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05/07/2001 | FRANCE | N°99-11520

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 juillet 2001, 99-11520


Donne acte à la société AGF marine, aviation, transport de ce qu'elle vient aux droits de la Société mutuelle d'assurances aériennes et des associations (SM3A) et reprend l'instance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 décembre 1998), que MM. X... et Henry ont effectué un vol de jour, d'Ambérieu-en-Bugey à Mionnay, à bord d'un appareil ultra-léger motorisé (ULM) appartenant à la société ULM concept (la société) ; que, vers 19 heures 30, l'appareil, après avoir décollé pour regagner sa base, s'est mis en descente avec le moteur à pleine puissance, puis a amor

cé à l'aplomb de la piste une ressource au cours de laquelle différents éléme...

Donne acte à la société AGF marine, aviation, transport de ce qu'elle vient aux droits de la Société mutuelle d'assurances aériennes et des associations (SM3A) et reprend l'instance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 décembre 1998), que MM. X... et Henry ont effectué un vol de jour, d'Ambérieu-en-Bugey à Mionnay, à bord d'un appareil ultra-léger motorisé (ULM) appartenant à la société ULM concept (la société) ; que, vers 19 heures 30, l'appareil, après avoir décollé pour regagner sa base, s'est mis en descente avec le moteur à pleine puissance, puis a amorcé à l'aplomb de la piste une ressource au cours de laquelle différents éléments de la voilure se sont déchirés et arrachés, provoquant la dislocation progressive de l'aile supérieure et la chute en vrille de l'appareil qui s'est écrasé sur le terrain, avec ses deux occupants, mortellement atteints ; que la société a fait assigner devant le tribunal de grande instance les ayants cause de M. X... et leur assureur, la Société mutuelle d'assurances aériennes et des associations (SM3A), en réparation de son préjudice matériel ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la SM3A, aux droits de laquelle est venue la société AGF marine, aviation, transport, et les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré M. X... responsable de l'accident, dit que la SM3A devait sa garantie, condamné in solidum la SM3A avec les consorts X... à payer une somme à M. Y..., ès qualités de mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de la société propriétaire de l'ULM, en réparation du préjudice subi par cette société, et condamné la SM3A à relever et garantir les consorts X... des condamnations prononcées à leur encontre, alors, selon le moyen :

1° que, s'il résulte de l'article 4.1.1.2 de l'arrêté du 24 juillet 1991 et des règles de l'air que le commandant de bord est responsable de l'application des règles de l'air à la conduite de son aéronef, il ne résulte en revanche d'aucun texte que la personne placée à l'avant de l'appareil est présumée être commandant de bord ; que la responsabilité d'un pilote ne doit dès lors être retenue qu'en raison d'une faute prouvée de celui-ci ; que, pour retenir la responsabilité de M. X..., les juges d'appel se sont exclusivement fondés sur le fait qu'il devait être réputé commandant de bord de l'aéronef de par son installation à l'avant de l'appareil, tout en relevant que l'ULM était à double commande à l'avant et à l'arrière ; qu'ainsi, sans dégager la faute personnelle que M. X... aurait commise, mais en relevant au contraire qu'il n'était pas possible de déterminer l'identité du pilote à l'origine des fautes mises en évidence par l'expert, la cour d'appel de Lyon a violé l'article 1382 du Code civil ;

2° que, pour écarter la responsabilité du propriétaire de l'ULM, la société ULM concept, les juges du fond se sont bornés à énoncer que celle-ci en avait perdu la garde et que l'usage, la direction et le contrôle en avaient été exercés par M. X... ; qu'en n'exposant cependant pas en quoi le propriétaire aurait été dépossédé des attributs de la garde de l'aéronef, la cour d'appel de Lyon a privé l'arrêt attaqué de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1, du Code civil ;

3° que les consorts X... avaient fait valoir que l'accident pouvait être dû à une défaillance technique, en soulignant qu'aucune explication technique n'avait été donnée à la présence du karman de liaison des ailes et d'un saumon d'une aile supérieure très en amont de la piste d'atterrissage, que si l'accident avait été dû à une erreur humaine, les différentes parties de l'aile supérieure auraient été découvertes bien en aval de la piste ; que la cour d'appel, qui a imputé l'accident à la faute d'un des pilotes sans s'expliquer sur ces conclusions :

