AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Mohamed X..., demeurant ...,
en cassation d'une décision rendue le 14 décembre 1998 par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier, au profit de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Gard, dont le siège est ... Nîmes,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 mai 2001, où étaient présents : M. Ollier, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Guilguet-Pauthe, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Ramoff, Duvernier, conseillers, MM. Petit, Leblanc, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Guilguet-Pauthe, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bachellier et Potier de La Varde, avocat de M. X..., les conclusions de M. Kehrig, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ;
Attendu que le tribunal du contentieux de l'incapacité a rejeté le recours de M. X... contre une décision de la caisse primaire d'assurance maladie ne lui reconnaissant aucune incapacité permanente partielle à la suite de l'accident du travail dont il avait été victime le 15 octobre 1990 ;
Attendu qu'il résulte de la décision attaquée que le tribunal du contentieux de l'incapacité était présidé par un représentant du directeur régional des affaires sanitaires et sociales ; que ce fonctionnaire, soumis à une autorité hiérarchique, a, du fait de ses fonctions administratives, des liens avec la caisse primaire, partie au litige ; qu'en vertu des dispositions de l'article R.143-4 du Code de la sécurité sociale, il désigne le médecin expert appartenant à cette juridiction ; qu'en application de l'article R.143-11 du même Code, sa voix est prépondérante en cas de partage ; que ces éléments étaient de nature à faire naître, dans l'esprit du justiciable, des doutes légitimes sur l'indépendance et l'impartialité du tribunal ;
D'où il suit que la cause n'a pas été entendue par un tribunal indépendant et impartial au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui a ainsi été violée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, la décision rendue le 14 décembre 1998, entre les parties, par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite décision et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille ;
Condamne la CPAM du Gard aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille un.