AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq avril deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- F... Christiane, partie civile,
contre l'arrêt n° 4 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 3 mai 2000, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée, du chef de non-assistance à personne en danger, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 223-6 du Code pénal, 2, 177, 211, 212, 427, 485, 512, 575, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre sur la plainte de Christiane F... ;
"aux motifs qu'à raison des dispositions des articles 9 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen et 6 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, il appartient à la partie poursuivante de rapporter la preuve des faits dénoncés et, au niveau de l'information, de recueillir des indices objectifs graves et concordants de nature à constituer, à l'encontre de toute personne, des charges suffisantes pour justifier son renvoi devant la juridiction de jugement compétente, la juridiction d'instruction ayant à cette fin tous pouvoirs d'investigation utiles aux termes des articles 81 et 201 du Code de procédure pénale ;
qu'aux termes de l'article 223-6 du Code pénal, le délit de non-assistance à personne en péril suppose d'abord la démonstration de la connaissance, par un tiers, de l'existence d'un péril subi par une personne ; qu'il résulte tant des constatations précises de l'officier de police judiciaire Héraud et des photographies prises sur les lieux que de l'autopsie, de l'expertise et de la contre-expertise toxicologiques que Franck F... est décédé des suites d'une overdose de produits stupéfiants, en dépit des contestations des conclusions de l'expert biologiste, fondées sur la seule conviction personnelle d'une partie civile dépourvue de toute compétence scientifique reconnue ; que contrairement aux assertions de celle-ci dans son mémoire, les conclusions de l'autopsie ne sont pas contradictoires avec les constatations opérées sur Ie corps de Franck F..., dès lors qu'il ressort clairement des photographies jointes au présent dossier que l'avant-bras gauche de celui-ci était parfaitement dégagé de tout vêtement ; que les investigations conduites par le juge d'instruction dans le cadre de la présente information, ainsi que celles que le procureur de la République a entreprises antérieurement, qui apparaissent complètes, n'ont pas permis d'établir qu'ait été présent, au moment où Franck F... a procédé à l'injection létale, un tiers qui se serait abstenu volontairement de lui porter secours ; que pour contester l'ensemble des éléments objectifs du présent dossier, la partie civile argue de la probable présence d'un tiers aux côtés de Franck Vaglio au moment de son décès, ou de sa conviction personnelle qu'il en a été ainsi, non étayée par des indices objectifs;
qu'elle entend trouver la preuve de ses soupçons ou de sa conviction dans l'interprétation personnelle de données objectives ayant une toute autre signification, telle que la sociabilité du défunt, ou encore l'analyse de prétendues contradictions existant entre les déclarations livrées aux enquêteurs par les témoins, tels Farid B..., Salim A..., MM. Z... ou C..., et celles que lui auraient faites ces mêmes témoins dont elle ne rapporte pas la preuve, alors que précisément ceux-ci ont tous contesté lui avoir tenu les propos qu'elle leur prêtait ; qu'ainsi la circonstance que M. C... ait pu remarquer une personne au moment de la découvert du corps sans vie de Franck F... n'induit nullement, contrairement aux affirmations du mémoire, qu'une personne ait été présente au moment du décès, alors qu'il a été établi que celui-ci est intervenu quelques heures auparavant ; que sous ce même regard, il résulte objectivement du dossier, notamment du témoignage de Mme D..., que de nombreux toxicomanes venaient dans cet immeuble proche de la gare, dont l'entrée n'était interdite par un digicode qu'à compter de 20 heures en raison de la présence de cabinets médicaux, d'un laboratoire et de sociétés ; que l'audition du prénommé Moktar, qui n'a pu être retrouvé par les enquêteurs, ne s'imposait pas dans le cadre de la présente instance compte tenu des faits poursuivis, dès lors qu'il n'est pas allégué qu'il ait été présent au moment de la mort du défunt ; que pour la même raison, les variations relevées dans les déclarations de M. E... ne présentent pas l'importance prétendue, alors qu'au surplus, il résulte des éléments objectifs du dossier que le corps de Franck F... ne pouvait se trouver dans l'escalier de l'immeuble à 14
