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23/05/2001 | FRANCE | N°99-44438

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 mai 2001, 99-44438


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les pourvois n° W 99-45.380 et X 99-44.438 formé par la société Bollore, société anonyme, dont l e siège est ..., venant aux droits de la société SCAC Delmas Y..., dont le siège est ...,

en cassation d'un même arrêt rendu le 1er juin 1999 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre sociale, section A) au profit :

1 / de M. René X..., demeurant ...,

2 / de l'ASSEDIC des Alpes-Maritimes, dont le siège est ...,

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les pourvois n° W 99-45.380 et X 99-44.438 formé par la société Bollore, société anonyme, dont l e siège est ..., venant aux droits de la société SCAC Delmas Y..., dont le siège est ...,

en cassation d'un même arrêt rendu le 1er juin 1999 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre sociale, section A) au profit :

1 / de M. René X..., demeurant ...,

2 / de l'ASSEDIC des Alpes-Maritimes, dont le siège est ...,

défendeurs à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 28 mars 2001, où étaient présents : M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, Mme Lemoine Jeanjean, conseiller, Mme Bourgeot, conseiller référendaire, Mme Barrairon, avocat général, M. Nabet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société SCAC Delmas Y..., de la SCP Gatineau, avocat de M. X..., les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n° X 99-44.438 et W 99-45.380 :

Attendu que M. X... a été engagé le 1er janvier 1989 par la société Delmas Sénégal (SDV) ; qu'à la fin de l'année 1992, la société mère à élaboré un nouveau statut du personnel expatrié ; qu'en application de ce nouveau statut, le service SDV Afrique, appartenant au groupe SDV, a proposé à M. X... de conclure avec celle-ci un nouveau contrat de travail dont elle lui a confirmé par lettre du 31 décembre 1992 les "conditions générales" ; que par cette même lettre, elle l'a mis à la disposition de la société SDV Sénégal ; que par lettre datée du 29 mars 1993, il a été licencié par cette dernière société pour le motif énoncé, dans cette lettre, en ces termes ; "refus d'accepter les nouvelles conditions de travail inscrites dans le statut du personnel expatrié mis en place à partir du 1er janvier 1993" ; que le 30 mars 1993, a été conclue entre la société Delmas Sénégal et M. X... une transaction concernant la rupture du contrat de travail ; que soutenant avoir la qualité de salarié de la société SCAC Delmas Y..., (SDV) devenue la société Bollore, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir notamment l'annulation de la transaction précitée et la condamnation de cette société notamment au paiement d'une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à lui "régler les compléments de salaire et de congés payés et l'indemnité de licenciement dus en vertu de l'actualisation du coût de la vie 1993" et de lui remettre des "bulletins de paie correspondants rectifiés" ;

Sur le pourvoi principal formé par la société Bollore :

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Bollore fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 1er juin 1999) d'avoir décidé que la société SDV, aux droits de laquelle se trouve la société Bolloré, était l'employeur de M. X..., alors, selon le moyen :

1 / que la société SCAC Delmas Y... (SDV) ayant fait valoir dans ses conclusions d'appel que le nouveau statut des expatriés stipulait dans sa seconde partie le maintien aux anciens expatriés des avantages que leur reconnaissait l'ancien statut et que cette seconde partie "concernait M. X..., dont aucun avantage n'était, de ce fait, modifié", méconnaît les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui considère que la société SDV soutient, à tort, que le salarié "ne relevait pas du statut élaboré en 1972 dès lors qu'il ne fait pas partie du personnel expatrié" ;

2 / que se contredit dans ses explications, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui retient que la société SCAC Delmas Y... doit être considérée comme étant l'employeur de M. X..., après avoir constaté en premier lieu, que M. X... avait été engagé par la société Delmas Sénégal pour être mis à la disposition de la société Delmas Côte-d'Ivoire et ensuite qu'en plaçant M. X... à la disposition de la société Delmas Côte-d'Ivoire par courrier du 31 décembre 1992, la société SDV Afrique s'était bien conduite en employeur assurant un pouvoir de direction et de contrôle sur le salarié ;

3 / que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 120-1 et suivants du Code du travail et 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué qui retient que la société SCAC Delmas Y... doit être considérée comme étant l'employeur de M. X..., au motif inopérant que la société SDV Afrique, qui s'était conduite en employeur assurant un pouvoir de direction et de contrôle sur M. X..., était domiciliée Tour Delmas
Y...
, immeuble dans lequel était également domiciliée la SCAC Delmas Y... ;

