Balland Brugneaux, de Me Guinard, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé en 1972 par la société Balland Brugneaux, a été licencié le 2 novembre 1995 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt atttaqué (Bordeaux, 1er juin 1999) de l'avoir condamnée à payer au salarié diverses sommes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen
:
1 / que le déplacement de Bordeaux à Paris du centre de rattachement d'un salarié dont le contrat prévoit, s'agissant du lieu de travail, des déplacements réguliers dans toute la région centre-ouest de la France ne constitue pas une modification du contrat de travail, dès lors qu'en outre le salarié s'est parallèlement vu mettre à sa disposition les moyens informatiques et télématiques le dispensant de se rendre à son nouveau centre de rattachement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-4 et L. 321-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
2 / que la modernisation de l'entreprise par la voie, notamment, de son informatisation et de la création d'un téléphone vert s'analyse en une mutation technologique qui constitue, à elle seule, un motif économique justifiant une modification du contrat de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que la prétendue modification du contrat de travail du salarié était consécutive à une modernisation de l'entreprise essentiellement due à l'informatisation de celle-ci (cf. conclusions d'appel, p. 3, al. 1 et 4, ai. 2) ; qu'en se bornant à retenir que la modernisation de l'entreprise invoquée par l'employeur dans la lettre de licenciement n'était justifiée ni par la sauvegarde de la compétitivité du secteur ni par des difficultés économiques, sans rechercher si elle n'était pas consécutive à une mutation technologique justifiant à elle seule le licenciement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;
3 / que la lettre de licenciement énonçait plusieurs griefs d'insubordination à l'encontre du salarié, dont certains n'étaient pas liés à son refus d'exécuter son contrat de travail aux nouvelles conditions ; qu'il était reproché, en particulier, au salarié de ne plus faire aucun compte rendu de son activité à son supérieur hiérarchique et de le priver ainsi de toute information sur ses contacts et ses visites à la clientèle ; qu'un tel acte d'insubordination de la part du salarié, qui avait toujours eu l'obligation de rendre compte à ses supérieurs, était de nature à justifier à lui seul le licenciement ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce grief, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, au vu de la lettre de nomination du salarié, que celui-ci avait été affecté en qualité de chef de région à la direction régionale de Bordeaux qui constituait son lieu de travail ; qu'elle en a justement déduit que la mutation du salarié à Paris décidée par l'employeur constituait, en l'absence de clause de mobilité, une modification de son contrat de travail ;
Et attendu qu'ayant exactement retenu que le refus du salarié de poursuivre l'exécution de son contrat de travail aux nouvelles conditions unilatéralement imposées par l'employeur n'avait pas un caractère fautif et ne pouvait caractériser le grief d'insubordination énoncé dans la lettre de licenciement, la cour d'appel, qui a relevé que le salarié avait été privé par l'employeur des moyens d'exercer normalement ses fonctions et que les autres griefs d'insubordination n'étaient donc pas établis, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Maison Balland Brugneaux aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Maison Balland Brugneaux à payer à M. X... la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé et signé par M. Chagny, conseiller le plus ancien, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile en son audience publique du trois octobre deux mille un.