AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mlle Raphaëlla, Fernande Y..., demeurant ...,
en cassation de l'arrêt rendu le 18 mars 1998 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (15ème chambre civile), au profit de la Caisse régionale de Crédit maritime mutuel La Méditerranée, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
en présence :
- du Greffier en chef près le tribunal de grande instance de Marseille, domicilié en cette qualité, ...,
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 décembre 2000, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, Mme Petit, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de Mlle Y..., de Me Cossa, avocat de la Caisse régionale de Crédit maritime mutuel La Méditerranée, les conclusions de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par acte notarié du 7 novembre 1983, la Caisse régionale de Crédit maritime mutuel "La Méditerranée" a consenti à M. X..., rapatrié d'Algérie, un prêt de 1 400 000 francs pour financer l'acquisition d'un bâteau de pêche, le remboursement de ce prêt étant garanti notamment par un cautionnement solidaire donné à concurrence de 600 000 francs par Mlle Y... ; que l'organisme prêteur ayant engagé une procédure de saisie immobilière contre cette caution, un arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 7 septembre 1993, constatant que, par ordonnance du 8 décembre 1986, le président de la commission de remise et d'aménagement des prêts de réinstallation aux rapatriés avait ordonné la suspension des poursuites engagées contre le débiteur principal, a dit que la caution bénéficiait de cette suspension ; que le Crédit maritime ayant engagé une nouvelle procédure de saisie immobilière le 19 août 1996 contre Mlle Y..., celle-ci a demandé la suspension des poursuites jusqu'à ce que la CODAIR (Commission départementale d'aide aux rapatriés réinstallés) ait accordé un prêt de consolidation à M. X... ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 18 mars 1998) l'a déboutée de cette nouvelle demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mlle Y... fait grief à la cour d'appel d'avoir refusé de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 19 janvier 1998 et d'avoir déclaré irrecevables ses conclusions notifiées le 21 janvier suivant, dans lesquelles elle invoquait les nouvelles dispositions de l'article 100 de la loi du 31 décembre 1997 ;
Mais attendu que si ces dispositions s'appliquent immédiatement devant toute juridiction, leur bénéfice est subordonné à la justification d'une demande pendante devant la CODAIR ou d'un recours contre une décision négative ; que l'arrêt attaqué ayant retenu que Mlle Y... ne justifiait d'aucune de ces conditions, le grief est inopérant ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que Mlle Y... fait encore grief à la cour d'appel d'avoir méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 7 septembre 1993 et violé les articles 1351 et 1352 du Code civil ;
Mais attendu que si cet arrêt avait, dans le cadre de précédentes poursuites contre la requérante, ordonné leur suspension "jusqu'au 31 décembre 1993, à moins que ne soit accordé d'ici là un prêt de consolidation au profit de M. X...", il ne pouvait faire obstacle aux nouvelles poursuites faisant l'objet du présent litige, qui avaient été entreprises le 19 août 1996 ; que le grief n'est pas fondé ;
Et sur la seconde branche du même moyen :
Attendu que Mlle Y... fait enfin grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors que, selon le moyen, les articles 7 et 9 de la loi n° 82-4 du 6 janvier 1982, 44-I et 44-III de la loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986, 10 et 11 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987, 67 de la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989, 81 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993, et 100 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 ont permis à des rapatriés d'Algérie d'obtenir la suspension des poursuites engagées par leurs créanciers pour des emprunts contractés avant le 31 décembre 1985, jusqu'à la décision de la commission chargée d'octroyer des prêts de consolidation; qu'en l'espèce, M. X..., débiteur principal, ayant obtenu du président de la CODAIR de Perpignan la suspension des poursuites dont il était l'objet par décision du 8 décembre 1986, cette décision supposait qu'il avait déposé une demande de prêt de consolidation, de sorte qu'en estimant cependant que la preuve n'était pas rapportée du dépôt d'une telle demande et en refusant d'octroyer à la caution, qui pouvait s'en prévaloir, une suspension des poursuites, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'ensemble de ces dispositions ;
Mais attendu que la suspension des poursuites prévue par les textes susvisés est subordonnée à la condition que la demande de prêt de consolidation n'ait pas fait l'objet d'une décision définitive et qu'il appartient à celui qui invoque le bénéfice de cette suspension d'établir que cette condition est remplie ; qu'alors que l'ordonnance du 8 décembre 1986 précisait que la demande de prêt de consolidation présentée par M. X... devait être examinée dans un proche avenir, il n'a été justifié ni de la décision prise, ni du recours formé contre une décision négative; qu'ayant relevé d'une part qu'un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 décembre 1986 avait rejeté la requête de M. X... tendant à l'annulation d'une précédente décision refusant d'examiner sa demande de prêt de consolidation, d'autre part que Mlle Y... ne produisait aucun document émanant de la CODAIR d'où il résulterait qu'une demande de M. X... serait en instance devant cette commission, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que les conditions requises pour pouvoir bénéficier de la suspension prévue par les textes susvisés n'étaient pas remplies; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mlle Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille un.