4 / que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles L. 120-1 et suivants du Code du travail et 113 du Code civil, l'arrêt attaqué qui retient que la société SCAC Delmas Y... doit être considérée comme étant l'employeur de M. X..., sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la société SCAC Delmas Y... faisant valoir qu'elle avait transféré en 1992 toutes ses activités africaines à la société SDV Afrique qui a fait la proposition de contrat à M. X... ;

Mais attendu, d'abord, que le moyen tiré de la méconnaissance alléguée des termes du litige résulte d'une erreur matérielle que permettent de rectifier les autres énonciations de la décision attaquée qui a notamment relevé que les modifications découlant du nouveau statut du personnel expatrié étaient applicable à M. X... ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté, d'une part, qu'il résulte des termes mêmes de la première lettre précitée du 31 décembre 1992 que la société SDV Afrique a adressée à M. X..., que celui-ci a été employé au sein du groupe SDV depuis son engagement en février 1989 et que, d'autre part, c'était en application du nouveau statut du personnel expatrié, élaboré en 1992 par la société mère SDV que la société SDV Afrique lui a proposé un nouveau contrat de travail et l'a mis à la disposition de la société SDV Sénégal, ces deux sociétés faisant partie du groupe SDV et la société SDV Afrique ayant pour objet, selon les déclarations mêmes de la société mère, d'assurer la gestion des "activités africaines" du groupe ; qu'elle a, dès lors, pu décider que la société mère SDV, aux droits de laquelle se trouve la société Bollore, était l'employeur de M. X..., en sorte que c'est au nom et pour le compte de cette dernière que l'affectation précitée de M. X... a été opérée par la société SDV Afrique et que son licenciement a été prononcé par la société SDV Sénégal ; que par ces seuls motif, elle a, sans se contredire et répondant aux conclusions invoquées, légalement justifié sa décision ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Bollore fait, encore grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité de la transaction précitée, alors, selon le moyen :

1 / que ne justifie pas légalement sa solution au regard de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué qui vérifie au regard du droit français la régularité de la transaction conclue par M. X... avec la société Delmas Sénégal, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la société SCAC Delmas Y... faisant valoir que, ladite transaction avait été conclue selon le droit local sénégalais ;

2 / qu'en droit français, une transaction destinée à régler les conséquence de la rupture d'un contrat de travail est valable lorsqu'elle a été conclue postérieurement à la notification du licenciement, de sorte que ne justifie pas légalement sa solution au regard des articles 1134 et 2044 et suivants du Code civil français, l'arrêt attaqué qui considère comme nulle ladite transaction signée par M. X... le 30 mars 1993 sans vérifier si la notification du licenciement par lettre du 29 mars 1993, était ou non intervenue avant la signature de ce dernier acte ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé que le contrat de travail de M. X... était régi par le droit français ; que la société mère, employeur de ce dernier, était française, et que le statut du personnel expatrié, en vertu duquel M. X... a été mis à la disposition de la société Delmas Sénégal, a été élaboré par la société mère ; qu'il résulte, en outre, de la lettre du 31 décembre 1992 de la société SDV Afrique que le nouveau contrat de travail proposé à M. X... était soumis à la loi française et que la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaire du transport était applicable ;

qu'elle a, ainsi, fait ressortir que, si la transaction ne précise pas expressément la loi applicable ; les circonstances susmentionnées impliquaient que les parties avaient entendu soumettre la transaction à la loi française ;

Attendu, ensuite, qu'après avoir fait état de la nécessité de procéder au licenciement de M. X..., la transaction prévoit, en son article 1, que le contrat de travail sera rompu le 30 juin 1993 et en son article 2, que M. X... percevra, dans le mois de la signature de la transaction, une indemnité de dommages-intérêts et la prime de réinstallation, en sorte qu'il résulte des énonciations mêmes de la transaction qu'elle a été conclue en l'absence d'un licenciement préalable prononcé et notifié dans les conditions requises par l'article L. 122-14-1 du Code du travail, que la cour d'appel a, dès lors, décidé à bon droit qu'elle était nulle ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Bollore fait, enfin, grief à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'un somme sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et d'avoir ordonné le remboursement par application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, des sommes versés au titre des indemnités de chômage à M. X... par les organismes concernés, dans la limite de six mois, alors, selon le moyen :

