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07/03/2001 | FRANCE | N°00-80873

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 mars 2001, 00-80873


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mars deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de Me FOUSSARD et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- A... Emile,

- La CAISSE NATIONALE DE L'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES , partie civile,

co

ntre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 24 novembre 1999, qu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mars deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de Me FOUSSARD et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- A... Emile,

- La CAISSE NATIONALE DE L'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES , partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 24 novembre 1999, qui a condamné le premier, pour obtention indue de prestations sociales, à une amende de 20 000 francs et a déclaré la seconde irrecevable en sa constitution de partie civile ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires ampliatifs et complémentaire produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Emile A..., pris de la violation des articles L. 377-1 et L. 377-5 du Code de la sécurité sociale, 405 du Code pénal abrogé en vigueur au moment des faits, 313-1 du Code pénal, 388, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, requalifiant les faits, a déclaré Emile A... coupable du délit de fraude ou de fausses déclarations et, en répression, l'a condamné à une peine d'amende de 20 000 francs ;

"aux motifs que les agissements opérés, de façon délibérée, sur la base de déclarations portant sur des prestations en partie indues en ce qu'elles intégraient, selon une convention occulte intervenue entre Emile A... et Francis X..., les honoraires du chirurgien chargé d'études dont le remboursement n'incombe nullement aux organismes sociaux, caractérisent plutôt en tous ses éléments constitutifs le délit de fraude ou fausses déclarations prévu par l'article L. 377-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'en effet, le fait matériel de fausse déclaration résulte du bordereau utilisé ; que Emile A... a fait verser par les caisses des remboursements globaux, susceptibles de discussions préalables, à la Polyclinique qui, elle-même, avait reçu et honoré des facturations surévaluées de Safir, laquelle y avait intégré, selon convention occulte entre Emile A... et Francis X..., les honoraires du chirurgien chargé d'études ; que le caractère indu des prestations remboursées, en tout cas pour partie, ressort du fait qu'aucune caisse n'a pour vocation de financer des recherches ou études statistiques dans le domaine de la santé publique hors les cas, inapplicables en l'espèce, des actions expérimentales prévues par le Code de la sécurité sociale ;

"alors que s'il appartient aux juges du fond de restituer l'exacte qualifications des faits et de la substituer une qualification à celle qui leur était déférée, c'est à la condition qu'il ne soit rien modifié aux faits de la prévention et qu'ils restent tels qu'ils ont été retenus dans l'acte saisissant la juridiction ; qu'en l'espèce, Emile A... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'avoir "en adressant directement à la sécurité sociale des factures émises par une société fournisseur de prothèses de hanche, surévaluées ne correspondant pas aux prestations effectivement réalisées, et représentant outre le coût des matériels considérés des rémunérations occultes à son seul bénéfice, censées représenter un travail effectué en vertu de contrats en réalité non exécutés, fait prendre en charge par la sécurité sociale et les organismes sociaux et à leur insu, des sommes pouvant être fixées à 83 020 francs qui ne pouvait faire l'objet de remboursement" ; que dès lors, en substituant à cette prévention celle de fraude ou de fausse déclaration ayant permis d'obtenir des prestations dont le caractère indu résultait, selon les constatations de la cour d'appel, de ce que "aucune caisse n'a pour vocation de financer des recherches ou études statistiques dans le domaine de la santé publique", alors que la prévention visait le fait d'avoir obtenu des organismes sociaux le remboursement de prestations indues ne correspondant pas à un travail réellement effectué, et sans constater que le prévenu ait accepté d'être jugé sur ces faits, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour Emile A..., pris de la violation des articles 405 ancien du Code pénal, 313-1 nouveau du Code pénal, L.377-1 et L.377-5 du Code de la Sécurité Sociale, 121-1 et 121-3 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Emile A... coupable du délit de fraude ou fausse déclaration et, en répression, l'a condamné à une peine d'amende de 20 000 francs ;

aux motifs que le fait matériel de fausse déclaration résulte du bordereau utilisé ; que le docteur A... a fait verser par les caisses des remboursements globaux, insusceptibles de discussions préalables, à la Polyclinique qui, elle-même, avait reçu et honoré des facturations surévaluées de Safir, laquelle y avait intégré, selon convention occulte entre Emile A... et Francis Y..., les honoraires du chirurgien chargé d'études ; que le caractère indu des prestations remboursées, en tout cas pour partie, ressort du fait qu'aucune caisse n'a pour vocation de financer des recherches ou études statistiques dans le domaine de la santé publique hors les cas, inapplicables en l'espèce, des actions expérimentales prévues par le Code de la sécurité sociale ;

et que le docteur A... a indiqué que la facturation ne passait pas par son intermédiaire, ni par celui de la société Spmc, que le fournisseur la transmettait à la clinique (la société Sems) qui l'envoyait avec le "bordereau 615" à l'organisme social ; que cet argument ne saurait prospérer, dès lors que le prévenu était le dirigeant légal de la société Sems; qu'en tant que donneur d'ordre, il était le responsable du système mis en place, tant pour la facturation initiale de Spmc à Safir que pour l'établissement du "bordereau 615" et son envoi à l'organisme social, jusqu'au bénéfice du remboursement ;

