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03/04/2001 | FRANCE | N°99-84584

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 avril 2001, 99-84584


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La chambre criminelle de la Cour de Cassation, siégeant comme COUR de REVISION, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la requête en révision présentée par :

- X... Patrick,

tendant à l'annulation de l'arrêt prononcé le 27 janvier 1989 par la cour d'assises des mineurs de la MOSELLE le condamnant, pour meurtres, à la réclusion criminelle à perpétuité ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 mars 2001 où étaient présents : M. Roma

n conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Chall...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La chambre criminelle de la Cour de Cassation, siégeant comme COUR de REVISION, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur la requête en révision présentée par :

- X... Patrick,

tendant à l'annulation de l'arrêt prononcé le 27 janvier 1989 par la cour d'assises des mineurs de la MOSELLE le condamnant, pour meurtres, à la réclusion criminelle à perpétuité ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 15 mars 2001 où étaient présents : M. Roman conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Challe conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Farge, Pelletier, Palisse, Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Dulin, Mme Desgrange, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle FLORAND, avocat au barreau de Paris et de la société civile professionnelle RONDU et JAN, avocat au barreau de Metz, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Vu la décision de la Commission de révision des condamnations pénales, en date du 21 juin 1999, saisissant régulièrement la Cour de révision ;

Vu l'arrêt de la Cour de révision, en date du 28 juin 2000, ordonnant un supplément d'information ;

Vu les pièces d'exécution du supplément d'information ;

Vu les articles 622 à 626 du Code de procédure pénale ;

Vu les convocations régulièrement adressées aux parties ;

Attendu que, le dimanche 28 septembre 1986, vers 20 heures, les gardiens de la paix du commissariat de police de Metz ont découvert sur le ballast d'une voie de chemin de fer, près de la rue Vénizélos, à Montigny-les-Metz (Moselle), les corps de deux garçonnets âgés de huit ans, Alexandre Y... et Cyril Z..., dont les têtes avaient été fracassées au moyen de pierres laissées à proximité ;

Attendu qu'après plus de sept mois d'investigations en vue d'identifier l'auteur de ce double meurtre, les soupçons se sont portés sur le jeune Patrick X..., alors âgé de seize ans, qui avait déjà été entendu le 1er octobre 1986 et avait déclaré qu'il s'était rendu, vers 19 heures, à proximité du lieu des faits, pour aller chercher des timbres dans des poubelles, rue Vénizélos ; qu'à nouveau entendu, au cours de sa garde à vue, du 28 au 30 avril 1987, il a reconnu être l'auteur des meurtres par des aveux précis et circonstanciés, réitérés devant le juge d'instruction, le 30 avril, puis lors de la reconstitution du 7 mai et d'une nouvelle audition, le 15 mai 1987 ;

Attendu que, cependant, le 30 mai 1987, il a adressé à son avocat une lettre dans laquelle il se déclarait innocent des crimes qu'il avait reconnus, expliquant ses aveux par la fatigue et la lassitude ; que, le 17 juillet 1987, devant le juge d'instruction, il est revenu sur ses aveux mais sans pouvoir expliquer comment il avait jusqu'alors donné autant d'indications précises sur les lieux des crimes et le déroulement des faits ;

Attendu que, par arrêt devenu définitif de la cour d'assises des mineurs de la Moselle, en date du 27 janvier 1989, Patrick X... a été condamné, pour meurtres, à la réclusion criminelle à perpétuité ;

Attendu que, le 24 mars 1998, l'intéressé a formé un recours en révision, déniant sa culpabilité et se fondant sur un rapport établi le 27 octobre 1997 par le maréchal des logis-chef Jean-François A..., relatant une déclaration que lui avait faite, en 1992, Francis C..., alors détenu à la maison d'arrêt de Brest, selon laquelle " il avait effectué une promenade à vélo le long d'une voie de chemin de fer dans l'Est de la France ; qu'il avait reçu des pierres jetées par deux enfants ; qu'il était parti puis repassé quelques minutes plus tard sur les lieux où il avait vu les corps de deux enfants, près de wagons, non loin de poubelles et d'un pont ; qu'enfin, il avait vu sur les lieux des pompiers et des policiers " ;

Attendu que Francis C..., entendu le 30 juin 1998 par un membre de la Commission de révision, a déclaré que, le jour des faits, il était passé à bicyclette à proximité des lieux, vers 15 heures 30 ou 16 heures, en compagnie d'une douzaine de cyclistes du cyclo-club de Metz ; qu'au moment où ils avaient emprunté le tunnel permettant le passage sous les voies de chemin de fer, une dizaine d'enfants leur avaient jeté des cailloux, blessant deux cyclistes ; qu'à leur retour, vers 17 heures 30, alors qu'ils avaient franchi de nouveau le tunnel, ils avaient remarqué la présence de gendarmes et de pompiers ; qu'un lieutenant des sapeurs-pompiers appartenant à leur groupe, après être allé se renseigner sur place, leur avait appris que deux enfants avaient été tués ;

Attendu que Francis C... a précisé qu'il avait alors quitté ses camarades pour se rendre chez sa grand-mère qui habitait à ..., à environ cinq kilomètres de là ;

