AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Réunion (CRCAMR), dont le siège est Parc Jean de Cambiaire, ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 novembre 1997 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile), au profit :
1 / de M. Yvon X..., demeurant Bourbier les Bas, route de Takamaka, 97470 Saint-Benoît,
2 / de M. Gérard X..., demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 décembre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Besançon, conseiller rapporteur, MM. Tricot, Badi, Mmes Aubert, Vigneron, Tric, Lardennois, Pinot, M. Cahart, conseillers, Mme Graff, MM. de Monteynard, Delmotte, conseillers référendaires, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Besançon, conseiller, les observations de la SCP Parmentier et Didier, avocat de la CRCAM de la Réunion, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1382 du Code civil et 50 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Réunion (la banque) a déclaré en novembre 1993 au passif des redressements judiciaires ouverts à l'égard de MM. Yvon et Gérard X... des créances correspondant à leurs engagements de caution de la SCI Amandine, soit, pour chacun, à la somme de 5 280 285,41 francs ; que la banque ayant omis de déclarer sa créance à la procédure collective ouverte ultérieurement à l'égard de la société débitrice, le juge-commissaire a rejeté les deux créances de 5 280 285,41 francs ; que le montant de la rémunération du représentant des créanciers a été arrêté, par application de l'article 15 du décret n° 85.1390 du 27 décembre 1985, à la somme de 578 218,68 francs ; que les consorts X... ont assigné la banque, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, en paiement de cette rémunération mise à leur charge ;
Attendu que pour condamner la banque à verser aux consorts X... la somme de 578 218,68 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que selon un relevé bancaire la créance de la banque sur la débitrice principale ne s'élevait, à la fin de 1993, qu'à 611 795,07 francs, que la banque ne pouvait ignorer ni que la somme déclarée était manifestement exagérée, ni que sa créance sur la débitrice principale et donc sur les cautions s'était éteinte, qu'il est établi que non seulement la banque s'est abstenue de procéder à une déclaration rectificative quand elle était en mesure de le faire mais qu'elle a au contraire maintenu par deux lettres du 9 septembre 1994 sa déclaration fantaisiste, qu'en agissant ainsi elle ne pouvait ignorer qu'elle commettait une faute qui allait porter préjudice aux consorts X..., la rémunération à leur charge du représentant des créanciers étant fonction de la partie rejetée de la créance déclarée ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher en quoi la banque avait fait dégénérer en abus, au cours du délai légal, son droit de déclarer les créances dont elle estimait être titulaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne MM. Yvon et Gérard X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Réunion ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille un.