AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Electricité de France (EDF), service national dont le siège social est ..., et ayant une unité ...,
2 / la compagnie Axa global risks, société anonyme venant aux droits de l'Union des assurances de Paris (UAP), dont le siège social est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 25 mars 1999 par la cour d'appel de Riom (1re Chambre civile), au profit :
1 / de M. Georges Y..., demeurant ...,
2 / de la compagnie Axa assurances, région Rhône-Alpes Auvergne, dont le siège social est Immeuble Les Berges du Rhône, ...,
défendeurs à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 juillet 2001, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Gridel, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Gridel, conseiller, les observations de la SCP Defrenois et Levis, avocat d'Electricité de France et de la compagnie Axa global risks, de Me Odent, avocat de M. Y... et de la compagnie Axa assurances, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, lors d'un orage survenu dans la nuit du 10 juin 1993, un incendie endommageait gravement l'immeuble de M. Y..., assuré auprès d'Axa assurances ; que, à la demande de cette compagnie, le juge des référés chargeait un expert de rechercher les causes du sinistre ; que celui-ci, M. X..., retenant la chute de la foudre sur le réseau EDF et le transit de la surtension provoquée, concluait à la responsabilité de l'établissement public ; que, par jugement du 27 avril 1995, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand déboutait EDF d'une demande de contre-expertise et entérinait le rapport de M. X... ; que l'appel de l'établissement public était déclaré irrecevable par la cour d'appel de Riom le 23 mai 1996, le jugement ainsi déféré ne se prononçant en rien sur la responsabilité recherchée ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :
Attendu qu'EDF fait grief à la décision attaquée (Riom, 25 mars 1999) de l'avoir condamnée à réparer le dommage, aux motifs que le rapport de l'expert, discuté dans le jugement l'ayant homologué et revêtu de l'autorité de chose jugée, ne saurait être remis en question quant aux causes et circonstances du sinistre, alors qu'elle ne pouvait, sans violer les articles 1351 du Code civil et 480 du nouveau Code de procédure civile, opposer le jugement dont s'agit, lequel : 1 / était intervenu entre parties différentes, ayant mis aux prises seulement l'établissement public et la victime ; 2 / ne tranchait, dans son dispositif, aucune partie du principal ; 3 / avait été déclaré pour cette même raison insusceptible d'appel par arrêt de la même Cour le 23 mai 1996 ;
4 / s'était borné, en homologuant le rapport d'expert, à s'en approprier les motifs ;
Mais attendu que, indépendamment d'une référence, certes erronée mais inopérante, à la prétendue autorité de chose jugée d'un rapport d'expertise, fût-il entériné, l'arrêt énonce avoir considéré les conclusions d'appel d'EDF quant aux causes et circonstances du sinistre et avoir suscité la réponse de l'expert ; que, se référant ensuite aux constatations et hypothèses faites par lui dans son rapport, l'arrêt en déduit lui-même, par une appréciation souveraine des preuves produites, qu'elles démontrent la responsabilité d'EDF dans la survenance du sinistre ; que, par ces motifs propres, l'arrêt est légalement justifié ;
Sur la cinquième branche :
Attendu que, en énonçant qu'il résulte du rapport que la surtension "a nécessairement transité par le réseau EDF", l'arrêt aurait, en violation de l'article 1134 du Code civil, dénaturé ses termes clairs et précis, desquels il résultait expressément que la preuve d'un tel transit n'était pas rapportée ;
Mais attendu que l'expert, au terme d'un examen scientifique l'ayant conduit à envisager quatre hypothèses, puis à rejeter techniquement les trois premières, écrit, appuyé sur des indices concordants, que la quatrième est à retenir et que, sans pouvoir en apporter la preuve formelle, il estime ainsi, pour sa part, et à deux reprises, que la foudre, ou la surtension provoquée par la foudre, a transité par le réseau EDF ; que le grief, qui conteste le pouvoir du juge d'apprécier souverainement les preuves produites, ne peut être accueilli ;
Et sur la sixième branche :
Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt d'avoir déduit la responsabilité d'EDF de ce que "l'arc électrique qui a entretenu l'incendie tout en entravant l'action des pompiers a été maintenu pendant plus d'une heure", sans autre précision, s'abstenant ainsi de justifier légalement sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que les juges ont relevé, d'abord, que la surtension provoquée par la foudre avait nécessairement transité par le réseau EDF sans provoquer le déclenchement des disjoncteurs au poste transformateur, puis conclu que la responsabilité d'EDF devait être retenue sur le fondement de son obligation de sécurité ; que ces constatations rendent le grief mal fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Electricité de France et la compagnie Axa global risks aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande d'Electricité de France et de la compagnie Axa global risks ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille un.