Attendu que les vérifications entreprises ont révélé qu'aucun membre du cyclo-club n'avait été blessé le 28 septembre 1986, que la randonnée s'était achevée vers 12 heures 30 et que le seul lieutenant des sapeurs-pompiers, membre du cyclo-club, était absent ce jour là ;

Attendu que Francis C..., entendu à nouveau le 16 juillet 1998, a admis qu'il n'avait pas dit la vérité sur son emploi du temps au cours de l'après-midi du 28 septembre 1986 ; qu'il a précisé qu'il était rentré chez sa grand-mère, à ..., et qu'il en était reparti seul à bicyclette, vers 13 heures 30, pour se promener ; que, lorsqu'il était passé dans le tunnel, sous la voie ferrée, un groupe d'enfants lui avait lancé des cailloux à partir d'un pont ; qu'après s'être arrêté quelques instants et avoir tenté en vain d'apercevoir les enfants, il avait repris sa promenade jusqu'à Metz, où il avait bu à plusieurs reprises dans des cafés, avant de retourner à ... ; que, sur le chemin du retour, après avoir franchi le tunnel, il avait vu des gendarmes et des pompiers ; qu'il avait appris le lendemain, à la lecture du journal, que deux enfants avaient été tués à cet endroit ;

Attendu que, le 21 avril 1999, Francis C... a été entendu une troisième fois, en présence de son avocat, et a maintenu ses précédentes déclarations ;

Qu'enfin, le 17 août 1999, à la demande du procureur de la République de Nancy, il a été entendu par un officier de police judiciaire sur son emploi du temps du 28 septembre 1986 ; qu'il a confirmé ses précédentes déclarations en précisant qu'il avait passé l'après-midi à Metz avec un ami, Pascal B..., à boire une douzaine de bouteilles de bière, de 14 heures à 22 heures 30, et qu'au retour, il était repassé sous le pont de la voie ferrée, vers 23 heures, pour " engueuler " les enfants qui lui avaient jeté des pierres à l'aller, mais qu'ayant vu des policiers et des pompiers, il avait continué sa route ;

Attendu qu'il résulte du supplément d'information, ordonné par la Cour de révision, que les déclarations de Francis C... quant à sa présence à Metz, l'après-midi du 28 septembre 1986, en compagnie de son camarade Pascal B..., ont été infirmées par celui-ci qui a précisé n'avoir plus revu l'intéressé depuis le décès de son père, survenu le 2 octobre 1984 ; que, le 28 septembre 1986, Francis C... aurait dû se rendre à l'hôpital du Bon secours à Metz afin d'y recevoir des soins pour une plaie au pied droit, suturée huit jours auparavant, et qu'il ne s'est pas présenté ;

Qu'en outre, il a été établi que Francis C... avait été employé comme manoeuvre, du 8 septembre au 8 octobre 1986, date de son licenciement, par l'entreprise C. T. B. E., sise... à Montigny-les-Metz, à 400 mètres des lieux du double meurtre, et que, vers la fin du mois de septembre 1986, il avait soudainement changé de comportement, exerçant des violences sur une secrétaire de l'entreprise, proférant des menaces à l'encontre de son chef d'équipe et commettant un vol de bouteilles d'alcool sur un chantier et des dégradations sur un véhicule ;

Qu'il a également été établi que Francis C... possédait une parfaite connaissance des lieux où ont été commis les meurtres et notamment du sentier permettant de gravir le talus et d'accéder aux voies de chemin de fer, l'intéressé ayant tracé, à la demande des enquêteurs, un plan des lieux d'une grande précision ;

Qu'enfin, Francis C..., lors de son audition du 29 novembre 2000, variant une fois de plus dans ses déclarations, a fixé l'heure de son second passage dans le tunnel, le 28 septembre 1986, à 20 heures 45 et non plus à 17 heures 30 ou 23 heures ; qu'au surplus, les enquêteurs ont relevé que l'itinéraire qu'il avait suivi pour rentrer au domicile de sa grand-mère, à ..., représentait un détour d'environ 4 km par rapport à son trajet habituel ;

Attendu qu'il convient de relever que Francis C... n'a été arrêté qu'en janvier 1992, et qu'il a été condamné pour cinq meurtres commis depuis novembre 1984, dans des circonstances présentant des analogies avec celles des deux meurtres pour lesquels Patrick X... a été condamné ;

Attendu que ces éléments, inconnus de la juridiction au jour du procès, sont de nature à faire naître, au sens de l'article 622, 4, du Code de procédure pénale, un doute sur la culpabilité du condamné ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit à la requête en révision, d'annuler l'arrêt portant condamnation de Patrick X..., et, dès lors qu'il peut être procédé à de nouveaux débats contradictoires, de renvoyer l'accusé devant une cour d'assises autre que celle dont émane la décision attaquée ;

Par ces motifs,

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'assises des mineurs de la Moselle, en date du 27 janvier 1989, et pour qu'il soit procédé à de nouveaux débats contradictoires ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises des mineurs de la MARNE ;

DIT n'y avoir lieu à la suspension de l'exécution de la condamnation ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois avril deux mille un ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 99-84584
Date de la décision : 03/04/2001
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'assises des mineurs de la Moselle, 27 janvier 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 avr. 2001, pourvoi n°99-84584


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ROMAN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:99.84584
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