AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Z... Toufic, demeurant X... Dimitri, Stera Court 4, FF I T 101, Limassol (Chypre),
en cassation d'un arrêt rendu le 2 septembre 1997 par la cour d'appel de Paris (15e chambre civile, section A), au profit :
1 / de la Banque nationale de Paris, société anonyme, dont le siège est ...,
2 / de la Banque française de l'Orient (BFO), société anonyme, dont le siège est ...,
3 / de M. Demetrios A..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 décembre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, MM. Poullain, Métivet, Mmes Garnier, Collomp, Favre, M. Cahart, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Boinot, Mmes Champalaune, Gueguen, conseillers référendaires, M. Feuillard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Leclercq, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. B..., de la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la Banque française de l'Orient, de la SCP Defrenois et Levis, avocat de la Banque nationale de Paris, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1324 du Code civil, 287 et 288 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... a endossé à l'ordre de la BNP un chèque de 332 000 francs mentionnant avoir été émis à son ordre en mai 1990 par M. Y... sur un compte de celui-ci à la Banque française de l'Orient (BFO) ; que ce chèque a ensuite été égaré ; que M. B..., titulaire d'une procuration, donnée par son père, M. Y..., a formé opposition au paiement du chèque ;
qu'invoquant une lettre datée du 18 février 1991 qu'elle prétend signée par M. Y... et confirmant l'émission du chèque litigieux, la BNP a demandé la mainlevée de l'opposition de M. B... ;
Attendu que pour ordonner la mainlevée de l'opposition et le paiement du montant du chèque au profit de la BNP, l'arrêt retient que M. B... ne démontre ni la perte, ni le vol, ni l'utilisation du chèque par imitation de la signature de son père ;
Attendu qu'en se prononçant par de tels motifs, alors que même si le titre ne peut être produit et s'il est statué sur son contenu à partir de tous éléments extrinsèques de preuve, il n'appartient pas à celui qui dénie l'authenticité de la signature qui y aurait été originairement apposée d'apporter la preuve de sa fausseté, mais à celui qui l'invoque d'établir sa sincérité, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la BNP, la BFO et M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Banque nationale de Paris ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille un.