heures ; que par ailleurs, contrairement aux assertions erronées du mémoire, David Y... a été entendu le 12 août 1997, à 9 heures 20 par l'officier de police judiciaire Chauveau, auquel il a fait des déclarations très circonstanciées, démentant lui aussi, catégoriquement avoir tenu à la partie civile les propos que celle-ci affirmait avoir entendus ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise ;
1 ) alors que, dans son mémoire régulièrement déposé le 7 mars 2000, Christiane F... faisait valoir nombre de contradictions ou d'incohérences entre les différentes auditions et les propos que les personnes auditionnées lui avaient tenus avant d'être entendues par les services de police ; ainsi en était-il de Farid B..., Salim A..., MM. Z... et C..., qui semblaient connaître de nombreux éléments qu'ils avaient tus lors des interrogatoires, pour la simple raison que ces éléments auraient conduit à les impliquer dans le délit de non assistance à personne en péril ; qu'en se bornant à dire que toutes ces personnes avaient contesté avoir tenu à Christiane F... les propos qu'elle leur prêtait, afin d'en déduire qu'il ne s'agissait là que de la conviction de cette dernière dans l'interprétation personnelle de données objectives, sans répondre au mémoire qui faisait valoir que les personnes auditionnées avaient peut être un intérêt personnel à nier les faits tels qu'elles les avaient initialement présentés à Christiane F..., ou à modifier leurs allégations au cours de la procédure, la décision attaquée n'a pas satisfait, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
2 ) alors que, dans son mémoire régulièrement déposé le 7 mars 2000, Christiane F... soutenait que Salim A... lui avait dit d'une part, que Franck F... était décédé le 13 juillet 1995 vers 20 heures et avait souffert et que Farid B... ainsi que Djamel X... se trouvaient avec lui et, d'autre part, que Farid B... l'avait informé du décès de Franck F... le 13 juillet 1995 vers 20 heures ; le contenu des auditions de Salim A... et Farid B... revêtait donc une très grande importance puisqu'il était susceptible d'apporter un éclairage complet sur les faits ; qu'en se bornant à dire que les témoins, tel Farid B..., Salim A... et M. Z... avaient contesté avoir tenu les propos que leur prêtait Christiane F..., sans préciser le contenu d e l'audition de Salim A..., la décision attaquée n'a pas satisfait, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
3 ) alors que, en affirmant qu'il résultait des éléments objectifs du dossier que le corps de Franck F... ne pouvait se trouver dans l'escalier de l'immeuble à 14 heures, tout en ayant relevé que le médecin avait -considéré que la mort était probablement survenue entre 18 heures et 20 heures, ce qui permettait de supposer, dès lors qu'un coma avait précédé le décès, que le corps s'était trouvé plusieurs heures avant le décès dans l'escalier, sans répondre au mémoire qui soutenait que M. E... avait insisté sur le fait que plusieurs personnes avaient vu le corps à 14 heures (p. 5), la décision attaquée n'a pas satisfait, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
4 ) alors que, en affirmant que l'expertise et la contre-expertise toxicologique avaient permis d'établir que Franck F... était décédé des suites d'une overdose de produits stupéfiants, conclusion résultant du fait que des produits stupéfiants avaient été retrouvés dans le corps du défunt, sans rechercher si la seringue et le filtre situés à côté du corps recelaient exactement les mêmes produits que ceux trouvés dans le corps de Franck F..., ce qui aurait permis de préciser si lui-même ou un tiers avait utilisé ces objets et, partant s'il était seul ou accompagné, la décision attaquée n'a pas satisfait, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre d'accusation, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre d'accusation en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte susvisé ;
Par ces motifs,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Le Gall conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Corneloup conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;