- n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

- a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

4° que les consorts X... faisaient valoir que l'aéronef utilisé avait été testé avec succès à 6 G et que, compte tenu de la description du vol, cet appareil, qui venait de décoller, n'avait pas franchi la limite maximale testée dont s'agit et que les documents techniques ne mentionnaient aucune mise en garde sur les facteurs de charge ; que la cour d'appel, pour retenir la responsabilité de Jean-Pierre X... et écarter celle de la société ULM concept pour ne pas avoir informé des limites d'utilisation de l'appareil, a retenu que Jean-Pierre X..., associé de cette société, avait participé à la conception de l'ULM dont il devait connaître les possibilités et les caractéristiques ; qu'en se fondant sur cette affirmation générale, sans s'expliquer sur le succès du test invoqué par les consorts X..., la cour d'appel :

- n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

- a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'un pilote a fait preuve de négligence ou imprudence au sens des règles de l'air applicables, d'une part, en faisant dépasser à l'appareil la vitesse maximale permise, d'autre part, en amorçant une ressource à grande vitesse sans réduction préalable de la puissance ; que cependant l'expertise n'a pas permis de déterminer si ces deux fautes ont été commises par le même pilote et qui des deux occupants de l'appareil à double commande était à l'origine de l'une ou l'autre faute ; qu'il est établi que M. X... a occupé la place avant de l'ULM, qu'il était en conséquence réputé pilote commandant de bord selon l'expert, dont les conclusions sont corroborées par les auditions de diverses personnes ayant assisté au départ de l'aéronef et par les caractéristiques de l'appareil dont l'indicateur de vitesse n'était aisément lisible que depuis le siège avant ; qu'en conséquence, quel que fût l'auteur de l'erreur de pilotage, M. X... était responsable de la conduite et de la sécurité du vol, au sens des dispositions de l'article 4.1.1.2 de l'arrêté du 24 juillet 1991, qui rejoignent celles des règles de l'air libellées dans les termes suivants : " Le commandant de bord d'un aéronef, qu'il tienne ou non les commandes, sera responsable de l'application des règles de l'air à la conduite de son aéronef " ;

Et attendu que l'arrêt relève que, pour exonérer M. X... de sa responsabilité, les consorts X... ne peuvent valablement soutenir qu'il serait manifeste que le pilote n'avait pas préalablement connaissance des possibilités aérodynamiques de l'appareil ; qu'en effet, M. X..., associé de la société propriétaire de l'appareil, avait participé à la conception de l'ULM dont il devait connaître les possibilités et les caractéristiques ; qu'avant de prendre la place de commandant de bord, il lui appartenait de s'assurer qu'il était bien compétent pour piloter et de suivre scrupuleusement les consignes de conduite de l'ULM indiquées dans le manuel utilisateur dont il devait se munir et prendre connaissance ; que la SM3A ne rapporte pas la preuve que les caractéristiques de l'ULM n'auraient pas correspondu à celles portées dans le " manuel utilisateur " produit, alors que l'expert n'a fait aucune remarque à ce titre, qu'il a précisé que le constructeur de l'appareil avait établi le manuel réglementairement exigé, comportant les limitations prévues, que la brigade de gendarmerie a conclu que l'aéronef était apte au vol et bénéficiait d'une autorisation de vol ; qu'aucun certificat de navigabilité n'est exigé pour un ULM monoplace ou biplace comme en l'espèce ; que la présence de deux personnes à bord et l'absence de certificat de navigabilité ne sauraient constituer des fautes de la société, à laquelle il ne peut être davantage reproché de ne pas avoir fourni l'exemplaire de formulaire du dossier technique exigé en cas de construction en série, l'appareil en cause étant un prototype ; qu'aucune faute à l'origine de l'accident ne peut être reprochée à la société et que celle-ci ayant perdu la garde de l'aéronef, dont l'usage, la direction et le contrôle étaient exercés par M. X..., sa responsabilité ne saurait non plus être recherchée sur le fondement de l'article 1384 du Code civil ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a pu déduire qu'en n'ayant pas respecté ou en n'ayant pas fait respecter les règles de l'air applicables, M. X... avait commis une faute engageant sa seule et entière responsabilité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu que la SM3A fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1° que, au titre de l'exclusion de garantie tirée de l'application de l'article 5C.2 des conditions générales de la police d'assurance concernant les infractions avec la réglementation des vols, la SM3A avait exposé, en premier lieu, que le commandant de bord, en violation de l'article 3.1.1 de la réglementation de la circulation aérienne (RCA), avait conduit son aéronef d'une façon négligente ou imprudente, s'était mis en léger piqué alors qu'il n'avait pas atteint le niveau minimal et avait conservé le moteur à gaz à fond, ce qui lui faisait dépasser la vitesse maximale autorisée, et, en second lieu, que le commandant de bord n'avait pas respecté l'article 4.5 de la RCA puisque, lorsqu'il avait fait sa prise d'altitude après le décollage, il avait entrepris une manoeuvre non indispensable à la bonne conduite de l'aéronef, le faisant passer en-dessous de la hauteur réglementaire entreprenant un léger piqué qui l'avait emmené à une hauteur variant entre 50 et 100 mètres du sol, et que, compte tenu de la vitesse à laquelle il volait et de l'axe sur lequel l'appareil évoluait, cette manoeuvre ne pouvait en aucun cas constituer une manoeuvre préalable à l'atterrissage ; que les juges d'appel se sont contentés d'énoncer qu'aucune clause d'exclusion de garantie ne pouvait jouer, sans cependant justifier leur décision au regard de ce moyen ; que l'arrêt attaqué est de ce fait entaché d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