1 / que méconnaît les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt attaqué qui considère que "la société intimée ne vient pas justifier sa décision de modification du statut des personnels expatriés autrement qu'en indiquant que ceux-ci bénéficieraient d'une égalité de traitement et des dispositions légales favorables de la législation française en matière de rapatriement", bien que ladite société ait fait valoir dans ses conclusions d'appel que "la deuxième partie du statut (titre II) conservait, en l'état, l'ensemble des avantages antérieurement applicables aux expatriés en poste au 31 décembre 1992, ce qui était le cas de M. X..." ;

2 / que en justifie pas légalement sa solution au regard de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, l'arrêt qui retient que le contrat de travail de M. X... aurait fait l'objet d'une modification portant sur des éléments essentiels du fait des différences existant entre l'ancien et le nouveau statut des expatriés, sans s'expliquer sur le moyen précité des conclusions d'appel de la société SCAC Delmas Y... faisant apparaître que la modification du statut des expatriés n'avait en aucune manière modifié les droits de M. X... résultant de l'ancien statut ;

Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'il était établi que le nouveau statut du personnel expatrié avait apporté des modifications à l'ancien statut incorporé au contrat de travail de M. X... en ce qui concerne la mobilité de ce dernier, les avantages en nature, son régime de retraite et le mode de calcul de sa rémunération ; qu'elle a exactement décidé que ces modifications portent sur des éléments du contrat de travail de M. X... qui ne peut être modifié dans son accord et qu'en conséquence, son refus de ces modification s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que sans méconnaître les limites du litige, elle a ainsi, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi incident formé par M. X... :

Sur le moyen unique :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir de ses demandes de complément d'indemnité de préavis et de compléments de salaires, de congés payés et d'indemnité de licenciement dus en vertu de l'actualisation du coût de la vie 1993, avec intérêts au taux légal à compter de la demande ainsi que celle tendant à la remise des bulletins de paie correspondants rectifiés, alors, selon le moyen :

1 / que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ;

qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, le salarié avait demandé que lui soit réglé la totalité de son salaire intégrant les avantages en nature, pour la période de son préavis, et ce, conformément aux documents contractuels (statut et contrat) qui prévoyaient la prise en compte de la rémunération mensuelle globale et dès lors que ces sommes avaient bien été intégrées et prises en compte pour le calcul de son impôt sur le revenu ; que, cependant, pour débouter le salarié de sa demande de complément de préavis, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer que le salarié ne justifiait pas de sa demande autrement qu'en produisant un bordereau déclaratif des sommes reçues au titre des avantages en nature ; qu'en n'expliquant pas en quoi ce document n'était pas susceptible d'établir le bien-fondé de la demande de complément de préavis du salarié qui devait intégrer dans son calcul les avantages en nature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-6 du Code du travail ainsi que de l'article 1134 du Code civil ;

2 / qu'une demande en justice non chiffrée n'est pas de ce seul chef irrecevable ; qu'il appartient au juge prud'homal d'inviter le demandeur à évaluer chaque poste de sa demande ; qu'en déboutant purement et simplement le salarié de ses demandes de compléments de salaires, d'indemnité de licenciement et de congés payés dus en vertu de l'actualisation du coût de la vie 1993 du seul fait que le salarié n'avait pas chiffré le montant de ses demandes, sans inviter le salarié à évaluer chaque poste de demande, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 12 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, appréciant la portée et la valeur probante du bordereau déclaratif précité a estimé que celui-ci n'était pas de nature à justifier la demande de complément d'indemnité de préavis ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a constaté que le salarié ne justifiait pas de "l'actualisation du coût de la vie 1993" et de ses demandes subséquentes et qu'il n'avait formé, en application de l'article 142 du nouveau Code de procédure civile, contre son employeur, aucune demande de production d'éléments de preuve destinés à établir le bien-fondé de ces demandes précitées ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident ;

Condamne la société Scac Delmas Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Scac Delmas Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 francs ou 457,35 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille un.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 99-44438
Date de la décision : 23/05/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Travailleurs expatriés - Licenciement.

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Travailleurs expatriés - Statut - Droit applicable.


Références :

Code civil 1134
Code du travail L122-14-1 et L122-14-4

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (5e chambre sociale, section A), 01 juin 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 mai. 2001, pourvoi n°99-44438


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LE ROUX-COCHERIL conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:99.44438
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