AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X... Loquais, ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la société anonyme Guegan, domicilié 28, Dupuy de Lôme, 56100 Lorient,
en cassation d'un arrêt rendu le 1er octobre 1997 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre civile), au profit de la société Sollac, venant aux droits et obligations de la société Valor aciers d'Usinor-Sacilor, dont le siège est ... La Défense,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 décembre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, M. Badi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y..., ès qualités, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Sollac, venant aux droits et obligations de la société Valor aciers d'Usinor-Sacilor, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Guegan le 26 juillet 1993, la société Sollac, venant aux droits de la société Valor, a revendiqué diverses tôles d'acier livrées à la société débitrice avant le jugement d'ouverture, en invoquant le bénéfice d'une clause de réserve de propriété ; que la cour d'appel a accueilli la demande ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que l'examen de l'unique "accusé de réception de commande" retenu aux débats démontre qu'était systématiquement rappelée la teneur des conditions générales de vente stipulant la réserve de propriété au profit du vendeur ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi sans répondre aux conclusions par lesquelles le liquidateur judiciaire de la société Guegan faisait valoir que l'accusé de réception du 11 mars 1993, versé aux débats, avait été adressé par la société Sollac, non à la société Guegan, mais à la société Valor, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 121, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994 ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt, qui constate que le 31 mars 1989 le directeur général de la société Guegan avait signé une convention réservant à la société Valor la propriété des marchandises vendues jusqu'au paiement intégral du prix et des accessoires, retient qu'en signant une telle convention, la société Guegan avait accepté la clause de réserve de propriété pour chacune des ventes qui pourraient être conclues par les parties ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans constater que, pour chacune des ventes intervenues, prises isolément, la clause de réserve de propriété avait été convenue entre les parties dans un écrit adressé à l'acheteur au plus tard au moment de la livraison et accepté par lui, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que, lors de l'inventaire dressé le 2 août 1993, le directeur général de la société Guegan et le chef de fabrication n'ont pas contesté la propriété de la société Valor sur les marchandises inventoriées ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de contestation du droit de propriété ne peut pallier, pour le succès de l'action en revendication, l'absence d'une clause de réserve de propriété, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt prononcé le 1er octobre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Sollac aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille un.