2° qu'en tout état de cause, en retenant que l'exclusion de garantie ne pouvait jouer pour les erreurs de pilotage retenues à l'encontre de M. X... qui n'étaient, selon elle, ni intentionnelles ni dolosives, la cour d'appel a dénaturé les clauses claires et précises de l'article 5C.2 des conditions générales de la police d'assurance de M. X... qui prévoyaient, au titre de l'exclusion de garanties, que le vol ne devra pas être entrepris ou poursuivi en infraction à la réglementation concernant les conditions de vol et les qualifications qui s'y trouvent attachées ; qu'elle a donc violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que M. X... avait souscrit auprès de la SM3A une police garantissant sa responsabilité civile dans le cadre d'une activité de pilote d'ULM exercée sans contrepartie financière, à l'exclusion de toute activité sportive, quel que soit l'appareil ULM utilisé ; que s'agissant d'un vol de loisirs hors de toute compétition sportive, l'activité en cause entrait donc dans le cadre de celle assurée ; que les erreurs de pilotage mises en évidence par l'expert ne peuvent être assimilées à des fautes intentionnelles ou dolosives de l'assuré ; que l'expert n'a pas retenu que l'accident serait dû à une utilisation intentionnelle de l'appareil au-dessous des limites d'altitude de sécurité prévues par la réglementation en vigueur ou à un vol en rase-mottes ; qu'il est même spécifié dans le procès-verbal de synthèse de la gendarmerie qu'étant dans la phase de décollage, dans un circuit d'aérodrome, le pilote avait respecté les hauteurs minimales de vol ; que l'aéronef était apte à voler, les obligations édictées par l'arrêté du 17 juin 1986 et ses annexes ayant été respectées ; qu'il a été utilisé dans des conditions normales ; que M. X... avait la qualification nécessaire pour piloter et transporter un passager ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a exactement déduit qu'aucune clause d'exclusion de garantie ne pouvant être appliquée, la SM3A devait garantir la responsabilité de M. X... et de ses ayants cause ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 99-11520
Date de la décision : 05/07/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Choses dont on a la garde - Garde - Pouvoirs de contrôle, d'usage et de direction - Aéronef - Commandant de bord - Détermination .

TRANSPORTS AERIENS - Commandant de bord - Détermination

Le commandant de bord d'un aéronef étant responsable de la conduite et de la sécurité du vol, qu'il tienne ou non les commandes, une cour d'appel a pu décider que cette responsabilité incombait, sur un appareil ultra-léger motorisé à double commande, à celui des pilotes qui occupait celle des places d'où l'indicateur de vitesse était lisible.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 09 décembre 1998


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 jui. 2001, pourvoi n°99-11520, Bull. civ. 2001 II N° 134 p. 89
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2001 II N° 134 p. 89

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Guerder, conseiller doyen faisant fonction et rapporteur.
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Président : M. Guerder, conseiller doyen faisant fonction et rapporteur.
Avocat(s) : Avocats : M. Delvolvé, Mme Thouin-Palat, la SCP Vincent et Ohl.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:99.11520
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