AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Didier Y..., demeurant ... les Pont a Mousson,
en cassation d'un arrêt rendu le 24 avril 1997 par la cour d'appel de Versailles (13e Chambre civile), au profit de Mme Véronique X..., domiciliée 3/5/7, rue Paul Doumer, 92500 Rueil-Malmaison, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Epi Production,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 décembre 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, M. Badi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme X..., ès qualités, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt déféré (Versailles, 24 avril 1997) d'avoir prononcé à son égard une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement une entreprise commerciale, artisanale et toute personne morale pour une durée de douze ans alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel qui a prononcé cette mesure en se bornant à constater que la comptabilité n'était pas conforme aux dispositions légales mais qui s'est abstenue d'énoncer les irrégularités commises a, en statuant ainsi, privé sa décision de base légale au regard de l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2 / que conformément aux articles 192, 187 et 182 de la loi du 25 janvier 1985, l'interdiction de diriger, gérer, administrer une entreprise peut être prononcée dans le cas où son dirigeant a abusivement poursuivi une exploitation déficitaire ; qu'en se bornant à affirmer qu'il y avait eu poursuite abusive d'une activité déficitaire, sans constater en quoi l'activité était déficitaire et en quoi la poursuite de l'activité était abusive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;
3 / que pour l'application de l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985, l'interdiction de diriger, gérer une entreprise ne peut être prononcée qu'à raison des faits accomplis par le dirigeant sanctionné et non à raison d'actes accomplis avant son entrée en fonction ; que la cour d'appel qui a admis que M. Y..., lors de son entrée en fonction, s'était aperçu des irrégularités comptables et de la situation déficitaire de la société, constatations d'où il s'évinçait que M. Y... ne pouvait être tenu pour responsable d'actes accomplis avant son entrée en fonction, mais qui a néanmoins prononcé à son égard une interdiction de gérer, n'a pas, en statuant ainsi, tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a, en statuant ainsi, violé les dispositions susvisées ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que le crédit de TVA de 250 000 francs n'avait pas pu être récupéré en raison des erreurs de comptabilisation, la cour d'appel, qui en a déduit que la comptabilité n'était pas conforme aux dispositions légales, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'actif évalué dans le bilan au 31 mars 1994 s'élevait à la somme de 6 330 880,25 francs, que l'actif déclaré au moment de la cessation des paiements avait été apprécié à la somme de "850 000 francs, plus mémoire" et que l'actif n'avait été réalisé que pour un montant de 10 118 francs, tandis que le passif reconnu lors de la cessation des paiements s'élevait à la somme de 6 182 143,39 francs et que le passif déclaré était d'un montant de 7 412 447,60 francs, la cour d'appel, qui en a déduit que le dirigeant avait poursuivi abusivement une activité déficitaire, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, qu'ayant constaté que M. Y... avait présidé le conseil d'administration de la société depuis le 1er février 1994 et avait exercé ses fonctions jusqu'à la mise en liquidation judiciaire le 4 janvier 1995, la cour d'appel, qui a retenu les faits, précédemment relevés, commis au cours de cette période de direction, n'a pas encouru le grief de la troisième branche ;
D'où il suit que le moyen est dépourvu du moindre fondement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le condamne à payer à Mme X..., ès qualités, la somme de 3 500 francs ;
Vu l'article 628 du nouveau Code de procédure civile, le condamne, en outre, à payer une amende civile de 3 500 francs et une indemnité de même montant à Mme X..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille un.