alors, d'une part, que le délit de fraude ou fausse déclaration pour obtenir ou faire obtenir des prestations qui ne sont pas dues suppose l'envoi à l'organisme social de documents fallacieux ; que la cour d'appel a constaté que jusqu'à l'arrêté du 6 mars 1992, le prix des prothèses de hanche était "libre, le coût étant celui de la facture du fournisseur" en sorte que celui-ci était libre de fixer le prix des prothèses comme il l'entendait et d'inclure dans le prix de revient, comme la cour d'appel l'a constaté, outre les frais de fabrication et de vente des prothèses, les "frais de recherche" ou "honoraires" ayant contribué ou étant supposés contribuer à l'amélioration technique des produits fabriqués par le fabricant ; que dès lors, le "bordereau 615", qui indiquait, dans sa première partie, "le coût des prothèses internes acquises par la clinique auprès des fournisseurs, sur prescription du fournisseur dont le nom était précisé, la facture du fournisseur étant jointe" n'était affecté d'aucune inexactitude ; que dès lors, en affirmant néanmoins que le fait matériel de fausse déclaration résultait du bordereau utilisé, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, en violation des dispositions de l'article L.377-1 du Code de la sécurité sociale ;

alors, d'autre part, que nul n'est responsable que de son fait personnel ; qu'en se bornant à énoncer que Emile A... étant le dirigeant légal de la société d'exploitation de la Polyclinique, il était responsable du système de facturation, la cour d'appel n'a pas caractérisé la participation personnelle du prévenu aux faits poursuivis, en violation des articles 121-1 du Code pénal et L.377-1 du Code de la sécurité sociale ;

alors, enfin, qu' il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que constitue le délit prévu par l'article L.377-1 du Code de la sécurité sociale toute fraude ou fausse déclaration faite sciemment pour obtenir, faire obtenir ou tenter d'obtenir des prestations qui ne sont pas dues ; que la cour d'appel n'a pas constaté que Emile A... avait conscience de la fausseté des déclarations et du caractère indu des remboursements ; que dès lors, sa décision se trouve privée de base légale au regard des textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, à la suite d'un contrat conclu entre la société de participation médico-chirurgicale (Spmc), dirigée par Emile A..., chirurgien, par ailleurs dirigeant de la société Sems, exploitant la polyclinique de Saint-Georges de Didonne, et la société Safir, cette dernière a versé à Emile A... des commissions destinées à rémunérer des études devant être effectuées sur les prothèses de hanches qu'elle commercialisait ; que cette rémunération a été incluse dans le prix, surévalué d'environ 15 %, mentionné sur les factures de prothèses établies par la société Safir et adressées, sur ordre d'Emile A..., par les services compétents de la polyclinique, aux organismes de sécurité sociale, au moyen d'un document dit "bordereau 615" afin d'obtenir le remboursement des prothèses posées; qu'entre le 31 octobre 1989 et le 17 avril 1990, Emile A... a perçu, de la part de ces organismes, la somme totale de 83 020 francs, correspondant à la rémunération d'études que, contrairement à ses engagements, il n'a pas accomplies ;

Qu'il a été poursuivi du chef d'escroquerie, pour avoir déterminé la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris à lui verser cette somme ;

Attendu que, pour requalifier les faits en délit d'obtention indue de prestations sociales et déclarer le prévenu coupable de ce chef, les juges, après avoir rappelé qu'aucune étude n'a été réalisée, énoncent notamment que le prévenu a fait verser, par la Caisse, à la Polyclinique, qui avait honoré des facturations surévaluées dans lesquelles la Safir avait intégré, selon convention occulte, ses honoraires, des remboursements globaux ne pouvant faire l'objet de discussions préalables ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, qui a apprécié différemment les faits dont elle était saisie, sans rien y ajouter, et qui a caractérisé l'existence d'un concert frauduleux, a justifié sa décision ;

Que, dès lors, les moyens doivent être écartés ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour la Caisse nationale des assurances maladie des travailleurs salariés, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble les articles L. 251-1 à L. 251-4, L. 252-1 à L. 252-3, L. 221-1, L. 377-1 et L. 377-5 du Code de la sécurité sociale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la CNAMTS ;

"aux motifs que si elle soutient que l'article L. 221-1 du Code de la sécurité sociale lui donne mission d'assurer le financement des assurances maladie, maternité, invalidité et décès et qu'à défaut de constitution de parties civiles des caisses primaires, elle est fondée à intervenir, le préjudice causé par les agissements retenus n'a pu être subi que par les organismes destinataires des demandes de remboursement et qui ont opéré des remboursements ; que tel n'était pas le cas de la CNAMTS, même si cet organisme a pour mission première d'assurer, sur le plan national, le financement des assurances-maladie ; et que dès lors, elle ne peut faire état que d'un préjudice indirect ;

"alors que chargée d'assurer sur le plan national le financement des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, et de maintenir l'équilibre financier de cette gestion, la Caisse nationale affecte une dotation annuelle aux caisses, reçoit, en cas d'excédant, une partie de l'excédant dans le cadre d'un fonds de réserve et assure aux caisses les ressources nécessaires, si la dotation est insuffisante pour couvrir les charges ; qu'à raison des missions qui lui sont légalement dévolues, la CNAMTS subit un préjudice direct et certain dès lors que le prévenu prive une caisse primaire de ses ressources, à la faveur d'un comportement délictueux ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu en violation des textes susvisés ;

Attendu que, pour déclarer la Caisse nationale des assurances maladie des travailleurs salariés irrecevable en sa constitution de partie civile et en ses demandes, la cour d'appel énonce notamment que le préjudice causé par les agissements dont le prévenu a été déclaré coupable n'a pu être subi que par les organismes qui ont effectué les remboursements sollicités ; que les juges, après avoir relevé que tel n'est pas le cas de la Caisse nationale, nonobstant sa mission d'assurer sur le plan national le financement des assurances-maladie, concluent que cet organisme ne peut invoquer qu'un préjudice indirect ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué ;

Que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Samuel conseiller rapporteur, MM. Martin, Piboulleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange conseillers de la chambre, Mme de la Lance, M. Soulard conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 00-80873
Date de la décision : 07/03/2001
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, 24 novembre 1999


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 mar. 2001, pourvoi n°00-80873


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SCHUMACHER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2001:00.80873
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