AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société CDR Créances, Groupe consortium réalisation, venant aux droits de la Banque occidentale (SDBO), société anonyme dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 novembre 1998 par la cour d'appel de Paris (15e Chambre civile, Section B), au profit :
1 / de Mme Armelle Y..., mandataire judiciaire, demeurant précédemment ..., et actuellement ..., prise en sa qualité de représentant des créanciers des sociétés ECT, Astel, Aliénor, Télématique, Rhône service télématique (RST), Vidéotex services, MVM et SHGI,
2 / de M. Denis X..., administrateur judiciaire, demeurant précédemment ..., et actuellement ..., pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession des sociétés ECT, Astel, Aliénor, Télématique, Rhône service télématique (RST), Vidéotex services, MVM et SHGI,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 mars 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, Mme Collomp, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société CDR Créances, de Me Copper-Royer, avocat de Mme Y..., ès qualités, et de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société ECT et de ses filiales, le représentant des créanciers et le commissaire à l'exécution du plan ont engagé une action en responsabilité contre le Consortium de réalisation de créances (le CDR), venant aux droits de la Société de banque occidentale (SDBO), lui reprochant d'avoir soutenu abusivement et aveuglément la société ECT par des crédits inopportuns et disproportionnés ;
Attendu que pour condamner le CDR, l'arrêt retient que la SDBO a financé la société ECT, dans ses acquisitions, financé ses filiales, financé les anciens et nouveaux actionnaires, "finançant donc tout le monde", par des crédits successifs, sans se soucier d'un ratio minimum de fonds propres de la part de la société ECT, sans prendre en compte la rentabilité de ses investissements, ni ses capacités de remboursements, sans s'entourer des informations nécessaires et sans contrôler l'utilisation de ses fonds ; qu'il ajoute que même si les crédits consentis visaient le financement d'achats d'actifs par ECT, même si la banque ignorait les détournements de l'un des dirigeants, elle aurait dû faire preuve de discernement et de mesure dans l'octroi des crédits et mettre fin à ses crédits après des pertes de trésorerie trop importantes ; qu'il conclut que la SDBO a ainsi contribué, par ces crédits abusifs et persistants, à favoriser des gestions chaotiques et des investissements désordonnés et imprudents par des dirigeants soit naïfs, soit irresponsables et inconséquents, voire douteux, et a permis leur fuite en avant, favorisant l'aggravation de la situation financière du groupe et sa déconfiture, tout en protégeant efficacement ses intérêts par des cautionnements ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser soit que, lors de l'octroi de ses crédits, ou de leur renouvellement, la banque connaissait, ou aurait pu connaître, par la consultation des comptes, le caractère déjà irrémédiablement compromis de la situation de la société ECT et que ses crédits avaient créé, au profit de cette société, une apparence trompeuse de solvabilité amenant les autres créanciers à s'engager avec elle, soit que l'importance de ces crédits et leur coût excessif rendaient inéluctable l'effondrement de la société, en l'absence pour elle de toute perspective sérieuse de développement ou de redressement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Y... et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille un.