AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X...
Y... Aloui, demeurant ...,
en cassation d'une décision rendue le 19 mars 1997 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section Handicapés adultes), au profit :
1 / de la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), dont le siège est ...,
2 / du directeur régional des affaires sanitaires et sociales du Languedoc-Roussillon, domicilié ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 mai 2001, où étaient présents : M. Gougé, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Liffran, conseiller référendaire rapporteur, MM. Thavaud, Dupuis, conseillers, M. Kehrig, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Liffran, conseiller référendaire, les observations de la SCP Monod et Colin, avocat de M. Y... Aloui, les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon la décision attaquée (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 19 mars 1997), que la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) a rejeté la demande de M. Y... Aloui en vue de l'attribution d'une allocation aux adultes handicapés et d'une carte d'invalidité ; que la Cour nationale de l'incapacité a rejeté le recours de l'assuré contre cette décision ;
Attendu que celui-ci fait grief à la Cour nationale d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que la présidence du tribunal du contentieux de l'incapacité par un représentant du directeur régional des affaires sanitaires et sociales est de nature à faire naître, dans l'esprit du justiciable, des doutes légitimes sur l'indépendance et l'impartialité du Tribunal ; que la décision rendue par un tribunal du contentieux de l'incapacité sous la présidence de ce fonctionnaire est nulle ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que le Tribunal qui a prononcé la décision entreprise était présidé par un représentant du directeur régional des affaires sanitaires et sociales ; qu'en s'abstenant de relever la nullité de cette décision, la Cour nationale de l'incapacité a violé l'article 6, 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2 / que la Cour nationale de l'incapacité doit faire procéder à l'examen préalable, par un médecin qualifié choisi sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la Sécurité sociale, de tout dossier qui lui est soumis en appel des décisions prises par les tribunaux du contentieux de l'incapacité ; qu'en l'espèce, ni les énonciations de la décision attaquée, ni les pièces du dossier ne mentionnent le nom du médecin qualifié qui a été entendu par la Cour nationale de l'incapacité ; qu'ainsi, cette dernière, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la régularité de l'intervention de ce médecin, a violé l'article R.143-28 du Code de la sécurité sociale ;
3 / que l'allocation aux adultes handicapés est versée aux personnes dont l'incapacité permanente est au moins égale à 50 % et qui, compte tenu de leur handicap, sont dans l'impossibilité reconnue par la COTOREP de se procurer un emploi ; qu'en s'appropriant l'avis du médecin qualifié, lequel, après s'être borné à décrire l'état de santé de l'assuré, atteint d'une incapacité permanente de 60 %, sans analyser ses capacités professionnelles, avait conclu que, compte tenu du handicap, l'intéressé n'était pas dans l'impossibilité de se procurer un emploi, et en se contentant d'affirmer que, compte tenu de cet avis et des documents du dossier, l'état de l'intéressé ne justifiait pas, à la date du 19 avril 1995, l'attribution des avantages sollicités, sans examiner l'argumentation de M. Y... Aloui qui soutenait que son état l'empêchait de reprendre un travail dans le bâtiment et qu'il ne pouvait prétendre à un quelconque reclassement professionnel dans un autre secteur du fait de ses origines maghrébines et de son défaut de notion culturelle française, la Cour nationale de l'incapacité a privé sa décision de base légale au regard des articles L.821-2 et D.821-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu, d'abord, qu'il incombait à la Cour nationale, qui n'était pas saisie d'une demande en nullité de la décision rendue en premier ressort par le tribunal du contentieux de l'incapacité et qui se trouvait saisie du litige en son entier par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur le fond ;
Attendu, ensuite, que la Cour nationale n'avait pas à préciser le nom de son médecin qualifié dont la mention n'est imposée par aucun texte ;
Attendu, enfin, que la Cour nationale, appréciant souverainement les conclusions de son médecin qualifié ainsi que l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis par les parties, a estimé que l'état de M. Y... Aloui ne justifiait pas l'attribution des avantages demandés ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... Aloui aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille un.